© Sarah Mei Herman
Née à Amsterdam en 1980, Sarah Mei Herman étudie la photographie à la Hague, puis au Royal College of art de Londres (2008-2010).
Elle grandit fille unique, jusqu'à ses 20 ans et la naissance de son demi-frère Jonathan. Elle commence à le photographier en 2004, en Afrique du Sud. Sa famille fait partie de son œuvre, puisqu'elle continuera par la suite à photographier ce jeune frère, ainsi que son père Julian. Elle exploite cette relation « triangulaire », qui parle à la fois de ses rapports avec son père quand elle avait l'âge de Jonathan, du lien qui se crée entre un fils et son père déjà âgé, mais aussi de sa propre relation avec un frère qu'elle voit grandir à distance.
Ces images montrent par ailleurs l'évolution physique de l'adolescence, lorsque le corps change et que l'ont ne se reconnaît ni dans le monde que l'on quitte ni dans celui que l'on embrasse.
Outre les siens, elle part à la rencontre des « inconnus », mais toujours en créant un lien, en suivant ses modèles sur plusieurs années, donnant à voir la transition, la transformation des expressions, des attitudes et des visages. L'enfance est aussi un âge où la frontière entre les genres est trouble. L'identité se construit, et va de pair avec l'affirmation de soi, de ses goûts. Des portraits de Jana et Feby, deux jumelles photographiées par Sarah Mei Herman entre 2006 et 2013, racontent cette ambiguïté. Sur les premières images, l'une a les cheveux coupés court, et une tenue plus masculine que sa sœur. Les années passent, leurs liens semblent toujours aussi forts, elles se ressemblent de plus en plus. On les voit s'étreindre, se tenir les mains, parfois à la manière d'un couple. L'artiste cherche à raconter ce qui n'est pas toujours facile à décrire, comme la force du lien familial, ou du sentiment amoureux.
Ses modèles ne sourient pas, ne regardent par toujours vers l'appareil. Ils semblent happés par le vide devant eux, par leurs pensées, par un univers mental qui leur est propre. Parfois, ils ont les yeux fermés, ou bien tournent le dos au spectateur. Cela donne un sentiment d'étrangeté face à ces images, comme un décalage cherchant à exprimer la période floue de la jeunesse, aussi bien que la proximité des corps dans la relation aux autres. Interviewé par Marc Feustel pour Foam Magazine, qui publie un de ses portfolios en 2010, elle explique qu'elle n'a « jamais le sentiment d'exploiter les enfants ou les jeunes adolescents qu'elle photographie ». Elle dit « être très prudente, ne jamais leur mettre de pression (…) et les prendre très aux sérieux. »
Elle a notamment été exposée au New York Photofestival en 2013 pour sa série Keep on dreaming” et cette année au Château d'Eau, à Toulouse. En avril prochain, sa série Between Us sera à la Kahmann Gallery d'Amsterdam avec qui elle a déjà eu l'occasion de travailler en 2010 et 2012.
Son travail déroutant et intimiste, renouvelle l’esthétique du portrait. Loin des mises en scène de studio, la famille est montrée au naturel. A la limite du documentaire, saisissant des moments simples et quotidiens, les photographies de Sarah Mei Herman explorent les sentiments, le langage des corps et la pureté de l'enfance pour un voyage au cœur de l'humain.
Adèle Binaisse