La Peau douce, Jean Desailly et Françoise Dorléac, 1963 © Raymond Cauchetier
Galerie Photo de l'Institut Lumière 3 rue de l'Arbre Sec 69001 Lyon France
De 1958 à 1968, Raymond Cauchetier photographe, fut le témoin privilégié de l’avènement de la Nouvelle Vague. D'A bout de souffle à Baisers volés, il a travaillé avec les plus grands réalisateurs de l'époque : Jean-Luc Godard, François Truffaut, Jacques Demy, Jacques Rozier, Agnès Varda, Claude Chabrol ou encore Jean-Pierre Melville. La galerie de l'Institut Lumière rend hommage, du 7 mai au 28 juin, à l'un des grands photographes du siècle dernier, à travers une sélection de ses photographies consacrées au cinéma.
Jules et Jim, Jeanne Moreau, Henri Serre et Oskar Werner font la course sur la passerelle, 1961 © Raymond Cauchetier
« J’ai fait mes débuts dans le monde du cinéma, sans me douter que j’allais bientôt illustrer à ma façon la révolution cinématographique que devait être la Nouvelle Vague. Le photographe de plateau est alors un technicien aux fonctions mal définies. On lui demande surtout de faire une photo, place caméra, à la fin d’un plan et de disparaître illico. Car il dérange tout le monde, et fait perdre de l’argent à la production, pour laquelle chaque minute doit être rentable. Mais ses fonctions de presse-bouton ne lui permettent de prétendre qu’à un salaire médiocre, aligné sur celui des machinistes débutants. En outre, on ne sait trop quoi faire de ses photos, qui n’intéressent guère que la script en quête de raccords.
Pourtant, c’est à ce moment qu’apparaît Jean-Luc Godard, qui se lance dans le tournage d’A Bout de Souffle. Un souffle nouveau bouleverse le monde du cinéma. A la grande inquiétude du producteur qui s’indigne de voir Godard écrire ses dialogues sur une table de café, avant de renvoyer chez eux les techniciens parce qu’il n’a pas d’idées ce matin-là. Les règles sacro-saintes du cinéma de papa sont envoyées aux orties.
J’effectue un reportage au jour le jour, de ce tremblement de terre. Mais je me garde de faire état des succès photographiques que j’ai déjà obtenus en Indochine.
J’ai encore tout à apprendre du monde du cinéma, où je reste un inconnu.
D’ailleurs, je dérange. On me reproche sévèrement mes initiatives, et mon style chasseur d’images, si éloigné des normes de la photo de plateau. Un jour, en 1961, on cessera même de faire appel à moi, pour satisfaire un chef opérateur pressé de faire attribuer l’emploi à un de ses copains. Nobody is perfect.
Quant à mes images, qui appartiennent à la production, elles resteront figées un demi-siècle dans ses cartons. Après le tournage d’A Bout de Souffle, Jean Seberg me présente à Romain Gary. Le courant passe. Nous parlons un peu de cinéma, un peu de littérature, mais beaucoup d’aviation. Il a fait partie de l’Armée de l’Air au Moyen-Orient, et moi en Extrême-Orient. Nous parlons souvent des attraits et des dangers comparés de nos missions aériennes respectives.
Mais je dois trouver de nouveau du travail. Je propose mes services à François Truffaut, qui m’accueille à bras ouverts. Je participe au tournage de films inoubliables. Mais le salaire du photographe de plateau, bloqué syndicalement, demeure toujours aussi bas, et, lassé, je finirai par quitter le cinéma… »
Extrait de l’autoportrait de Raymond Cauchetier pour le Salon de la Photo 2013.