Depuis 30 ans, le travail photographique de Lynne Cohen se développe de façon radicale à travers des images d'espaces à l'apparence quasi-fictionnelle, et où la présence humaine se manifeste par son absence. Celle-ci est implicite par la reconnaissance d'objets usuels et surtout dès que l'on sait que tous ces lieux existent et qu'ils sont utilisés. Ces intérieurs ne sont pas issus de l'imagination de l'artiste, ils sont tous des lieux trouvés. L'œuvre de Lynne Cohen joue volontairement de l'ambiguïté entre ready-made et installation, entre le lieu trouvé et le lieu aménagé. Après ses premières œuvres à l'esthétique très kitsch, et dès les années 80, Lynne Cohen orchestre une typologie de lieux, devenue emblématique de son œuvre : salles de classe, espaces de travail, espaces de loisir, salles d'entraînement militaire, écoles de police, établissements thermaux, laboratoires, bibliothèques…autant de lieux auxquels nous prêtons peu attention. En isolant ces lieux et en fixant ces espaces sur ses clichés, Lynne Cohen reconfigure ce terrain familier pour le transformer en œuvre d'art ; ainsi, le terrain connu nous devient insolite, voire étranger. En 1998, Lynne Cohen, qui a toujours été réfractaire à la couleur, décide de l'utiliser afin de mettre en exergue sa nature synthétique et chimique, ainsi que ses propriétés qui la rendent aussi peu naturelle que le contreplaqué, l'aluminium ou le polystyrène expansé. La formation de sculpteur de Lynne Cohen est très évidente dans la qualité monumentale des objets et des lieux qu'elle choisit et dans le rendu précis de la texture des matières. Elle souligne cette dimension sculpturale en exposant ses tirages dans des cadres en formica qui renforcent la qualité objectale des images.