© Bertrand Meunier
Le Forum/scène conventionnée 1-5 place de la Libération 93150 Blanc-Mesnil France
« Nous devons être le changement que nous voulons voir dans le monde » Gandhi.
Le monde change. Et ce changement semble aujourd'hui pris lui-même de vertige tant il s'accélère. Pour nous permettre de mieux comprendre ce bouleversement, la photographie est un médium idéal car il ralentit le temps, parfois jusqu'à l'arrêter. Au cœur de ce flux incessant, aux quatre coins du monde, les photographes de Tendance Floue construisent sans relâche leur monde d'images. Chacun à leur manière, ils tirent des lignes invisibles entre ces mutations et témoignent, entre menace et espoir, de la présence imprescriptible des hommes.
Bertrand Meunier et Alain Willaume présentent au Forum un choix d'images qui résonnent de ces bouleversements. Chine, Afrique du Sud, États-Unis, ils se penchent sur les frottements du monde et les confrontent aux échos de la ville de Blanc-Mesnil et des frontières du 93.
Erased (Chine, 1999-2007) / Bertrand Meunier
Ce fabuleux pays a vécu depuis le début des années 90 des bouleversements économiques et sociaux inimaginables. De puissantes restructurations d‘Etat ont creusé les inégalités, paupérisé ouvriers et petits employés, déraciné les paysans. Les régions du centre et du nord sont sinistrées. La violence qui oppose les individus, dans une sorte d‘inéluctable lutte pour la survie, pour le travail, pour le logement, Meunier la ressent tel un frisson, un coup de poing : "Elle est sous-jacente, permanente, elle imprègne l‘atmosphère".
Ce sont ces fractures, la dureté figée dans les regards, les stigmates des pressions quotidiennement subies, qu‘il transcrit dans ses photos. Et au-delà du premier degré, l‘information qu‘il apporte se lit à un deuxième niveau, celui où l‘émotion personnelle interagît avec la réalité.
Ce travail débuté en 1999 et toujours en évolution est le point d‘ancrage de l‘engagement photographique de Bertrand Meunier et reflète son interprétation du réel, son envie de donner à voir de la Chine ce que l‘on ne nous montre pas.
"Le choix du noir et blanc s‘est imposé à moi", précise-t-il. Par une écriture en nuances allant du gris fantomatique jusqu‘au noir charbonneux, l‘auteur a réussi à exprimer aussi bien la sauvagerie que la fragilité des gens. Manière troublante d‘évoquer la frontière ténue entre le monde réel, dans lequel évoluent ces nouveaux errants de no man‘s land urbains, et un monde à jamais perdu, flottant entre illusions et désillusions.
Andreina De Bei
Prix Oskar Barnack 2001 - Prix Niépce 2007
Gaz / Alain Willaume
L'exposition Gaz est composée des extraits des deux séries Échos de la poussière et de la fracturation (Afrique du Sud, 2012) et Fracture et confusion (USA, 2013).
En 2012, Alain Willaume a été invité à réfléchir sur le projet d'exploitation du gaz de schiste par la société Shell dans la région semi-désertique du Karoo en Afrique du Sud. Mais dans le Karoo, aucune trace d'activité n'est encore visible ; les industriels, dans l'attente des autorisations gouvernementales, n'ont pas commencé les forages. Alain Willaume invente alors une métaphore évanescente pour évoquer la menace à venir, par essence invisible. Fort de ce voyage fondateur, il décide l'année suivante, avec le soutien d'Olympus France, de se rendre en Pennsylvanie (USA) pour « boucler la boucle ». Il veut cette fois interroger un territoire subissant directement l'impact de l'industrie gazière. Comme dans le Karoo, il croise des habitants, des activistes, écoute leurs suppliques, arpente le paysage. Et cette fois, sites industriels, forages et impacts sont bien là.
Les images noires de cette nouvelle série composent un contrechamp poignant à celles, pâles et songeuses, du désert africain.
© Alain Willaume