© Raj Shetye
Dans le registre du scandale, le photographe Raj Shetye a fait un tollé sur la toile, la semaine dernière, avec sa série The Wrong Turn, représentant un viol collectif. À l'arrière d'un bus, une femme, d'origine indienne, pose avec plusieurs hommes. Belle, pulpeuse, charmeuse... Une image somme toute banale pour des photos de mode, à la seule différence que les clichés suggèrent un viol collectif. Un thème voulu par le photographe, qui rappelle étrangement un fait d'actualité.
En décembre 2012, une jeune étudiante kinésithérapeute de 23 ans a été violée par 4 hommes, avant d'être battue avec une barre de fer et jetée hors du bus à New Delhi. Surnommée Nirbhaya (qui signifie « sans peur ») par les médias, la femme, décédée 13 jours après les faits, est devenue une figure d'exemple en Inde pour dénoncer les violences faites aux femmes. En effet, entre 1990 et 2008, les agressions et viols sur les femmes dans le pays ont plus que doublé. Si bien que New Delhi a été rebaptisée « capitale du viol ».
© Raj Shetye
Depuis la publication des clichés, les internautes enflamment les réseaux sociaux et dénoncent ce parallèle indécent. Tenter de rendre glamour un acte aussi choquant est effectivement inconcevable. Faire le buzz peut tenter plus d'un photographe, mais au final tous ne l'assument pas.
Interviewé par http://www.buzzfeed.com/regajha/this-glamorous-fashion-photo-shoot-depicts-an-indian-woman", le photographe indien a, tant bien que mal, tenté d'expliquer son idée. Enchaînant les maladresses, Raj Shetye n'a pas vraiment réussi à justifier le thème de ses photos. Selon lui, son intention a été mal perçue. Il souhaitait dénoncer les viols à sa façon, soit par la photo de mode.
« Comme je suis photographe, mon seul moyen de communication, c’est la photo. Pour moi, c’est aussi simple que ça. C’est de l’art. Faire des films, écrire des articles ou des poèmes sont également des moyens de parler du sujet. Faire des photos de mode est la chose que je fais le mieux {…} Je suis satisfait de mon travail, ça permet d’apporter de la lumière au sujet ».
Un discours bancal qui n'a pas réussi à faire taire les internautes. Résultat, le photographe a fini par supprimer sa série du site Behance, sur lequel elle avait été publiée.
© Raj Shetye
Toujours plus loin, toujours plus scandaleux
Cette histoire pourrait faire figure d'exception... Mais pas dans le monde de la mode. La série The Wrong Turn baigne dans un océan d'autres scandales en tout genre. Non, la mode n'a aucune limite. Pourquoi ? Au nom de l'art, de la beauté, de la femme et de la liberté d'expression. « Rien n'est tabou, tout est utilisable » pourrait devenir le nouveau slogan de bon nombre de magazines spécialisés.
Quand bien même l'intention de départ est respectable, la mode perd le contrôle. En avril dernier, le Vogue Italie a souhaité dénoncer les violences domestiques avec http://www.buzzfeed.com/regajha/this-glamorous-fashion-photo-shoot-depicts-an-indian-woman". Accompagnées d'une vidéo, façon film d'horreur, les photos mettent en scène des disputes sanglantes et angoissantes entre une femme et son mari. Les images glaçantes sont loin de faire office de campagne contre les violences conjugales, se rapprochant davantage d'une figure grossière et abusive de la réalité.
Dans un autre genre, le magazine pakistanais Diva a provoqué un océan de critiques avec sa série Be my slave réalisée par la créatrice de mode Aama Aqeel, en 2013. Sur les clichés, une mannequin et un enfant, faisant office d'esclave. Il lui porte son parapluie, son sac à main de luxe et apporte son café. La créatrice s'était défendue, tant bien que mal, mais encore une fois, peut d'arguments peuvent rattraper des allusions racistes.
© Aama Aqeel
Dans la même lignée, la rédactrice en chef du magazine Garage, Dasha Zhukova, avait posé sur une chaise, représentant une femme noire, http://www.buzzfeed.com/regajha/this-glamorous-fashion-photo-shoot-depicts-an-indian-woman". La « femme objet », inspirée du travail de l'artiste pop britannique, Allen Jones, réalisée en 1969, est représentée dans toute sa splendeur. Une image insultante et raciste qui prouve une nouvelle fois la dégradation de l'image de la femme dans la mode. Le cliché a rapidement été recadré, de sorte qu'il n'est plus possible de voir la « chaise », mais le mal était déjà fait.
Plus récemment, début juillet, une série de photos dans le cimetière de Saint-Tropez a provoqué les fureurs de l'Église. Publiées dans l'Officiel du mois de juin/juillet, les clichés n'ont pas tardé à faire réagir le maire de la ville, Jean-Pierre Tuveri, qui a jugé bon de porter plainte pour non-respect de l'arrêté municipal qui interdit « toute prise de vue au cimetière marin sans autorisation préalable ». Sur les photos, les mannequins en bikinis se prélassent sur les tombes qui surplombent la mer. Les photos ont été supprimées du site, mais la revue est toujours en kiosque.
Noëmie Beillon