© Matthieu Paley
Tout a commencé... dans le nord-est de l’Afghanistan, sur le plateau du haut Pamir. Pendant 12 ans, Matthieu Paley y a suivi les Kirghizes nomades, se familiarisant au cours des années avec la géographie, la langue, la culture, développant ses contacts... dans des lieux isolés où aucun étranger n’était venu en hiver depuis les années 1970. Il y a notamment pris conscience que pour cette communauté aux conditions de vie extrêmement difficiles et vivant en autosuffisance, tout le quotidien tourne autour de la procuration de la nourriture. En 2012, il part faire son premier reportage pour National Geographic dans le Pamir Afghan.
Au vu de ces images, National Geographic US décide de confier à Matthieu Paley un autre sujet, cette fois-ci global, sur les régimes alimentaires à travers le monde. Il s’agira de photographier des communautés auto-suffisantes, qui ne consomment aucun aliment provenant de l’extérieur donc complètement dépendantes de leur environnement. Ils déterminent les communautés à visiter en fonction de leur environnement caractéristique : désert, arctique, savane, méditerranée, montagne, océan et jungle.
© Matthieu Paley
Pour la partie sur la savane, il décide bien évidemment de partir en Afrique. Après de nombreuses recherches, il décide d’aller documenter le mode de vie des Hadza, qui vivent en Tanzanie et qui ont probablement le plus ancien régime alimentaire du monde : celui des chasseurs-cueilleurs.
7 pays, 44 vols et 5 mois plus tard, Matthieu Paley a terminé son reportage (« The Evolution of Diet », National Geographic , septembre 2014). Suivre le quotidien des Hadza en a constitué l’expérience la plus intense, aussi souhaitait-il ardemment la prolonger. Ce qu’il a pu réaliser grâce à la bourse professionnelle du Prix photo du Muséum : il est ainsi retourné en mars 2015 au pays des « derniers des premiers hommes ».
L’AVENTURE DE MATTHIEU PALEY CHEZ LES HADZA
Les Hadza vivent comme nos ancêtres il y a des dizaines de milliers d’années, avant l’invention de l’agriculture : ils ne consomment que les aliments qu’ils trouvent dans leur environnement : gibier, miel, plantes. Seuls quelques produits « de confort » sont échangés auprès des tribus environnantes : vêtements, tabac et ornements, qu’ils troquent contre des peaux et du miel.
Matthieu Paley, immergé dans leur quotidien, les a suivis à la chasse, qu’ils pratiquent avec arcs et flèches. Il participe alors à de longs treks sur la piste des animaux sauvages, les chasseurs devant composer avec un handicap inédit : l’odeur exotique du photographe, facilement détectable par leurs proies potentielles... Ces marches de plusieurs jours leur a toutefois permis de rencontrer la faune environnante : des dik-diks (antilopes naines), des phacochères, des zèbres... ou encore une girafe !
© Matthieu Paley
Mais les Hadza ont souvent peu de succès à la chasse. Leur régime alimentaire repose donc essentiellement sur la cueillette, qui peut représenter jusqu’à 70% de leur apport énergétique annuel. Comme ils ne stockent aucun aliment, il n’y a rien à manger au campement le matin. Ils partent donc chaque jour dans la savane pendant quelques heures afin de trouver ce dont ils ont besoin : baies, miel, tubercules, fruits du baobab... et parfois un animal.
Les Hadza sont des nomades qui vivent dans des campements faits de branchages recouverts d’herbe. Quand ils quittent leur campement, branches et herbes retournent à la terre ; aucune trace n’est laissée derrière eux. Ils vivent depuis des milliers d’années en harmonie avec la nature. Mais ce qui a le plus marqué Matthieu Paley, c’est avant tout le bonheur et la joie de vivre des Hadza. Suivant leur mode de vie ancestral, ils vivent complètement dans le présent, se concentrant uniquement sur leur survie quotidienne. Pas de projection dans le futur ni de regard vers le passé... ils ne s’inquiètent pas. D’ailleurs, dans leur langue, ce concept n’existe pas.
Le mode de vie libre et intransigeant des Hadza est admirablement rendu à travers la soixantaine de photographies de Matthieu Paley. L’exposition « Hadza – Derniers des premiers hommes » immerge le visiteur dans une culture aux antipodes de ce qu’il peut connaître aujourd’hui et montre des paysages et des hommes empreints de sérénité et de beauté.