À chaque page renaît l’atmosphère de la fin des années soixante, à Toulouse.
Au cours de ce long été 69, Claude Nori rencontre des filles qui se déshabillent avec plaisir quand il les photographie. Tomber amoureux l’aide à affiner son regard. S’enchaînent bien vite les mises en scène, les happenings, les poses de nu dans la nature et les délires visuels qu’il imagine avec des complices. Ces joyeux desperados de l’objectif passeront des nuits blanches à percer les mystères de la chambre noire. Aux terrasses des cafés ou dans des caves bruyantes saturées de musique rock, la jeunesse affiche sa sensibilité à fleur de peau et son mépris des conventions. Gauchistes, artistes, libertaires, fils à papa, jolies hippies, tous se
cherchent et désirent vivre autrement que leurs aînés. Quand viennent les beaux jours, ils se demandent bien où passer leurs vacances. Certains prendront le bateau pour Ibiza ou Brighton, d’autres prendront la route de Biarritz ou de Narbonne plage. Quand arrivera l’automne, quelques-uns choisiront Paris comme destination d’une passion artistique.
Plus qu’un roman, Un photographe amoureux est le témoignage d’une époque insouciante et créative, qui rappelle comment de ce chaos d’idées et d’enthousiasmes naîtra la Photographie Nouvelle qui soufflera durant les décennies suivantes un vent neuf et chaud sur la culture française.
Marie-Christine à Formentera. Été 1969 © Claude Nori
Claude Nori
Claude Nori est né en 1949 à Toulouse, de parents émigrés italiens qui ouvrirent en plein centre ville une épicerie puis un restaurant où se retrouvaient les italiens du Sud Ouest autour de produits et plats typiques de leur pays.
En 1968, emporté par les événements et leur aspect plus poétique que politique, il découvre la photographie grâce à son camarade de classe, Patrick Chapuis, alors qu’il se destinait à devenir réalisateur. Il comprend très vite les potentialités expressives de la photographie et surtout la liberté et la légèreté qu’elle propose de partir tout de suite à la découverte des autres, du monde et de soi-même.
Quelques jours, enfermé dans le laboratoire improvisé de son copain chez ses grands parents, il est pris par les mystères du révélateur, les manipulations créatrices à mains nues et commence à penser noir et blanc. Un Canon d’occasion fera l’affaire...
Ils effectuent en 1971 leur première exposition dans le quartier de la Faourette à la périphérie de Toulouse et sont publiés dans la revue Photographie nouvelle avec un ensemble d’images très personnelles aux accents surréalistes qui reflètent une profonde angoisse existentielle. Ils incorporent dans l’article un manifeste pour une photographie libre, libérée des contingences commerciales et professionnelles, « sans retenue esthétique quelconque ».
Jean Dieuzaide, dit Yan, qui était le maître incontesté de la photographie à Toulouse l’incite à apprendre l’histoire de la photographie en lui prêtant quelques ouvrages importants.
En 1974, il quitte Toulouse pour Paris et se lie d'amitié avec le photographe Bernard Plossu qui après son livre sur le mouvement hippie venait de publier un recueil de photographie Surbanalisme.
Avec un groupe d’agitateurs, photographes et critiques, il fonde Contrejour, à la fois journal, maison d'édition et galerie à Montparnasse qui devient rapidement le lieu de rencontre et de diffusion de la nouvelle photographie.
Contrejour publie la plupart des premiers livres d'auteurs photographes comme Guy le Querrec, Bernard Plossu, Arnaud Claass, Denis Roche, Pierre et Gilles, Sebastao Salgado,Jeanloup Sieff, Gilles Peress, Luigi Ghirri les humanistes, Robert Doisneau, Edouard Boubat, Willy Ronis, Sabine Weiss.
En 1984 avec Gabriel Bauret comme rédacteur en chef et l’apport artistique de Lorenzo Merlo alors directeur de la galerie Canon à Amsterdam, il crée la revue Camera International qui possédera une édition anglaise, japonaise et italienne.
Après avoir travaillé pour Vogue, Daily Telegraph Magazine, il sort en 1976 son premier livre de photographies, Lunettes, préfacé par Agnès Varda, suivi d’un roman aux éditions du Seuil dédié à la photographe américaine Donna Ferrato, deux films et de nombreux livres dans lesquels il poursuit une quête photobiographique tournant autour du flirt de l’adolescence, de l'Italie et du bonheur.
Il expose dans de nombreux festivals (Arles, Malmo, Houston, Tokyo, Valencia, Rome, Corigliano, Rio de Janeiro, Coïmbra, Mexico...) et des galeries. Ses images sont présentées dans de nombreuses collections. En 1983, il rédige avec Gilles Mora, Le Manifeste Photobiographique, texte qui tente de créer une nouvelle forme artistique d’écriture de soi en ouvrant un débat salutaire au sein des Cahiers de la Photographie, créés deux ans plus tôt avec Bernard Plossu puis Denis Roche et Jean-Claude Lemagny.
En 1984, il participe au projet (exposition et livre) Viaggio in Italia avec Mimmo Jodice, Luigi Ghirri, Mario Cresci, Olivo Barbieri,Gabrielle Basilico, Guido Guidi, Giovanni Chiaramonte...
En 1999, avec sa femme Isabelle Nori, ils s’installent à Biarritz et fondent le festival Terre d'Images et la revue Photo Nouvelles puis Revista, un autre Sud-Ouest en 2003.
En 2011, ils relancent les éditions Contrejour avec la publication d'ouvrages de Jeanloup Sieff, Ralph Gibson, Jean Dieuzaide, Yvette Troispoux....
Claude Nori a récemment exposé au festival Photomed à Sanary en 2011, au Château d'Eau à Toulouse, à la galerie Valid Foto de Barcelone et en septembre 2012 à la Maison européenne de la Photographie à Paris.
Patrick et Claude. Devant l'affiche de leur exposition. Lafarouette. 1969 © Claude Nori
Bibliographie
Les désirs sont déjà des souvenirs. Contrasto. 2012
Jours heureux au Pays basque, Contrejour, 2011
La Géométrie du flirt, Contrejour/Château d’Eau, 2011
Passions al dente, Éditalie, 2010
La Photographie en France, Flammarion, 2008.
Les couleurs du bonheur, Lieux dits, 2004
Un été Italien, Marval, 2002
Toi et moi, En Vues, 1999
Fugues Toulousaines, Subervie, 1997
Stromboli, Contrejour, 1991
À l’Institut, Institut français de Naples, 1986
L’été dernier. Manifeste photobiographique. Avec Gilles Mora. De l’Étoile, 1983
Il me semble vous avoir rencontré quelque part, Contrejour, 1983
Une fille instantanée, roman, Le Seuil, 1981
Lunettes, Contrejour, 1975