© William Farges
Les lauréats de la 4e édition du Prix Canson® Art School ont été dévoilés. Ce Prix est réservé aux étudiants en art d’Europe francophone. Dix jeunes artistes voient leur talent récompensé par une bourse ou du papier Canson®, et surtout par de la visibilité médiatique et par une exposition de trois semaines dans la galerie très fréquentée du 59Rivoli à Paris. Les lauréats se répartissent dans quatre catégories : dessin, peinture sur papier, photographie et œuvre monumentale sur la façade du 59Rivoli.
1er prix photographie
Jeanne Ménétrier (Joan)
Université de Toulouse II Le Mirail
Jeanne Ménétrier, 24 ans, originaire de la région parisienne, vit à Toulouse. Après un BTS Photographie à l’ETPA en 2011, elle est actuellement en 3e année de licence d’arts plastiques à l’Université de Toulouse II Le Mirail, et commence à exposer son travail dans la région.
Loin de la photo de nu classique mais aussi de celle, galvaudée, dite de charme, du porno chic ou du cliché trash documentaire, «mauvais genres» trop banalisés, le travail de cette photographe vaut pour son originalité et surtout son propos. La série « Vanished Women », littéralement «femmes disparues» est une réflexion quant à une approche différente du corps de la femme, loin des stéréotypes. Disparition des formes, révélation de l’essence... Cette approche de l’identité féminine est d’autant plus intéressante que, pour s’éloigner du danger « séduction », le témoin (et non voyeur) que nous sommes se trouve alors pris par un autre charme, une étrangeté.
Cela est rendu possible par la création d’un monde presque parallèle, inquiétant, dans une pièce. Corps-sculptures presque (sur)exposés, abandonnés plus qu’alanguis, peut-être même, cadavres d’albâtre ou de marbre, suicidés, assassinés qui sait ? Ici avec un remarquable travail sur la lumière et la mise en scène, la pose et les décors, c’est l’aura qui apparaît. L’immatérialité des gens, des sens, des choses : voilà qui est essentiel.
Son travail? « J’ai réalisé l’intégralité des séances au domicile de mes modèles et je me suis servie de leur intérieur et de leur univers pour accueillir mes histoires. J’aime beaucoup l’univers sombre et mystérieux de Bill Henson et, celui de Francesca Woodman, très proche du mien, que j’ai découvert après avoir commencé cette série. »
Son rapport au papier ? Support de tirage, le papier est ce qui permet l’empreinte, à l’image de la pellicule ou du capteur.
http://joanfotografy.blogspot.fr/"
« La photographe Jeanne Ménétrier mêle admirablement vitesse des poses et ambiance fétide, design moderne et confort oriental, nu et nature morte - et échappe à bien des clichés de l’art de la photo ». Hector Obalk
« Avec sa série «Vanished Women », Jeanne Ménétrier explore une féminité aussi troublée que troublante. Brouillant les codes classiques de la photographie de nu, elle nous précipite dans une sphère intime sans visage se dérobant à nos yeux dans l’obscurité de lieux familiers ». Gérald Vidamment
2ème prix photographie et coup de coeur Compétence Photo
William Farges (Williboy15)
Université de Toulouse II Le Mirail
Originaire de la Dordogne, William Farges, 22 ans, vit à Toulouse. Il est actuellement en licence 3 d’arts plastiques à l’Université de Toulouse II Le Mirail, après un BTS Photographie à l’ETPA en 2009-2010. Il a participé à la Correspondance Visuelle de Compétence Photo au Salon de la Photo 2013, et fera partie des projections du Festival européen de la photo de nu (FEPN) en mai 2014 à Arles.
La série présentée par William Farges peut être vue comme le prolongement de l’étonnant roman d’Eric Emmanuel Schmitt, « Lorsque j’étais une œuvre d’art » (2003). Le photographe l’intitule « Ligne blanche », comme une invitation à franchir cette ligne, à doubler notre habituelle perception du corps dans son unicité. Comme un chirurgien, ce photographe plasticien délimite la zone comme terrain des « opérations » : « structure fibreuse située sur la ligne médiane de l’abdomen ». Questionnant notre rapport au corps dans l’art et particulièrement l’unité photographique du cadre, l’artiste a logiquement choisi la présentation en diptyques. La « ligne blanche » est donc en même temps frontière et liaison de deux photographies qui ne font qu’une œuvre, car l’image n’est pas fractionnée. Cet artiste, qui a baigné dans l’art depuis ses 8 ans, nous livre une œuvre fascinante faite d’un corps sculpté par la photo, monté sur socle. Sans offrir l’alibi facile d’une symétrie entre les deux modules, ce travail séduit par son inquiétante beauté, là où, parfois, les blocs de chair évoquent le moignon, l’amputation, ou lorsqu’ils prennent la forme d’un vase, d’un cœur, d’un objet abstrait. Voilà des œuvres figées, sans identité, mais qui révèlent en définitive une belle humanité.
Son travail? « Il va dans la continuité d’artistes comme John Coplans, Klaus Kampert ou encore Magritte... Je fais des esquisses préparatoires de chaque photographie, puis j’expérimente ce que le corps de mes modèles est capable de faire. L’éclairage est toujours le même, je fais ensuite des marques au sol et sur mon appareil pour que les images puissent se raccorder parfaitement. »
Son rapport au papier ? Cet espace vierge à deux dimensions est pour moi un outil plus qu’indispensable.
Site internet : http://joanfotografy.blogspot.fr/"
« La Ligne Blanche de William Farges propose, grâce à l’outil photographique combiné à une habile utilisation du cadre, une approche inédite de la représentation corporelle. L’un après l’autre, ses diptyques s’effacent naturellement au profit de projections matérialisées, véritables sculptures vivantes s’imposant au regard de tous ». Gérald Vidamment
Coup de coeur du public
Christopher Hart (Chris Hart)
Université de Picardie Jules Verne (Amiens)
Christopher Hart est né à Amiens en 1993. Actuellement étudiant en 2e année à la faculté d’Arts plastiques de l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens, il pratique aussi bien la photographie que la peinture.
Loin d’une thématique spécifique qui pourrait servir de béquille, Christopher Hart, lucide et courageux, tente dans cette série - à prendre comme un travail de recherche de longue haleine - de se/nous maintenir debout, face au grand vertige de l’existence. Certes il s’agit bien de « s’appuyer » sur le corps, mais aussi, en n’en montrant qu’une partie, mise en lumière dans la triste pâleur de nos cadres de vie (ici des lieux aussi indéterminés qu’abandonnés), d’étudier la forme (plus que les formes) et d’interroger la planéité photographique. Une œuvre grave et emprunte de mystère.
Par certains aspects, la position des corps comme suppliciés, tout du moins suppliants, relèvent du constat, si ce n’est de l’éloge, de l’infinie douleur, mais également de la prière. Une série sur le corps sans défense ni atours, qui parle de l’autre mais aussi et surtout de solitude. Nu égale Un. Reprenant la phrase attribuée à Paracelse, « Souvent il n’y a rien dessus, tout est dessous. Cherchez », s’il fallait un fil conducteur pour tisser un lien, prenons en compte le propos de l’artiste. « Cerner une chose figurative sans lui porter atteinte directement, pour la rendre trouble et abstraite dans la perception du spectateur...»
Son travail ? « Je ne contrôle pas forcément les effets. Alors même si j’essaie d’avoir le maximum de maîtrise sur l’ensemble de ce que je produis, le «hasard» y a aussi sa place ».
Son rapport au papier ? « J’essaye de toujours tirer mes photos, ne serait-ce qu’en petit format, pour entretenir ce rapport avec le papier, la photo physique étant l’œuvre finale ».
« S’il est difficile de se comprendre soi-même, il est plus complexe encore de percer ce mystère qu’est l’Autre. Avec X., Christopher Hart nous en offre un parfait exemple. Les fractures sont certes bien présentes, mais elles ne divulguent ni leur histoire ni leur intensité. En revanche, une chose semble acquise : elles ne disparaîtront pas demain ». Gérald Vidamment