© Vivian Maier / John Maloof
Née en 1926 à New York, Vivian Meier est la fille de Charles Maier, américain issu d'une famille d'émigrants autrichiens et de Maria Jaussaud, française originaire de Champsaur (Hautes Alpes). Lorsque ses parents se séparent en 1929, elle reste avec sa mère, qui s'installe chez son amie Jeanne Bertrand, dans le Bronx. Celle-ci est photographe professionnelle et les initie à sa passion. Aux alentours de 1932, la mère et la fille retournent en France, où elles séjournent jusqu'en 1939.
Après un bref voyage en France à l'âge de 25 ans environ, elle devient nounou en 1951, à New-York puis à Chicago à partir de 1956. Employée par la famille Gensburg, elle s'occupe pendant des années des trois garçons, John, Lane et Matthew. Pendant son temps libre, armée de son Rolleiflex professionnel, elle parcourt les rues de sa ville, traquant avec acuité les détails frappants, s'approchant des pauvres comme des bourgeois, immortalisant des regards, des sourires, les échos d'une ville cosmopolite et foisonnante. Un garçon entouré de pigeons, un immeuble en démolition, ou encore un couple âgé dans le bus, la moindre scène donne lieu à une image forte, à la frontière entre poésie et réalisme. Elle prend également des photos d'elle, dans les vitrines des magasins, dans les miroirs, ou même dans les gentes d'une voiture.
Prenant congé de la famille Gensburg pendant 6 mois en 1959, elle voyage à travers les cinq continents : l'Asie (Thailande, Vietnam, Inde), l'Afrique (Egypte, Yémen), l'Europe( France, Italie) et l'Amérique (Canada). Elle retourne également en France où elle a vécu dans ses jeunes années. Là encore, elle prendra de nombreuses photographies, sans jamais en parler à ses employeurs ni à ses proches.
En 1972, elle quitte cette famille avec qui elle avait des liens très forts, et poursuit son activité dans d'autres foyers, alors que les enfants Gensburg sont devenus grands. Elle se met à la photographie en couleur, avec deux nouveaux appareils, un Kodak et un Leica. Malgré ce changement technique, elle garde cette même approche de la photographie documentaire, où l'humain est pris sur le vif, avec générosité et empathie.
En 1987, elle est embauché par Zalman et Keren Usiskin, chez qui elle entrepose ses 200 cartons contenant du matériel photographique et des négatifs. Sa vie oscille alors entre photographie et garde d'enfants, avant que la vieillesse ne l'empêche de continuer.
Alors que Vivian Maier, âgée de 81 ans, est dans une situation financière précaire, ses précieux cartons sont vendus aux enchères car les frais de stockage du garde-meuble n'ont pas été payés. C'est alors John Maloof qui fait l’acquisition de cet immense patrimoine, un peu par hasard. Ce jeune historien de 25 ans est à la recherche d'archives du quartier de Portage Park, à Chicago, lorsqu'il achète ce lot de 30 000 négatifs pour environ 400 dollars. Quand il découvre, 6 mois plus tard, la grande qualité artistique des image qu'il développe, il rachète les lots à leurs acquéreurs, ce qui lui permet de collectionner 100 000 négatifs.
A la mort de l'artiste, en 2009, les trois frères Gensburg lui rendent hommage dans le Chicago Tribune, la qualifiant d' « esprit libre » qui « apporta une touche de magie dans leur vie et dans celles de tous ceux qui l'ont connue. »
Vivian Maier n'a elle-même pas vu le résultat de la plupart de ses images, puisqu'elle n'avait pas les moyens de toutes les développer. En outre, John Maloof retrouve le mystérieux auteur des images seulement après sa disparition. Ce dernier s'occupe aujourd'hui de conserver son œuvre, qui se compose de 120 000 négatifs, de 150 films et d'enregistrements sonores. Il a publié deux livres récemment, Vivian Maier : Self-Portraits (2013) et Vivian Maier, Street Photographer (2011), tous deux édités par powerHouse Books.
De nombreuses exposition lui sont consacrées dans le monde entier, dont une en ce moment au Château d'Eau, à Toulouse (jusqu'au 14 juin 2014). Elle s'intitule Vivian Maier, une révélation photographique. Un film sur ce parcours émouvant et étonnant a été réalisé en 2013 par John Maloof et Charlie Siskel. Cette œuvre intemporelle offre au public un voyage dans le temps, raconte une époque, mais aussi l'histoire d'une femme qui a préféré garder son talent et sa passion secrète pendant tout une vie.
Adèle Binaisse