© Séoul - Gueorgui Pinkhassov/ Magnum Photos
Sans le savoir vous avez peut-être déjà vu les photographies de Gueorgui Pinkhassov. Chargé par la RATP de photographier les transports en commun dans cinq villes différentes, son travail a été exposé dans des stations parisiennes : « St Michel », « Hôtel de Ville », « Saint-Denis » « Jaurès » etc... d`ans "Un Nouveau regard sur la mobilité urbaine"Le photographe d'origine russe, en publie aujourd'hui une sélection aux éditions de La Martinière.
© Florence - Gueorgui Pinkhassov/ Magnum Photos
Arrêter le temps
Que ce soit à Casablanca, Florence, Londres, Paris ou Séoul, Gueorgui Pinkhassov a tenté de saisir ces mobilités urbaines qui font notre quotidien.
Photographier les transports, c'est d'abord arrêter le temps. L'artiste retient des secondes insaisissables et incertaines traduisant un présent en attente. Confinées dans un espace sur lequel ne peut s'exercer aucun contrôle individuel, les foules baissent les yeux, s'accrochent à leur livre ou à leur smartphone. Ces regards furtifs, qui permettent à peine de distinguer ce qui les entourent, participent d'une perte de repères. Pour la combattre, des couleurs vives viennent parfois surprendre l'obscurité des photographies de Pinkhassov. Les contrastes permettent de mettre en avant le rouge et le jaune tels des attrape-l'oeil. Les couleurs d'un violoncelle, d'une valise, de chaussures ou d'un bouquet de fleurs retiennent l'attention avant de repartir vers l'inconnu. A travers ces jeux de flou et de lumière, les photographies de Pinkhassov témoignent d'un indomptable paysage perpétuellement en marche.
© Paris - Gueorgui Pinkhassov/ Magnum Photos
Paysages indomptables
Pinkhassov photographie des mains, des jambes, des dos, parfois des visages mais jamais un regard. L'artiste le cherche sans le trouver, laissant l'appareil photo prendre sa place et devenir l'oeil des passants. Gueorgui Pinkhassov exprime un regard fuyant qui aperçoit mais refuse de personnifier. De Florence à Séoul en passant par Paris, la foule reste anonyme. Dans l'ombre des photos se détachent parfois des silhouettes, telles des fantômes. L'artiste russe, en jouant sur les superpositions et les reflets, décuple l'anonymisation des individus. Les vies se croisent sans jamais se rencontrer. Que les gens soient oppressés ou au contraire libres de leur mouvement, il en ressort une extrême solitude. Pinkhassov saisit la sensation d'absence au cœur même de la foule. La mobilité urbaine, cette œuvre de déshumanisation moderne.
© Londres - Gueorgui Pinkhassov/ Magnum Photos
Retrouver l'humanité de la mobilité urbaine
On est surpris de voir que la RATP, qui a commandé ce travail, ait laissé Gueorgui Pinkhassov photographier la tristesse des transports en commun. Son appareil photo accompagne le flux des passagers, l'immobilise sans le trahir, produisant une image fuyante. Elle joue avec les éclairages artificiels et traque la lumière du jour pour y distinguer l'être humain. A Séoul, enfin, un visage s'illumine, rit, comme un miracle du quotidien.
Un seul regret, peut-être, Gueorgui Pinkhassov n'a pas eu les autorisations nécessaires pour photographier le métro de Moscou, si symptomatique du paradoxe russe. Derrière les visages fermés et les regards sombres des Moscovites se cache un profond désir de vivre. Au coeur d'une ville oxymorique, perdue entre tradition et modernité, ce désir se fait sentir dès qu'on leur parle. S'affirme alors la nécessité de la rencontre, dans le métro, le bus et partout ailleurs...
© Casablanca - Gueorgui Pinkhassov/ Magnum Photos
Paulina Gautier-Mons