Vendredi 03 Août 2012 15:13:22 par actuphoto dans Expositions

« Faire la route », « tracer la route » : des expressions qui substituent à l'idée de suivre une voie préétablie celle de la créer en la parcourant. Elle n'est alors plus seulement ce tracé optimal que topographes et ingénieurs ont négocié avec la nature, mais un ensemble complexe de sensations, de volonté, de vitesse, de paysages entr'aperçus : un moment de vie entre parenthèses, suspendu, qui ne se résume pas au déplacement ni à l'objectif fonctionnel de rejoindre un point d'arrivée. Nicolas Bruant, qui parcourt les pistes africaines depuis plus de trente ans, semble sérieusement accroché à cette drogue du ruban qu'il faut « avaler » pour se purger des entraves de la vie ordinaire. Pas d'accoutumance ici : il retrouve chaque fois intacte cette excitation des sens qui l'informent par l'odeur et le bruit que son moteur tient bon, par les trépidations qui parcourent son corps que la vitesse est adaptée à la « tôle ondulée » de la piste. Ajoutez à tout cela l'hypnose du paysage qui défile, la liberté de se fixer un but improbable en même temps que d'improviser, et vous reconnaîtrez dans les photos de Nicolas Bruant la fascination d'un homme pour cette expérience de solitude et d'endurance. Dans ses grands formats en noir et blanc, à la matière dense, aux tonalités chaudes et sombres, la route apparaît tantôt comme une trace lumineuse qui irradie un paysage crépusculaire, tantôt comme une noire balafre qui le sectionne. Tendue d'un seul jet ou sinueuse, elle est traitée comme un objet autonome, presque une sculpture, et les paysages qui l'entourent, si peu localisables, si pauvres en anecdotes, ne sont pas loin d'être les éléments d'une nature morte. Les images-réminiscences de Nicolas Bruant semblent la résultante des innombrables souvenirs accumulés au cours de centaines de milliers de kilomètres. Déclencheurs de mémoire à leur tour, elles éveillent en chacun de nous la reconnaissance de ses propres souvenirs. J.-C. F.