© GENERATOR #1
Frac Bretagne 19 avenue André Mussat 35000 Rennes France
Pour son exposition au Frac Bretagne à l’invitation de 40mcube, Jean-Charle Hue présente deux nouveaux films. Depuis plusieurs années il se rend au Mexique, à Tijuana, où il suit un couple rencontré lors de l’un de ses voyages. Lágrimas Tijuana, titre de l’exposition, est aussi celui de l’un des films présenté, dans lequel il suit le quotidien de ce couple, composé de menus larcins et de consommation de crack (crystal). Le film, à la fois tout en brutalité – celle, palpable, de la vie de ses protagonistes – et tout en nuance, évoque en quelques dialogues et quelques scènes les autres activités, bien plus redoutables, impossibles à filmer et difficiles à montrer, de l’homme en question qui n’est autre qu’un tueur à gage.
Par ce principe simple de l’ellipse, par un choix d’images et un montage précis, Jean- Charles Hue parvient subtilement à parler d’une réalité sans en faire ni du spectaculaire, ni du sensationnel, ni du voyeurisme. Il évite également tout ethnocentrisme et montre simplement la complexité et la diversité humaine, celles d’un monde dans lequel aucun manichéisme n’est possible.
L’exposition propose une mise en espace radicale dans la salle en forme de trapèze du Frac. Lágrimas Tijuana fait l’objet d’une très grande projection sur l’un des mur à l’extrémité de l’espace. Sur le mur opposé, soit à plus de 40 mètres, est présenté Crystal Bullet. Ce second film silencieux et mélancolique, dont le titre éclaire les images, est un portrait de femmes qui habitent Tijuana et qui semblent vivre entre deux mondes, celui cruel de Tijuana et un autre monde inventé pour survivre.
Ce choix de présenter en vis-à-vis ces deux films laisse un vaste espace où se déploie l’univers de Jean-Charles Hue, et dans lequel le spectateur peut à son tour évoluer.
© Jean-Charles Hue
L’exposition réunit et présente le travail des artistes de la première promotion de GENERATOR, programme de professionnalisation initié par 40mcube qui permet chaque année à quatre jeunes artistes de se consacrer entièrement à leur pratique pendant sept mois. Derrière des formes variées, des préoccupations communes apparaissent dans les pratiques respectives de Camille Bondon, Rémi Duprat, Aurélie Ferruel & Florentine Guédon et Camille Tan.
Camille Bondon s’intéresse à l’organisation et aux matérialisations de la pensée. Son travail prend la forme de performances, de textes, d’éditions. Pour accueillir ces formes temporaires, immatérielles, discrètes, Camille Bondon a conçu un ensemble de sculptures-mobiliers modulaire qui lui permet de créer l’espace nécessaire à ce qu’elle nomme ses exercices de parole. La question de la trace, également au cœur de ses recherches, l’a menée à éditer l’un de ses carnets de notes quotidiennes, qui rend visible son processus de travail.
Camille Tan réalise un autre type d’inventaire, qui prend la forme de sculptures, de dessins et de photo- graphies. Durant GENERATOR, il a ainsi mis en place un mode de production qui consiste en la collecte de matériaux hétéroclites rejetés à proximité de son atelier puis leur transformation et leur assemblage dans une vaste installation évolutive, Mon jardin japonais.
Rémi Duprat présente plusieurs œuvres liées à l’habitat nomade, mettant en évidence la survivance et per- sistance de certaines techniques de construction. S’intéressant à des pratiques culturelles – habitudes, cou- tumes, techniques - d’horizons et d’époques variés, il crée des rapprochements qui se concrétisent dans ses installations par la cohabitation de photographies documentaires ou mises en scène, de dessins et de sculptures. Le savoir-faire et la technique, centraux dans son travail, lui permettent de reproduire des objets, ancestraux ou contemporains, artisanaux comme industriels, et de les confronter.
Aurélie Ferruel & Florentine Guédon réalisent des performances inspirées de différentes traditions rurales, rituels, pratiques, confréries de leurs régions d’origines comme de contrées plus lointaines. Ces performances les amènent à utiliser différentes techniques artisanales comme la céramique, le tissage, la couture, le travail du bois... pour réaliser les costumes et objets de leurs performances. Pendant les sept mois passés en Bre- tagne, elles se sont intéressées aux coiffes et aux danses, qu’elles ont liées à une danse de séduction d’une ethnie africaine. Ce travail de recherche a donné lieu à la confection d’un costume complet, la réalisation d’un travail chorégraphique et d’une performance à huis clos qui a été filmée.
Ainsi les œuvres de Camille Bondon, de Rémi Duprat, d’Aurélie Ferruel & Florentine Guédon et de Camille Tan tissent un paysage passant du rural à l’urbain, de la construction de la pensée aux techniques et pratiques traditionnelles.
Anne Langlois