Contes des temps modernes ou la mise?re ordinaire villefranche sur Sao?ne, 1988 © marie-Paule Ne?gre
Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
Marie-Paule Nègre : « Mine de rien ... »
« Ce n’est pas un hasard si marie-Paule Nègre, alors jeune photographe, choisit comme thème de son premier grand travail d’auteur, l’univers du jazz. Rien d’anodin à cela. le jazz a été créé par – et pour - ceux qui souffraient de l’exclusion raciale et sociale. Des sans-paroles. Des sans-images. Par ceux, Noirs Américains, “Intouchables” laissés sur le bord de la route par une société bien-pensante, intolérante et protectionniste. le Jazz est une expression sociale et politique. Un manifeste universel. les photographies de marie-Paule Nègre ont cette tonalité-là. Ce son-là. Remplacez les Noirs américains en lutte pour leurs droits civiques et leur dignité qui ont inspiré le Jazz, par les exclus de la société française, “anciens” ou nouveaux-pauvres, par les femmes mis au ban de la société parce qu’accusées de sorcellerie au Burkina-fasso, par les gamines africaines excisées ou d’autres gavées de force en mauritanie, par les adolescentes des rues au guatémala, battues et stigmatisées, ou les petites filles qui découvrent l’école au Rajastan. Que disent- elles, que racontent-elles d’autre, face à l’objectif de marie-Paule Nègre, que l’humiliation et le combat pour leur dignité ?
Que revendiquent ces femmes dans le viseur de la photographe, d’autre que leur droit à la justice sociale et à l’égalité de race, de classe et de genres ?
Corps et âmes Jardin du luxembourg, Paris, 1979 © marie-Paule Nègre
Il est aujourd’hui délicat d’employer le terme de “photographe humaniste”, tant il est galvaudé, mais à l’aune des travaux qu’elle a réalisés tout au long de ces vingt dernières années, marie-Paule Nègre est, à l’évidence, une photographe engagée et concernée. Sans posture. Sans afféterie. Ni fausse empathie pour ses “sujets”. Jamais elle ne les “utilise”, épurant toujours l’émotion de tout pathos. Un jour, alors qu’elle travaillait sur “Contes des temps modernes ou la misère ordinaire” (qu’elle écrit avec une majuscule) quelqu’un lui a dit : “montre à ceux du dehors comment on vit”. Depuis, elle n’a plus jamais cessé d’écouter ceux et celles qu’elle photographie pour transmettre leur parole en image. Pour nous obliger, nous les “gens du dehors”, mais sans brutalité gratuite, à les regarder, étape indispensable pour, enfin, les entendre. marie-Paule Nègre n’en démordra jamais, calmement obstinée : elle reste “convaincue que la photographie peut avoir un impact humain et contribuer à éveiller les consciences, agir pour la transformation des rapports sociaux”. Pas d’emphase dans le discours. Juste une ligne droite dont elle n’a jamais dévié, en couleurs, en Noir et Blanc, à travers l’objectif de ses leica ou de ses boîtiers numériques. Alors, elle trace, elle trace la route, se retournant, s’arrêtant sur ceux et celles qui restent sur le bas-côté ici et ailleurs. Elle trace, marie-Paule Nègre, avec, sans doute, un petit air de jazz lancinant dans la tête... »
Caroline laurent-Simon
À fleur de l’eau Stage “le pied dans l’eau” pour aquaphobes, guadeloupe, 1992 © marie-Paule Nègre
Françoise Huguier « Pince-moi, je rêve »
Cette exposition est la description d’un monde rêvé par Françoise Huguier. Sans romantisme publicitaire, sans lyrisme, mais comme une collection d’images glanées, réalisées avec élégance, sans avoir l’air d’y toucher. Au plus près des gens, dans leur intimité, avec une insolence qu’elle revendique.
La traversée de l’Afrique à +40°C, la Sibérie polaire à -40°C, la lutte dans la jungle fever des défilés de mode, les nonnes en Colombie dans l’intimité de leurs cellules, l’Asie du Sud-Est des années 1950 et sa jeunesse d’aujourd’hui... l’exposition n’est pas exhaustive, mais revisite les points forts de l’œuvre photographique de Françoise Huguier.
Ainsi, le visiteur découvrira le monde de cette grande photographe qui est aussi une grande voyageuse : La Sibérie polaire, réinterprétée avec un nouveau choix d’images, au plus près du cinéma d’Andreï Tarkovski.
Une sélection de photographies vintage en noir et blanc, tirées par jules Steinmetz : le carnet de voyage de Françoise Huguier, de Dakar à Djibouti, Sur les traces de l’Afrique fantôme, inspiré du livre de Michel Leiris, L’Afrique fantôme, et la série Secrètes, dans les chambres de femmes au Burkina et au Mali.
Piscine, Tokyo, japon, 1980 © Françoise Huguier / Agence VU’
L’aventure-mode, liée au journal Libération, qui illustre l’attirance de Françoise Huguier pour le savoir faire des ateliers et son challenge de réussir, dans des conditions très difficiles et un temps très court (un défilé dure 15 minutes) à faire des images décalées. Ce monde extrêmement fermé, auquel elle n’était pas prédestinée, fut pour elle un ancrage et une révélation.
Une petite chapelle, recréée dans l’exposition, pour présenter la série Les Nonnes, inspirée de l’esthétique des images pieuses du missel de la grand-mère de l’artiste et par le film Thérèse, d’Alain Cavalier.
Saint-Petersbourg et ses appartements communautaires : des nus et la série des Robes Noires inspirée de Natacha, l’égérie de l’artiste.
Les k-Pop et les Hijab en Asie du Sud-Est : série de portraits sur la jeunesse des classes moyennes à Bangkok, Singapour, kuala Lumpur et Bandung. Ce travail au long cours réalisé en couleurs révèle l’influence de la culture populaire de la Corée du Sud. Quant aux hijab, c’est une réinterprétation de l’Islam comme phénomène de mode, qu’on pourrait appeler « l’Islam pop ». Ces deux séries illustrent l’évolution consumériste de ces sociétés postmodernes, où l’apparence prend le pas sur l’idéologie.
J’avais 8 ans, ou l’enfer de la jungle, qui revient sur l’histoire de la fin de la colonisation en Indochine par l’intermédiaire de l’enfance de la photographe au Cambodge, avec des photos bien sûr, mais aussi des lettres de l’époque et les vêtements que portaient les enfants au moment de l’attaque et de l’enlèvement par les viet-Minh en 1950. Ça elle ne l’a pas rêvé !
Enfin, une série de trente photos inédites, jardin intime de l’artiste, complète l’exposition, dont les objets, souvenirs symboliques, sont aussi partie prenante.
Abbatoirs, Letavia, presqu’île de Taïmyr, Sibérie polaire, 1992 © Françoise Huguier / Agence VU’
Adrien Lévy-Cariès : « Pourquoi partir ? »
Adrien Lévy-Cariès découvre sa passion pour la photographie à l’âge de 12 ans. Ce jeune photographe, aujourd’hui lycéen, passionné par les paysages urbains et l’art de rue, est particulièrement dans son élément dans les foules des meetings politiques (campagne présidentielle de 2012, campagne des municipales de 2014), des concerts (Solidays, la Fête de l’Huma 2013) ou des manifestations (mouvement lycéen de novembre 2013).
Au printemps 2013, il remporte le Prix du Jury et le Prix du Public pour sa photo 9e Onde, lors du Concours Inter-générationnel de Photographie du 9e arrondissement. À l’été 2013, il est l’un des finalistes du concours Instagram / Lafarge : sa photo est exposée durant un mois rue de Rivoli, devant la façade de l’Hôtel de ville.
© Adrien Lévy-Cariès
Durant ce même été 2013, la mEP a proposé une carte blanche à Adrien Lévy-Cariès sur le thème de Paris Plages. Comment photographier l’événement sans tomber dans le cliché ? Il a d’abord envisagé de montrer les coulisses de Paris Plages pour finalement décider d’aller à la rencontre de ceux qui font de Paris leur plage.
Tranches de vies ou conte d’été parisien, à découvrir cet été à la maison Européenne de la Photographie.
© Adrien Lévy-Cariès
Katia Maciel : « Répétition (s) »
« On pourrait affirmer que le temps est, à certains égards, une invention issue de notre rapport existentiel à la répétition. “Nous sommes ce que nous répétons sans cesse”, affirmait Aristote dans l’Éthique à Nicomaque. L’idée de répétition se manifeste à travers la plupart de mes travaux dans lesquels le temps semble résister au temps. L’utilisation récurrente de la mise en boucle de séquences vidéo n’est pas seulement une figure de style, elle est, avant tout, l’essence même de la poétique qui opère dans les images que je façonne.
Dans Meio cheio, meio vazio (À moitié plein, à moitié vide), je verse l’eau d’une carafe dans un verre mais ce dernier reste toujours à moitié rempli. Le paradoxe contenu dans ce travail est basé sur notre rapport au temps ; l’instant est perçu comme une durée grâce à l’utilisation de la mise en boucle de l’image. Il est alors l’expression de ce qui passe et, dans le même temps, de ce qui demeure. L’instant est perçu comme un flux continu et non comme une unité statique.
Dans Timeless (Sans durée), on observe un sablier dans lequel le sable se déverse dans les deux sens, déstabilisant ainsi notre perception habituelle du temps. Ici, l’instant se dédouble, se distend, il devient mouvement, à l’inverse de la photographie où il est suspension du mouvement. L’image est projetée dans un temps circulaire, elle n’a ni début ni fin, elle s’étire infiniment. L’enregistrement d’une action en boucle induit le fait de raccorder les deux extrémités d’une séquence temporelle, ce qui a pour effet de créer l’illusion d’un présent infini, c’est ce piège perceptif qui est notamment à l’œuvre dans Uma Árvore (Un arbre), vidéo dans laquelle le rythme binaire de la contraction puis du relâchement des branches d’un arbre évoque le rythme hypnotique d’une lente respiration.
Katia Maciel, Ondas: Um dia de nuvens listradas vindas do mar (Vagues: Un Jour Des Nuages Rayes Venus de la mer) © Photographie : Mario Ladeira
je me suis toujours sentie observée par les images, fussent-elles des peintures, des photographies, du cinéma ou de la vidéo. Impliquer le spectateur dans ce qu’il est en train de regarder constitue un élément structurel de mes travaux. Dans l’installation Ondas (Vagues), le visiteur se retrouve face à la mer, les pieds fouettés par le ressac immatériel des vagues dont l’écume se répand, de façon imprévisible et irrégulière, sur le sol de l’espace d’exposition. Dans cette œuvre, la construction-même de l’image et la façon dont elle investit l’espace, fait du visiteur une partie intégrante du paysage, un acteur de l’image pris par le cycle incessant du flux et du reflux de l’océan.
Pour la plupart de mes travaux j’utilise un plan fixe, avec un cadre resserré sur le sujet ou l’objet filmé. Si mouvement il y a, il se déploie le plus souvent à l’intérieur des limites de l’image. c’est alors au montage que se crée un dialogue ou une friction entre les différents plans qui composent l’espace-temps de l’image.
Défaire, interrompre, reconfigurer, altérer, déplacer ce qui est de l’ordre de la nature est une constante dans les images que je construis. Pour autant, il ne s’agît pas de dénaturer ou de défigurer ce qui est représenté mais bien plutôt de créer, grâce aux multiples rebonds de la répétition, un écho visuel et temporel dans lequel l’imaginaire puisse trouver le support d’une échappée-belle. »
Katia Maciel
Katia Maciel, Ciclovia (Voie Cyblable) © Photographie : Leandro Pimentel