Expositions du 06/04/2006 au 06/05/2006 Terminé
Galerie Esther Woerdehoff 36 rue Falguière 75015 Paris France
Il choisit une montagne dépourvue d'intérêt narratif, rien d'exaltant sur ces versants photographiés l'été, dépouillés de leur manteau neigeux, encombrés de prothèses pour remonte-pentes, explique Philippe Arbaïzar. Xavier Dauny ne met pas en valeur l'écriture du relief : pics, sommets, étendues blanches infinies… Il privilégie les surfaces ; un vaste panorama s'étend devant nos yeux jusqu'à la chaîne de montagnes qui ferme l'horizon. Son appareil ne bascule pas vers le ciel, il ne faut pas que le regard s'envole, mais au contraire il doit retrouver le sol, fouiller la réalité d'un lieu.
« Durant des mois, ces aménagements paraissent absurdes, parasites. A moins qu'ils n'évoquent une vaste usine désaffectée, une mine à ciel ouvert… Ces équipements ont-ils dénaturé la nature ?
Ces paysages sont à ranger dans le catalogue de nos environnements post-modernes, à côté des friches industrielles, des zones péri-urbaines (…) L'attitude de Xavier Dauny a permis de glisser une pointe critique dans tout ce que ces paysages ont de faux, d'artificiel. Il les reconstruit pour aller à l'encontre des lieux communs, contre les ciels bleus au-dessus de la neige trop blanche. Il rompt avec l'illusion partagée et annonce une beauté à venir à travers ces paysages rugueux, à travers ces déserts ».
Pour Isabelle Ewig, le marquage du paysage par l'homme et ses machines est au cœur de la série des Domaines skiables (2000-2001), photographiés l'hiver comme l'été, mais aussi des séries postérieures, les Pylônes (2001-2004) et les Chemins de fer (2003-2004). C'est en effet la montagne construite que Xavier Dauny nous donne à voir et, plus généralement, le paysage construit.
« (...) remontées mécaniques, pylônes électriques, voies de chemins de fer sont inventoriés sur des territoires plus ou moins importants et déclinés en séries. On pense naturellement au travail de Bernd et Hilla Becher qui, depuis les années 1960, photographient les sites industriels avec une telle distance objective que les tours de refroidissement, les châteaux d'eau, les gazomètres, les silos à céréales, etc, d'Europe et des États-Unis, font figure d'inventaire du patrimoine industriel. Et si leurs auteurs refusent toute dimension nostalgique ou mémoriale, il n'en demeure pas moins que ces objets industriels paraissent comme statufiés : que leurs objets soient isolés, à peine entourés d'un contexte urbain ou rural, y contribue largement et explique, d'une certaine façon, que le prix de la sculpture à la Biennale de Venise leur ait été attribué en 1990. C'est précisément sur ce point que Xavier Dauny opère un décalage : car ses images ne mettent pas tant en évidence les objets de la civilisation industrielle que le rôle qu'ils ont dans la redéfinition du paysage. Aussi s'agit-il moins de la montagne construite que de la montagne se construisant : lignes droites, diagonales, courbes et cercles des remontées mécaniques dessinent le paysage de montagne, invitent à le lire différemment, à y déceler d'autres figures, où la géométrie prime, jouant, ici de l'analogie, ailleurs du contrepoint. Ces installations dès lors structurent notre regard, et restructurent la montagne, la réinventent en somme. Xavier Dauny travaille dans cet interstice où s'articulent objets et paysage, où se fonde le « nouveau paysage ».
« Sa fascination pour la lumière le conduit ainsi à photographier au pire moment, quand le soleil est au zénith (…) N'est-ce pas là un choix technique paradoxal quand l'objet de la photographie, les montagnes, se définit précisément par son relief ? Cette lumière uniforme évacue les contrastes forts : dès lors aucune image n'est construite par juxtaposition de noir et de blanc ; aucun des éléments animant le paysage - arbres, installations mécaniques, skieurs - ne sont noirs, contrairement aux photographies mythiques des Frères Bisson par exemple, où le noir sur blanc opère une disjonction des alpinistes et de la mer de glace ; enfin, jamais la neige n'est uniformément blanche. Xavier Dauny travaille au contraire sur les nuances les plus subtiles de gris et sur le blanc, un « blanc formé » (l'expression est de lui). Les Domaines skiables sont à cet égard éloquents, où des blancs restituent une neige « travaillée » par les skieurs. Pour ce faire, il se retire dans le laboratoire : du temps passé dans le noir, naît alors le blanc, c'est-à-dire la lumière. Photographier la lumière est une chose, mais il faut surtout, avec les
moyens de la photographie, la restituer, la réinventer, voire l'inventer : ainsi en est-il de ce pylône de
télésiège pris en contre jour, qui devrait donc être sombre, et qui pourtant rayonne d'une lumière impossible, tandis que son ombre, paradoxalement, s'évanouit - comme si Xavier Dauny avait fait sienne cette déclaration de principe de Sander : « En photographie, il n'existe pas d'ombre que l'on ne puisse éclairer ! »Galerie Esther Woerdehoff 36 rue Falguière 75015 Paris France