© Gilles Caron Manifestations, Paris, mai 1968 Tirage d’e?poque, e?preuve argentique Collection Succession Gilles Caron
Jeu de Paume / Château de Tours 25 avenue André Malraux 37000 Tours France
« Quel sens peut avoir un métier qui vous met dans la position de regarder les gens mourir sans pouvoir les aider concrètement ? »
C'est la question centrale posée par Le conflit intérieur, présenté au Château de Tours, en collaboration avec le Jeu de Paume. Cette exposition regroupe une sélection du travail de Gilles Caron (1939-1970) : 150 images et documents d’archives provenant de la fondation qui lui est dédiée, de la collection du Musée de l’Élysée et de collections privées.
Le parcours photographique se fait en plusieurs temps.
Tout d'abord Caron est présenté comme un « homme aux prises avec l'histoire ».
Les grands conflits contemporains qu'il a couvert (guerre des Six Jours, du Vietnam, Irlande du Nord, Biafra, Mai 68...) le placent face à la réalité de la guerre asymétrique. Comme l'explique Michel Poivert, commissaire de l'exposition, « il ne s'agit plus de montrer deux armées régulières sur un champ de bataille mais de décrypter visuellement l'interaction des forces, de donner à comprendre le chaos et la violence ». Caron choisit de porter son attention sur les « gens », qui « fonctionnent comme des miroirs pour qui les regarde ». C'est ainsi qu'il nous montre des figures absorbées ou fragilisées par l'évènement : des soldats en train de réfléchir ou lire, des victimes civiles... En effet, en mettant « la figure du civil au centre du reportage » il permet au spectateur de saisir les enjeux de la guerre moderne. Caron dessine alors une « iconographie de l'inaction inédite ».
© Gilles Caron
Guerre du Viêtnam, combats sur la colline 875, Dak To, novembre-décembre 1967 Tirage d’époque, épreuve argentique Collection Succession Gilles Caron
© Gilles Caron
Guerre du Viêtnam, soldat américain, novembre-décembre 1967 Tirage d’époque, épreuve argentique Collection Succession Gilles Caron
On lit également dans le travail de Caron une sensibilité certaine face à la douleur des autres : ses photographies d'enfants marquent le début d'une « inonographie compassionnelle moderne ».
© Gilles Caron
Guerre du Biafra, juillet 1968 Tirage d’époque, épreuve argentique Collection Succession Gilles Caron
Caron va également se consacrer aux révoltes, telles que Mai 68 ou encore la répression du printemps de Prague. On connait de lui la photographie montrant un Daniel Cohn-Bendit facétieux face aux forces de l'ordre, on la retrouve dans l'exposition aux côtés de la série qu'il a consacré à la figure du lanceur.
© Gilles Caron
Manifestations, Londonderry, Irlande du Nord, août 1969 Tirage moderne d’après négatif original Collection Fondation Gilles Caron
L'exposition propose aussi de découvrir une autre partie de son travail, moins connue : son intérêt pour la Nouvelle Vague (il a travaillé notamment pour Godard comme photographe de plateau) et la jeunesse sixties.
A la fin de sa carrière, c'est le reporter lui même que Caron va placer devant l'objectif. Les conflits du Biafra et du Tchad vont lui permettent de réfléchir « au rôle qu'il joue dans le système de l'information ». Comparant son travail à celui des ONG qui sauvent des vies, il s'interroge sur le statut du journaliste. Figure ambivalente, témoin et dénonciateur, le reporter, comme le rappelle Caron, « doit avant tout raconter une histoire et entrer dans le format des journaux et du rédactionnel presse ». Sa photographie de Depardon filmant un enfant mourant pose ainsi la question de la légitimité de la présence du journaliste. En effet il est l'un des premiers à faire face à un « conflit intérieur », il ouvre ainsi, comme le souligne Michel Poivert, « le dernier grand chapitre de l'histoire du photojournalisme, celui de sa crise morale qui n'est pas terminé ».
Gilles Caron
Le conflit intérieur
Du 21 juin au 2 novembre 2014
Château de Tours
25, avenue André Malraux - 37000 Tours
Entrée gratuite
Visites commentées le samedi à 15 h