Comme?moration de Srebrenica © Denis Paillard
Galerie Fait & Cause Rue Quincampoix, 58 75004 Paris France
"J’ai rencontré Florence Hartmann une première fois lors d’une conférence des Mères Pour la Paix. Nous avons eu ensuite l’occasion de nous revoir au hasard de voyages en Bosnie, voyages ayant abouti à la réalisation de ce reportage. Sa pratique du journalisme, son expérience de porte-parole de Carla del Ponte procureur du TPY (Tribunal international Pour l’ex-Yougoslavie), son engagement, ses connaissances tant historiques que géopolitiques, m’ont évidemment amené à solliciter Florence pour présenter ce travail. "
Denis Paillard
Il y a vingt ans, la Bosnie-Herzégovine s’enfonçait dans la guerre. La chute du Mur de Berlin, quelques années plus tôt, n’avait pas préservé l’Europe réunifiée du retour de la barbarie à ses frontières. La purification ethnique défigurait et souillait cette terre des confluences, exposée au mauvais vent de l’Histoire et de ses apprentis sorciers.
Commémoration de Srebrenica © Denis Paillard
Kada Otic, Sarajevo. Fédération de Bosnie-Herzégovine © Denis Paillard
Kada a vécu à Srebrenica avec son mari, sa fille et son fils jusqu'en 1995. Son fils et deux de ses oncles ont échappé à la liquidation de l'enclave en s'enfuyant par les bois. Son frère et son mari ont été emmenés par les Serbes. Elle ne les a jamais revus. Une partie du corps de son mari a été retrouvée et identifiée. Elle en acceptera l’inhumation au mémorial quand on en aura retrouvé la tête. « Quand vous êtes touchés par une trop grande douleur, il ne faut pas sombrer dans le désespoir. Quand on éprouve une grande joie, il faut relativiser. Il faut toujours chercher le milieu d’or. »
L’indifférence des dirigeants occidentaux, enivrés par leur fraîche victoire sur le communisme, scellait notre impuissance à tenir notre promesse du "plus jamais ça" tandis que les charniers remplissaient les entrailles d’une Bosnie trop longtemps abandonnée à son sort. En 1995, une paix bancale faisait taire les armes mais laissait le pays divisé, dans sa mémoire comme dans ses institutions.
En compagnie des infatigables “Mères Pour la Paix”, Denis Paillard, photographe lillois, voyageur attentif et patient, pose son regard sur ce pays qui tente de se reconstruire. Son objectif sait saisir avec pudeur cette extraordinaire force qui jaillit du plus profond de l’abîme du traumatisme et permet, à qui sait s’en saisir, d’apprendre à affronter l’épreuve et la souffrance, à aller de l’avant même si la blessure est et restera toujours présente. Les stigmates de la guerre sont là, sur les façades éventrées, sur les visages fermés et les silhouettes crispées mais déterminées et dignes. Munira, Sehida, Kada ont trouvé une réponse autre que la vengeance face à l’injustice en devenant les gardiennes de la mémoire du génocide de Srebrenica, en juillet 1995. Contre l’oubli, pouvoir dire, raconter, mettre en mots, construire un récit, mettre des noms sur chacune des victimes, c’est vaincre l’œuvre des tueurs qui misaient sur le silence éternel des morts. La douleur est omniprésente mais c’est cette volonté de faire face, de vivre malgré tout qui transperce dans chacune de ces photographies. Malgré l’incompréhension. Malgré l’irréparable. Une volonté qui illumine aussi les traits de ces hommes et femmes qui osent dénoncer les crimes de leur propre camp et combattre la haine. Srebrenica, Prijedor, Kozarac, Bihac, Gorazde, Foca, Sarajevo, autant de villes martyres où nous emmène Denis Paillard, photographe de la survivance.
• Florence Hartmann
Journaliste et écrivain, elle a couvert les guerres de l’ex-Yougoslavie pour Le Monde et a été la porte- parole de Carla Del Ponte au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda.
• Mères Pour la Paix (MPP)
En 1991 au pire du conflit Serbo-Croate, alors que celui-ci est sur le point de s'étendre en Bosnie, des mères et femmes de soldats Croates s'élèvent contre les massacres et les viols de masse. Elles se regroupent pour chercher des solutions dans le dialogue et la paix et lancent un appel à toutes les mères du monde qui sera entendu en Europe, au Canada mais aussi en France. En 1994, Nanou Rousseau crée l'association des Mères Pour la Paix afin de venir en aide aux femmes et aux enfants victimes de conflits. Leurs programmes recevront de nombreux prix dont celui des lectrices pour l’action humanitaire du « Figaro Madame » en 2005 (en lien avec l’Afghanistan) et le prix des Droits de l'Homme de la République Française en 2006. C'est grâce à l'aide des MPP que ce travail a été rendu possible. www.merespourlapaix.org
• Cette exposition a été réalisée avec le soutien du Fonds de Dotation Agnès b.