
Jusqu'où peut-on aller en matière de photographie ? Est-il condamnable de saisir les moments douloureux, les visages abimés, les cadavres ? Les guerres, les catastrophes naturelles ou bien encore les révolutions donnent lieu à des images intenses, chargées de symboles. Michel Sailhan s'interroge sur ce métier de reporter, souvent critiqué et pourtant essentiel, à retrouver sur lehttp://blogs.afp.com/makingof/"> Il donne la parole aux faiseurs d'images et leur laisse l'occasion de défendre et d'expliquer le sens de leur pratique.
Ainsi, Mark Ralston, photographe à l'AFP à Pékin, raconte qu'il essaie « de faire preuve de compassion, d’une certaine retenue, et de ne pas shooter de trop près ». Une certaine distance s'établit avec le sujet, mais l'« émotion » est pourtant bien réelle, comme le souligne plus loin Nicolas Asfouri, en poste à Bangkok. Ce dernier évoque aussi la notion de « responsabilité » et de « risques » lorsqu'il couvre des zones de conflits. Témoigner semble être pour eux un devoir, un engagement, mais aussi une volonté de faire évoluer la situation. Philippe Lopez, qui a couvert le typhon aux Philippines, juge que l'appareil crée une frontière avec le sujet, comme un « effet de tampon » salutaire. Il dit aussi que « les questions, morales, déontologiques, on se les pose après », et qu'il a parfois regretté de ne pas avoir pris certaines photographies.
Ce débat sur la légitimité à montrer la misère et la douleur n'est pas nouveau. En 1968, Gilles Caron est photographié par Raymond Depardon, pendant la guerre du Biafra, en train de filmer un enfant d'une maigreur affolante, agonisant sur le sol. Cette image soulève beaucoup de questions sur le métier des reporters, parfois assimilés à des « charognards ». En 1994, une histoire similaire entoure la photographie de Kevin Carter, La fillette et le vautour, qui lui vaudra le prix Pulitzer mais qui engendrera également de violentes critiques, l'accusant d'avoir abandonné l'enfant à un funeste destin.
Mais comme le souligne intelligemment Nicolas Asfouri, « l’impact des photos, ça peut aussi participer de la solidarité, des élans d’aide humanitaire ». Ainsi, lorsqu'il témoigna de la violence des bombardements à Qana (sud Liban) en 2006, qui fit 52 morts dont 30 enfants, il aida à une prise de conscience internationale, et à un soutien massif pour un cessez-le-feu dans la région.
Ces images ne sont donc pas vaines, servent une cause humaine plus qu'elles ne pillent la souffrance des autres.