Expositions du 08/06/2006 au 26/09/2006 Terminé
Maison de l'Amérique latine 217, Boulevard Saint Germain 75007 Paris France
La photo de Susana Soca prise par Gisèle Freund à Paris en 1938 à la demande d'Henri Michaux, relie non seulement ces deux femmes, mais symbolise aussi la rencontre de deux mondes et les échanges entre l'Europe et l'Amérique Latine, renforcées pendant la deuxième guerre. Née à Montevideo en 1906, Susana Soca montre dès sa jeunesse un grand intérêt pour les lettres. La carrière scientifique de son père mène la famille à Paris. Des noms comme Charcot, Adrien et Robert Proust ainsi que ceux de Pierre Loti et Anatole France forment l'univers de son père et d'un oncle médecin, établi aussi à Paris. A Montevideo elle avait rencontré Carlos Reyles, Maria Eugenia Vaz Ferreira et Jules Supervielle, écrivains consacrés qui l'ont marquée. A cette époque, Gisèle Freund est à Berlin, où elle est née en 1908. Attirée par las musées la petite fille développe sa curiosité pour les secrets de l'art « comme peint-on l'air dans un tableau? » - était la question qu'elle posait à son père, collectionneur d'art. Adolescente, Julius Freund lui offre un appareil photo qui devient son compagnon permanent. Assoiffée de nouvelles idées, elle part faire des études à Francfort, dans le cadre privilégié des séminaires d'Adorno, Benjamin, Pollock et de Karl Mannheim notamment. En 1933 suite à la montée du nazisme elle quittera l'Allemagne pour Paris. A partir de 1938, Susana Soca et Gisèle Freund se retrouvent à Paris et le lieu de rencontre n'est autre que la librairie d'Adrienne Monnier, rue de l'Odéon. C'est aussi à « la maison des Amis des livres » que Gisèle Freund doit la publication de sa thèse de doctorat « Photographie et société », la première connue dans ce domaine. Leur univers commun reste celui des écrivains et des artistes : Caillois, Blanchot, Borges, Cocteau, Jules Romains, les sœurs Ocampo, Matisse, Torres Garcia, Pasternak, René Char, Nicolas de Staël, Bergamín. Un tournant naît d'une circonstance précise, Susana Soca veut absolument rester à Paris pendant la guerre et l'occupation tandis que Gisèle Freund se réfugie en Argentine. Alors l'année 1947 voit la naissance d'un projet où cet univers retrouve la forme d'une grande constellation. Susana Soca relie, point par point, personnage par personnage, les éléments autour de la Licorne : cahiers littéraires destinés à rassembler sous le même horizon un grand nombre de talents séparés par la guerre et les différences politiques, ainsi que leur pensée. Les compagnons bâtisseurs de l'idée sont également Pierre David, Roger Caillois et la présence authentique mais voilée de Paul Eluard. Les cahiers parisiens seront au nombre de trois dont le premier commence par un texte signé Supervielle. Valentine Hugo conçoit le dessin qui servira d'emblème à la couverture de la publication. Blanchot, T. S. Elliot, Moravia, Paulhan, Silvina Ocampo, Felisberto Hernandez, Ponge, Leger, Leyris, collaborent, Susana Soca ne donnera de ses poèmes qu'en 1948, lors du deuxième numéro, se trouvant déjà très loin de Paris, à Montevideo. La Licorne continue et diffuse des textes de Guillén, Sor Juana Inés de la Cruz, Jouve, Remizov, Alberti, Forster, Char, Grosjean, Zambrano et autres. En 1950 Gisèle Freund se trouve en Uruguay, suite à un départ forcé d'Argentine du à la publication de son reportage sur Eva Perón dans Life. Cachée en un premier tempsà « El Agueda » de Supervielle, elle séjourne ensuite chez Ingeborg Bayerthal à Montevideo. Attirée par le Mexique, elle quitte le Rio de la Plata et retrouve Kahlo, Rivera, Sequeiros, Dolores del Río et quelques intellectuels allemands, italiens et espagnols, anciens réfugiés. Susana Soca est alors en Uruguay, entourée de Guido Castillo et de Ricardo Paseyro avec qui elle reprend en 1953 sa revue sous le nom de « Entregas de la Licorne ». Depuis Paris, Supervielle, Sherban Sidéry et quelques amis soutiennent le projet. Au cours de ses treize numéros a vocation universelle, de nombreux textes sont publiés dans leur langue d'origine et traduits, dessins et photos les enrichissent. La collection complète de la revue est exposée ainsi que des documents concernant les écrivains et amis ayant participé à sa création. Tout au long de ces années, Gisèle Freund photographie en parallèle les mêmes personnages que ceux publiés par Susana Soca à La Licorne, comme un regard croisé sur ce cercle d'artistes et d'intellectuels qu'elles avaient connus et appréciés, autant à Montevideo qu'à Paris. Un certain nombre de ses portaits sont exposés à la Maison de l'Amérique Latine. En 1959, lors d'une traversée entre les deux continents, la poétesse uruguayenne disparaît, quelques jours après une grande réception donnée dans un hôtel parisien. Le constellation reliant Francfort à Montevideo prend feu sur la piste de l'aéroport de Rio de Janeiro le 11 janvier ; depuis, peu de bruit à propos de la dame à la Licorne… seul un buste en bronze venant de Montevideo à Paris, un an prés sa mort, défie l'éternité.
PS : Cette exposition est destinée à rendre hommage à Susana Soca pour le centenaire de sa naissance (19.07.1906- 19.07.2006) ainsi qu'à Gisèle Freund, la photographe amie des écrivains et par leur intermédiaire à l'univers exceptionnel qui constitue un pont entre le vieux et le nouveau monde. Le rôle de La Licorne est mis en avant par la symbolique de la revue, qui récupère et soude les éléments cassés d'un monde culturel affaibli et éclaté par les circonstances de l'histoire du XXè siècle. Cette culture retrouve dans les pages de la Licorne un foyer nouveau. Les capitales de l'Amérique Latine et notamment celles du Rio de la Plata sont devenues dépositaires, par les mêmes circonstances historiques, de ce mélange unique où l'on retrouve, quelques fois, les étoiles manquantes, permettant de recomposer l'éclat total de certaines constellations.-
RENSEIGNEMENTS
Pour Gisèle Freund :
Mail : elizabeth.perolini@wanadoo.fr
Pour Susana Soca :
Mail : juan.alvarez-marquez@wanadoo.fr valentinalitvan@hotmail.com
MAISON DE L'AMERIQUE LATINE
MAIL : culturel@mal.org WEB : www.mal217.orgMaison de l'Amérique latine 217, Boulevard Saint Germain 75007 Paris France