Le département de la Seine-Saint-Denis - désormais dénommé « neuf - trois » - représente certainement par beaucoup de côtés la face cachée de Paris... Plaine agricole au 19ème siècle, qui fournit en fruits et légumes les marchés parisiens, banlieue industrielle dans l’après guerre, intégrant la « ceinture rouge » communiste de la capitale, la Seine - Saint Denis devient dans les années 60 aussi le grand laboratoire de l’immigration en France, en accueillant notamment les habitants des anciennes colonies du Maghreb et de l’Afrique sub-saharienne. Perçue encore par certains Parisiens avec peur, indifférence ou snobisme, le “93” est le territoire que peu d’habitants de la capitale connaissent ou visitent. Il constitue néanmoins un territoire qui est plus vivant, plus jeune et plus actuel que la capitale, qui, elle, se transforme rapidement en décor muséal figé et centre de shopping pour touristes et consommateurs prospères.
Il est probable que le film de Mathieu Kassovitz en 1995, “La Haine”, ait révélé pour la première fois au grand public la Seine –Saint-Denis comme un pan original de la culture française moderne. Le film décrit 20 heures dans la vie de trois jeunes banlieusards d’origines diverses - un juif, un arabe, un africain. Lors d’une virée nocturne à Paris, leur manières violentes, l’argot de banlieue, les blousons noirs et les bonnets contrastent avec l’allure de parisiens branchés rencontrés dans un vernissage en galerie. Les deux mondes se heurtent sans se comprendre. Les gars du « 93 » sont grossiers mais dynamiques, les parisiens fins mais fades. Cette vision cinématographique violente de la banlieue est devenue à son tour un cliché.
Le jeune banlieusard frustré et agressif, prêt à l’émeute ou à la casse, est un sujet récurrent des reportages et des émissions des médias français. L’identité banlieusarde, le « multiculturalisme » le rapport de la banlieue à la République sont les sujets de discussion constants des milieux médiatiques et intellectuels parisiens.
Mais naturellement le “93” est un territoire plus riche et plus complexe, que celui véhiculé par beaucoup des clichés médiatiques actuels. Sa population est en constante évolution avec chaque nouvelle vague d’immigration. Les loyers élevés et l’embourgeoisement de la capitale ont poussé beaucoup de parisiens, en commençant par les jeunes et les créatifs, vers la petite couronne de la capitale, notamment Montreuil, Pantin et les Lilas. Le Stade de France et maintenant les bureaux de grandes entreprises y compris le luxe (Hermès et Chanel sont à Pantin ) ont colonisé la Seine Saint Denis.
D’importantes institutions culturelles essayent depuis les années 60 de casser le monopole parisien sur la culture officielle: Un festival de musique classique à la basilique de St Denis (1970), un festival de jazz (1984), les écoles de cirque de Zingaro et Fratellini, des scènes théâtrales modernes, Saint Denis (1960), Bobigny (1980), Aubervilliers (1971) et Montreuil (2007), le Centre National de la Danse à Pantin (2004) et de nombreux centres culturels qui offrent des résidences d’artistes comme le génial centre photographique de La Capsule au Bourget (2012) ou l’ Espace Gainville à Aulnay-sous-Bois. Une grande partie du Rap français, les chanteurs Suprême NTM, Sefyu et Tandem sont natifs du “93”. De plus en plus d’artistes ont été attirés par la Seine Saint Denis ces vingt dernières années. Ils y habitent et y travaillent. Ils observent et sont inspiré de son environnement urbain complexe et anarchique.
Les photographes parisiens, Tina Merandon, Jean-Manuel Simoes et Vivian Van Blerk, ont chacun dans leur manière, exploré, ou incorporé dans leur travail ces dix dernières années, des facettes caractéristiques du “Neuf-Trois”. La présente exposition apporte des images de ce monde, géographiquement proche mais culturellement distant, à Paris.
Jean-Manuel Simoes aborde le « 93 » en se basant sur son expérience de photojournaliste professionnel. Son regard est sociologique et critique. Dans sa série de portraits des habitants de la cité du Chêne-Pointu à Clichy-sous-Bois, il capte les gens dans leur environnement quotidien en les abordant dans les cages d’escalier ou en sonnant à leur portes et leur demandant s’ils souhaitent être photographiés. Le résultat est une mosaïque de portraits d’une grande humanité dont le sérieux et la dignité vont à l’encontre des clichés ethniques et sociologiques que véhicule la presse ou la télévision dans leurs reportages sur cette banlieue tristement connue pour les émeutes de 2005. Dans la série “My last campagne” ou “Pubs” les noms de marques connues et des slogans publicitaires actuels sont juxtaposés à des scènes de la « vie réelle » de la banlieue. Ce contraste entre le consumérisme bobo parisien avec les réalités crues de la vie banlieusarde est à la fois drôle est mordant.
© Jean-Manuel Simoes
Tina Merandon, qui a beaucoup travaillé dans le “93”, photographie elle les habitants de la banlieue dans des mises en scènes qu’elle invente et dirige par elle même. Pendant sa résidence d’artiste dans le département elle créa la série “Bang” dans la quelle des adolescents ou des jeunes gens volontaires du Bourget se retrouvent entremêlés ou enlacés dans des actions physiques qui se situent quelque part entre la lutte, la rixe et la danse. De cette façon Merandon capte et canalise les énergies, les anxiétés, la rage de vivre des habitants du 93 dans des séquences de mouvements spontanés qui deviennent des sculptures vivantes. Tina Merandon, qui a beaucoup travaillé dans le “93”, photographie elle les habitants de la banlieue dans des mises en scènes qu’elle invente et dirige par elle même. Pendant sa résidence d’artiste dans le département elle créa la série “Bang” dans la quelle des adolescents ou des jeunes gens volontaires du Bourget se retrouvent entremêlés ou enlacés dans des actions physiques qui se situent quelque part entre la lutte, la rixe et la danse. De cette façon Merandon capte et canalise les énergies, les anxiétés, la rage de vivre des habitants du 93 dans des séquences de mouvements spontanés qui deviennent des sculptures vivantes.Tina Merandon, qui a beaucoup travaillé dans le “93”, photographie elle les habitants de la banlieue dans des mises en scènes qu’elle invente et dirige par elle même. Pendant sa résidence d’artiste dans le département elle créa la série “Bang” dans la quelle des adolescents ou des jeunes gens volontaires du Bourget se retrouvent entremêlés ou enlacés dans des actions physiques qui se situent quelque part entre la lutte, la rixe et la danse. De cette façon Merandon capte et canalise les énergies, les anxiétés, la rage de vivre des habitants du 93 dans des séquences de mouvements spontanés qui deviennent des sculptures vivantes.Tina Merandon, qui a beaucoup travaillé dans le “93”, photographie elle les habitants de la banlieue dans des mises en scènes qu’elle invente et dirige par elle même. Pendant sa résidence d’artiste dans le département elle créa la série “Bang” dans la quelle des adolescents ou des jeunes gens volontaires du Bourget se retrouvent entremêlés ou enlacés dans des actions physiques qui se situent quelque part entre la lutte, la rixe et la danse. De cette façon Merandon capte et canalise les énergies, les anxiétés, la rage de vivre des habitants du 93 dans des séquences de mouvements spontanés qui deviennent des sculptures vivantes. L’ordinaire et le banal transformés par l’action et captés par l’objectif photographique donnent lieue à une surprenante poésie visuelle. Pourtant les identités ethniques et sociales des participants restent prédominantes – ils ne ressemblent pas à des danseurs, des athlètes ou des comédiens – la poésie s’enracine dans de réalisme social. Alors que la violence explosive de la série des « Chiens » crée en collaboration avec des entraineurs professionnels de pitbulls du 93, devient presque un métaphore pour l’agressivité et la frustration de la jeunesse banlieusarde, la frustration qui nourrit les émeutes périodiques du 93.
© Tina Merandon
La relation qu’entretient Vivian van Blerk avec le “93” est plus intime et plus personnelle. Il y vit et il y travaille depuis maintenant 15 ans. Ses photos même les plus imaginaires sont imprégnées de son environnement visuel – les terrains vagues industriels, le détritus, les HLM à l’horizon des paysages, des coins rustiques oubliés ou des vieux outils agricoles de la Seine - Saint Denis, qu’on retrouvent abandonnés dans un vieux hangar voisin de son atelier à La Courneuve. Le “93” devient dans l’œuvre de van Blerk une contre-utopie mélancolique, unterritoire imaginaire dans le quel la disparition du vieux monde innocent et rural de la Seine – Saint Denis peut être perçu comme un métaphore de la nostalgie qu’éprouve l’artiste déraciné pour ses propres origines dans l’Afrique du Sud disparue de sa jeunesse.
© Vivian van Blerk