Souvenirs d’Italie #8, 2014 © Studio Marlot & Chopard, Galerie Jérôme Pauchant
Galerie Jérôme Pauchant 61 rue Notre Dame de Nazareth 75003 Paris France
Les images de la série Black houses (2006), retravaillées en niveaux de gris pour obtenir un noir et blanc très dense, représentent des habitations pavillonnaires de la première moitié du XXème siècle, photographiées en plongée, dans les quartiers résidentiels de Bourges. Ainsi, le cadrage utilisé accentue la dimension architecturale très singulière des toits et des façades, jusqu’à les faire ressembler à des châteaux, des demeures inquiétantes et fabuleuses. L’inversion de ces images en négatif procure une ambiance nocturne au sujet. La végétation des jardins, les briques des maisons, le pavage des cours deviennent alors autant de motifs, ramenés à leur pure forme et découpés par le contraste du noir et blanc. Quant aux portes et aux fenêtres, illuminées de l’intérieur par l’inversion de la lumière, elles invitent irrésistiblement à pénétrer dans les maisons d’un autre univers, étrange et mystérieux.
Black Houses # 5, 2006 © Studio Marlot & Chopard, Galerie Jérôme Pauchant
Souvenirs d’Italie (2014) est une série qui met en scène des vues prises à divers endroits en France et qui nous renvoie à l’idée exotique d’une Italie fantasmée, tant liée au "voyage en Italie" des artistes des époques passées qu'aux voyages en Italie dont Rémy Marlot et Ariane Chopard n'ont pas rapporté de photographies. Le langage paysager d’une Italie classique vient se décliner en vues mêlant la sculpture et l’architecture au végétal des jardins, la mer à la montagne sous des lumières emblématiques du sud, intenses et contrastées. Bassins, cyprès, palmiers, cimetières, bords de mer ou colonnes sont autant d’éléments symboliques qui viennent évoquer une Italie recomposée. L’usure du temps, l’équilibre esthétique des jardins, entre maîtrise et abandon vient signer tant la série que le travail de Rémy Marlot et d’Ariane Chopard. Le traitement numérique des images en noir et blanc, avec une inversion de certaines valeurs chromatiques évoque des gravures ou photographies anciennes qui auraient été mal conservées et qui commenceraient à se transformer et à s’effacer. De même, la matérialité des tirages des Souvenirs d’Italie donne à sentir cet effacement, questionnant notre rapport au temps, à la mémoire et à la disparition.
Souvenirs d’Italie #1, 2014 © Studio Marlot & Chopard, courtesy Galerie Jérôme Pauchant
Dans la série Souvenirs d'Italie la mémoire se trouve refabriquée dans la mesure où ce n'est pas l'image qui vient rappeler le souvenir mais le souvenir est à l'origine de la fabrication de l'image. Dans les deux séries, les photographies ne viennent pas décrire des lieux, mais fonctionnent comme des images mentales, des réminiscences, l'évocation de sensations vécues ou rêvées bien plus que la représentation d'un espace.
Le Studio Marlot & Chopard est un duo de photographes et vidéastes français qui travaille ensemble depuis 1996 autour des questions du paysage naturel ou urbain, du patrimoine architectural, mais aussi des rêves et de la nuit. Leur travail consiste principalement dans la création de territoires fantasmés, jouant par la composition des séries tant sur la reconstruction de lieux imaginaires que sur la juxtaposition de strates temporelles dont l’unité est avant tout esthétique. Parcourant toujours de nouveaux territoires sans a priori ni revenir sur leurs pas, ils recherchent essentiellement l’émotion que produit la rencontre inattendue avec l’étrangeté d’un lieu et sa résonance avec leurs propres références, ce qui fait sa beauté. Leurs images se nourrissent en effet de références multiples aux autres arts, qu’il s’agisse de peinture, de sculpture, de cinéma ou de musique pour les vidéos, mais aussi de références personnelles plus anecdotiques qui dessinent ensemble au fil des œuvres tant un parcours de vie qu’une façon d’être et de penser qui évolue au fil des rencontres et des hasards de l’existence. Fixer l’image, c’est aussi une manière de restituer l’intensité de la rencontre, de saisir un moment de grâce et de le rendre à travers l’objet photographique.