© Antoine d'Agata
Angkor, 23 Juin 2014. Nuit… La methamphétamine apaise la peur. Je parcours les rues et photographie les filles qui arpentent les berges du Tonle Sap, prisonnières de l’obscurité, forcées d’accepter de bonne grâce leur rôle d’esclave, la nécessité de leur soumission et docilité envers les hommes.
Le Chrab Srey, manuel d’éducation des jeunes filles Khmers dit : « Chère, peu importe ce que ton mari a fait de mal, je te demande d’être patiente, de ne rien dire [… ]. Ne le maudis pas, ne sois pas son ennemi [… ]. Peu importe s’il est pauvre ou stupide, ne le regarde pas avec mépris [… ]. Peu importe ce que dit ton mari quand il est colère, quand il jure, utilisant sans fin des mots violents, quand il se plaint parce qu’il est pas heureux, sois patiente avec lui et calme ta colère. »
L’aube est encore loin… Je marche jusqu’au matin, chasse ces êtres muets qui semblent défendre de leur corps l’autel secret d’une religion invisible. Effacement lent des formes qui s’évanouissent.Je continue de photographier les corps, les visages.
Sourires… Certaines filles se cachent entre les arbres, le long du fleuve sacré qui purifie les hommes de la mort. Certains mots résonnent en moi, répétant sans cesse la même histoire…Le sexe utilisé comme une arme pour anéantir des hommes… Savoir ce que c’est que d’être morte après avoir été violée… L’espoir de se venger par le sexe… Recevoir le sperme de cent hommes et en jouir… Se prostituer comme le seul acte qui la rend consciente d’être en vie… Le goût de la salive, du sperme et du vomi qui est le goût de la vie… Jusqu’à ce que la mort nous sépare, nous prenne à part… Antoine d’Agata
La galerie Temple est ouverte du jeudi au samedi de 15h à 19h.