© Kevin Carter - Ayod - Sud Soudan - 1993
Né en Afrique du Sud, il débute en tant que photographe sportif, avant de couvrir les évènements dramatiques que le pays a traversé, durant les dernières décennies. Après avoir travaillé en free lance pour la plupart des agences photo internationales, il décroche un contrat avec Sygma, basée à Paris. Jeune homme passioné, il fut plusieurs fois arrêté pour atteinte aux lois sud-africaines, extrêmement prohibitrices, concernant le photojournalisme.
En mars 1993, le village d’Ayod (Soudan) est dévasté par la famine. C'est là que le photographe prendra le cliché qui lui valut la gloire, mais qui l'entraîna aussi à sa perte. Accompagné du photographe João Silva, il tombe sur un enfant squelettique qui se traîne péniblement jusqu'au centre d'approvisionnement alimentaire voisin. Soudain, un vautour vient se poser derrière lui. Publiée par le New York Times le 26 mars 1993, l'impact de l'image est immédiat. Suite aux nombreux courriers envoyés par les lecteurs, inquiets du sort de l'enfant, le journal publie un éditorial précisant que l'enfant a pu rejoindre le centre mais qu'on ne sait pas s'il a survécu. Un an plus tard, Kevin Carter est récompensé par le prix Pultizer pour ce cliché. Pourtant, la presse s'emballe contre lui, et l'accuse de n'être pas venu en aide à l'enfant, le laissant mourrir. En 2011, Alberto Rojas, photojournaliste pour El Mundo, se rend à Ayod pour mener son enquête. Le témoignage qu'il reccueille de José Maria Luis Arenzana, lui aussi présent dans ce camp en 1993, marque un tournant décisif. Ayant fait une photographie similaire, il précise que le bébé n'était pas seul sur la photo, et que son père se tenait à quelques mètres.
Même si justice a été rendue, « sans aucun doute, Kevin a été très affecté par ce qu'il avait photographié, et cela allait le hanter jusqu'à la fin de ses jours.» - João Silva
Egalement membre du Bang Bang Club, association de quatre photographes (Kevin Carter, Ken Osterbroek, Greg Marinovich et João Silva), il documente la transition de l'Afrique du Sud à la fin de l'apartheid. Son meilleur ami, Ken Osterbroek, est tué lors d'une fusillade dans le ghetto Thokoza, aux abords de Johannesburg. Sa vie tumultueuse et tourmentée apportait de la force à son travail, mais amena aussi Kevin Carter à traverser des périodes d'euphorie ou de profonde dépression.
Le photographe, hanté par les horreurs insoutenables dont il a été témoin, met fin à ces jours le 30 juillet 1994, laissant derrière lui une petite fille de six ans. Dans sa voiture au milieu du désert, il écrit ces quelques lignes : « Je suis déprimé... sans téléphone... sans argent pour le loyer... sans argent pour la pension alimentaire... sans argent pour mes dettes... sans argent ! Je suis hanté par les vifs souvenirs de tueries et de cadavres et de colère et de douleur... d'enfants mourant de faim ou blessés, de fous de la gâchette, souvent des policiers, de bourreaux... ».