Expositions du 04/06/2006 au 17/09/2006 Terminé
Les Rencontres d'Arles 10, rond-point des Arènes 13632 Arles France
« C'est du réel des choses les plus quotidiennes qu'est fait à la longue le charme du passé. Nous qui sommes si vains d'être "modernes", nous serons, un jour, des vieilles lunes, et le cadre neuf où nous vivons apparaîtra aussi comme un décor de songe… Photographes de 1933, c'est pour l'an deux mille que vous travaillez, on vous y trouvera bien du talent. »
Brassaï
Tokyo, Paris, New York, bien sÛr… la trilogie de Klein. Impossible d'y échapper. Mais aussi Bangkok, Las Vegas, Marseille, Cracovie, Bénarès, Yaoundé, Orlando, Santiago du Chili, Prague, Berlin, Rome, Moscou, La Havane, Helsinki, Dublin, Londres… et bien d'autres. Pourquoi photographier des villes ? C'est pas un sujet une ville ! Pourquoi toujours aller voir comment vivent les « urbains » ? Pourquoi cette fascination pour ces noms de cités sur les cartes Pourquoi mélanger des instants capturés aux quatre coins du monde ? Pourquoi essayer de rassembler tout cela dans une cohérence autant esthétique que politique, sans le prétexte de l'unité de temps, de lieu et d'action ? En voyageant de villes en villes, je ne sais pas vraiment ce que je cherche. Mais je sais ce que je veux éviter. Montrer plutôt que démontrer.. Raconter des histoires. Fuir les séries fermées sur elle-même, les généralisations. Des photos contre les clichés. Pour moi, photographier ce n'est pas illustrer un concept préconçu. C'est aller au devant du monde et du hasard et essayer d'en tirer un point de vue « photographique ». C'est à dire esthétique, poétique et politique. Politique, oui, parce que l'étymologie même du mot nous renvoie à la ville et que c'est dans les villes que se prennent les décisions politiques. Esthétique, parce que seul le plaisir visuel donne envie d'en voir et d'en savoir plus. Poétique parce que je préfère évoquer plutôt qu'asséner, suggérer plutôt que documenter. C'est aussi dans les villes que se jouent notre 21ème siècle. Il y a sans doute plus de différence entre un paysan de l'Ariège et un Parisien qu'entre ce parisien et un New Yorkais ou un Tokyoïte. Le citadin doit s'inscrire en permanence dans les espaces architecturaux qui le dominent, le façonnent. Chaque ville, ses bâtiments, ses pierres, ses façades, ses lumières conditionnent ses habitants. Tout un théâtre urbain dans lequel j'essaie de capturer des moments significatifs. Sans mise en scène, ni retouche numérique, ni « droit à l'image ». La ville comme territoire photographique à conserver. Ne pas l'abandonner quand tout concourt (numérique, juridique, artistique…) à ne plus s'y confronter. Là aussi, c'est un choix « politique » et « poétique ». Dans une ville, j'ai besoin du dépaysement. De l'anonymat. J'opère vite, je me repère facilement, je déclenche, j'avance. Je poursuis des pistes, des ambiances, des lumières, des bouts de rue. Je marche avec mes deux appareils sur l'épaule. Un chargé en couleur, l'autre en n&b. Je crois aux mélanges du noir & blanc et de la couleur. Réunir les deux. Les faire cohabiter avec justesse. Histoire de jouer sur deux tempos, sur deux gammes d‘improvisation. Deux appareils comme deux instruments. Après la prise de vue, il reste alors au photographe à reconstruire le monde que l'on a vu dans son viseur. Comment raconter une ville, ses murs, ses tonalités, ses nuits, ses aubes ? Comment par exemple montrer qu'à Orlando (Floride, USA) à 6 h du matin quatre trajectoires humaines se croisent : Une femme de ménage noire commence sa journée à l'hôtel. Un jardinier, noir aussi, coupe les mauvaises herbes dans un centre commercial. Un troisième noir attend un bus, debout, pour aller travailler. Et à côté passe un blanc. En tennis blanche, il court, il fait son jogging… Comment photographier ces trajectoires urbaines parallèles ? Je ne sais toujours pas. J'essaie. J'y crois. Je continue.
Jean-Christophe BéchetLes Rencontres d'Arles 10, rond-point des Arènes 13632 Arles France