Montage vidéo réalisé par Richard Helmer représentant Joseph Mengele grâce à la technique de « superposition visage / crâne ». à partir de deux images sources du crâne et du portrait de Josef
Expositions du 4/6/2015 au 30/8/2015 Terminé
BAL Paris 6, Impasse de la Défense 75018 Paris France
Premier événement au BAL sans œuvre et sans artiste, I’exposition est consacrée à l’image produite en tant que preuve par des experts, chercheurs et historiens dans des cas de crimes ou de violences individuelles et collectives.BAL Paris 6, Impasse de la Défense 75018 Paris France
Sont présentés onze cas depuis l’invention de prises de vue « métriques » de scènes de crimes au tournant du XXe siècle, jusqu’à la reconstruction d’une attaque de drone à la frontière du Pakistan en 2013. Pour chaque cas, un expert revient sur le contexte historique et géopolitique, la finalité des images et leurs conditions de production.
Comment les traces, les signes ou les symptômes d’un acte criminel peuvent-ils être découverts, compris et validés par l’image ? Comment des dispositifs de capture ou de présentation de l’image sont-ils conçus par les experts pour renforcer son caractère probatoire ? Comment l’image se construit-elle dans un discours scientifique et historique de vérité ?
Alphonse Bertillon, Assassinat de monsieur Canon, boulevard de Clichy, le 9 décembre
1914 : vue par renversement / Préfecture de police de Paris, Service de l’Identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de police de Paris
Fort de Douaumont, près de Verdun, 20 mai 1916, 16 h, altitude 1 200 mètres, Section de photographie aérienne.
© Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais, photo Marie Bour
Rodolphe A. Reiss, Empreintes digitales relevées sur une toile cirée, 25 novembre 1915, Grand-Chêne, Lausanne, Vaud.
Collection de l’Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne
e © R. A. REISS, coll. IPSC
« La photographie enregistre, fixe, valide, certifie. Le pouvoir d’attestation de l’image est un instrument de conviction essentiel au service de la justice. L’usage cou- rant de photographies dans les tribunaux depuis l’invention du médium, le démontre. Mais que peut-on vraiment apprendre de ce que l’on voit sur une image ? on le sait bien, l’image révèle et occulte en même temps, en livrant des indices trompeurs, tronqués ou parcellaires de ce qui est advenu. Plus que tout autre fait, le fait criminel s’avère opaque, indescriptible, irreprésentable. Dans la matière même de l’image sont gravés une multitude de signes clairs mêlés à des signes confus, des leurres possibles côtoient des détails signifiants. L’image est donc toujours une énigme en soi qui demande que soit dit ce qu’elle montre.
L’enjeu est alors pour les experts de construire un dispositif à même de révéler la substance de l’image, sa vérité. Richard Helmer superpose deux images de josef Mengele, le « Livre de la destruction » inventorie les immeubles détruits à Gaza en 2009. Le dispositif visuel montre ce qu’a priori, on ne peut pas voir. Il « rend visible l’invisible » comme le théorise Rodolphe A. Reiss. Paradoxalement, l’objectivité de l’image à des fins judiciaires est quelque chose qui s’élabore, se construit. Pour y parvenir, le dispositif doit atteindre un idéal de transparence, de neutralité du point de vue. La disparition de l’expert en tant qu’auteur, c’est à ce prix que l’image accède au statut de preuve.
Cette apparente absence de style dans l’image constitue une écriture en soi. Autre paradoxe, le dispositif occulte souvent la dimension personnelle du crime et ce, alors que l’image a justement pour fin d’identifier la victime des actes de violence et le coupable de ces actes. Les clichés de Bertillon adoptent un point de vue « in-humain » en surplomb, qui veut embrasser tout le champ d’un coup. L’accumulation des portraits des victimes de la Grande terreur démonte avant tout la mécanique des exécutions de masse. Les images d’actes criminels transgressent un tabou, celui de la représentation de la mort.
Leur finalité est de montrer sans critère esthétique, de témoigner sans critère moral. Ces images « hors la loi » existent pour que justice soit faite. Mais se rapprocher de la vérité par l’image est un exercice complexe, périlleux, non exempt de calculs de probabilités et de marges d’erreur. L’expert ne capte souvent que des indices fragiles, un scénario hypothétique, des bribes de vérité. La validation ultime de l’image en tant que preuve incombe donc toujours au bout du compte au Verbe, à l’art rhétorique de la persuasion qui s’exerce dans l’enceinte du tribunal.
Exposer ces images implique de les déplacer de leur cadre habituel de perception. nous avons tenté de comprendre comment, quand et par qui elles ont été produites, et de proposer une perspective critique sur leur statut, ni images symboliques, ni preuves en soi. Pour l’enquêteur comme pour le spectateur, mettre en action une pensée en images, c’est déjà trouver... une fenêtre de vérité. »
- Diane Dufour -
Exposition conçue par Diane Dufour
avec Luce Lebart, Christian Delage et Eyal Weizman
et la contribution de jennifer L. Mnookin, Anthony Petiteau, tomasz Kizny, thomas Keenan et Eric Stover Scénographie par l’Atelier Maciej Fiszer
En co-production avec the Photographers’ Gallery à Londres et le nederlands Fotomuseum à Rotterdam. Exposition présentée dans le cadre des 5 ans du BAL