Fondation Bullukian 26 place Bellecour 69002 Lyon France
« On ouvre une fenêtre sur le monde, les images se projettent et s’inscrivent sur la surface de cette ouverture : le tableau. Plus tard, d’autres fenêtres s’ouvrent en profondeur dans le tableau, inscrivant de manière illusionniste paysage et horizon dans le lointain comme les figures de l’espace réel dont l’homme de la Renaissance mesure les dimensions. Dès lors, la fenêtre, qui hante l’histoire de la peinture, n’est plus seulement citation, c’est le tableau lui-même qui devient une fenêtre. »
Jean-Claude Fozza, Petite fabrique de l’image
La collaboration entre la Fondation Bullukian et le musée Paul-Dini est née autour de la programmation de l’été 2014, afin de mettre en avant des artistes ayant un lien de vie ou de travail avec la région Rhône-Alpes. L’exposition PAssAges a lieu simultanément à l’espace Cornil du musée Paul-Dini et à l’espace culturel de la Fondation Bullukian.
Depuis la Renaissance, les artistes ont accordé une place centrale à la fenêtre et à la porte : d’un simple élément de décor et d’architecture, celles-ci deviennent peu-à-peu un sujet à part entière. Aujourd’hui encore, ce motif conduit notre sens de lecture : de l’image architecturée, construite par plans, vers l’espace irréel. Le mur de la peinture devient objet de contemplation et support d’une vision intérieure. L’exposition s’ouvre aussi à d’autres formes de fenêtres, la photographie et la vidéo.
Artistes présentés au Musée Paul-Dini : Damien Beguet, Stéphane Braconnier, Corinne Chotychi, Nicolas Delprat, Véronique Ellena, Philippe Favier, Patrice Giorda, Jérémy Gobé, Jérémy Liron, Bernard Piffaretti, Jean-Antoine Raveyre, Samuel Rousseau, Djamel Tatah, Jacqueline Salmon, Denis Serre, Jacques Truphémus
Damien Beguet
1970 - Vit et travaille à Lyon
Que peindre aujourd’hui ? La question est à la mode. L’artiste-peintre en ce début de vingt-et-unième siècle, serait revenu aux affaires. Quel symbole interroge-t-il ? Celui de l’artiste dans la société ou celui de l’oeuvre qu’il produit ? Les deux, bien entendu. D’ailleurs Damien Beguet pose, en guise de réponse, cette question : « et si l’artiste était un sujet médiatique et l’oeuvre d’art un support publicitaire ? ». Damien Beguet présente sa démarche comme celle d’un entrepreneur au service de l’art. Il emprunte les logiques et les esthétiques des entreprises et se les réapproprie à des fins artistiques. Il a ainsi fondé sa propre entreprise, microclimat, et c’est avec humour que Damien Beguet détourne les codes du monde marchand.
Avec Vision abstraite, Damien Beguet rend à César ce qui est à César. Les tableaux de Mondrian sont passés par le filtre médiatique et ont évolué en simple remplissage du néant nocturne télévisuel. Il était logique que ses écrans redeviennent ce qu’ils ont toujours été : des peintures. La boucle est bouclée.
Fabrice Lauterjung
1978, Vit et travaille à Chassieu
Cinéaste-vidéaste, Fabrice Lauterjung propose une œuvre protéiforme. Dans ses vidéos, les images, les sons et les textes se combinent et se croisent. souvent, il y est question du déplacement du regard.
Avec Zagreb, répétition, le film scrute la relation, perceptuelle et mnémonique, qu’un spectateur entretient avec des images filmiques et photographiques. Il s’agit initialement d’une expérience sur l’œil et la mémoire proposée à des candidats volontaires, et consistant, dans un premier temps, en la présentation d’un court film. Puis il est demandé aux candidats d’exposer ce dont ils se souviennent. Le cas échéant, des photos extraites du film, à classer chronologiquement, leur sont présentées. L’un d’eux, après avoir reconnu le lieu filmé, se rappelle un traumatisme personnel : une alerte vécue de nuit pendant la guerre en ex-Yougoslavie.
Fabrice Lauterjung, Zagreb repetition 3’56’’20’’’. Film super 8 et mini Dv (extrait) © Fabrice Lauterjung
Jérémy Liron
1980 - Vit et travaille à Lyon
Entre nature et béton, Jérémy Liron dévoile ses architectures, telles des paysages déserts, silencieux et intemporels évoquant la condition de l’homme et le passage du temps. Il travaille sur l’espace et l’architecture en jouant sur la profondeur, celle du tableau et celle de la scène elle-même. L’architecture devient alors un prétexte, pour questionner notre perception de l’espace. ses œuvres ouvrent sur l’illusion de l’espace perceptif sans pour autant renoncer à la matérialité de la peinture. elles concilient en effet une synthèse troublante entre la fenêtre ouverte sur le réel et les effets de surfaces lourdement décoratives, puissamment coloriées et cernées d’un trait brutal dont parlait le peintre nabi Maurice Denis. Cette fenêtre ouverte sur le monde, que certains artistes tels Henri Matisse (Porte-fenêtre à Collioure, 1914) puis Marcel Duchamp (Fresh Widow, 1920-1964) ont volontiers obturée, se voit ici rouverte sur une architecture moderniste. Le choix n’est pas innocent. Dans certains tableaux, la masse informe du végétal semble gangrener le bâti, anticipant ainsi le devenir de la pensée moderniste.
Aurélie Pétrel
1980 - Vit et travaille à Lyon
Aurélie Pétrel propose des expériences photographiques, où l’architecture de l’image se superpose à celle du lieu pour créer une nouvelle expérience du regard, de la réalité. son travail s’articule autour du statut de l’image, de son apparition à sa matérialité, à travers des installations photographiques, qui traitent précisément des tensions entre le réel et son double photographique. Aurélie Pétrel crée ainsi des jeux d’illusion et de déplacement de la réalité. elle conçoit des structures visuelles et conceptuelles qui superposent reflets, transparences et opacités. L’architecture de l’image se superpose à celle du lieu pour créer une nouvelle expérience du regard, de la réalité. Les limites entre image et contexte, mémoire et imaginaire, disparaissent et l’œuvre révèle dès lors, autant qu’elle dissimule.
Avec la série des Usagers, elle investit le terrain des bibliothèques pour situer l’Être humain par rapport à ses pratiques de lectures. elle appréhende à travers son œuvre le rapport antinomique entre sociabilité et repli sur soi dans un lieu et un temps donné.
Aurélie Pétrel, extrait de la série « Les Usagers », photographie numérique couleur © Aurélie Pétrel
Aurélie Pétrel, extrait de la série « Les Usagers », photographie numérique couleur © Aurélie Pétrel
Jean-Antoine Raveyre
1977 - Vit et travaille à saint-Étienne
Jean-Antoine Raveyre réalise de grandes photographies narratives, souvent métaphoriques, dans lesquelles les références historiques, picturales et littéraires abondent. De cette façon, il traite de l’ambiguïté que revêt l’image fixe par l’étude de la composition et la théâtralisation des modèles. L’artiste insère l’élément emblématique de la fenêtre comme un paradigme du cadre. Dans la fenêtre, cadre dans le cadre renvoyant à une autre réalité, le sujet apparaît flouté, à la fois en marge et en-dedans de toute histoire.
Le tableau est pour moi comme une fenêtre. C’est ainsi qu’en 1435 Alberti introduit son histoire de la peinture, laquelle se confond dans la photographie de Jean-Antoine Raveyre, reprenant l’élément emblématique de la fenêtre comme un paradigme du cadre.
Jacques Truphémus
1922 - Vit et travaille à Lyon et dans les Cévennes
Héritier des peintres de l’intime tels Bonnard ou Vuillard, il s’inscrit sereinement dans son temps par la transcription immatérielle des paysages rencontrés, dans une peinture de plus en plus épurée. son parcours pictural est jalonné, de 1951 aux années 2000, par les marines, les natures mortes, le Japon, les ateliers de Lyon et du Vigan, les portraits, les cafés et Lyon. Durant la période 1960-1980, ses toiles se caractérisent par des pâtes grasses et nacrées avec des étendues planes et des ciels immenses. Après un voyage au Japon en 1970, sa peinture évolue vers un allégement de la matière et une évanescence des formes. Truphémus pratique alors la fluidité des jus et le grattage.
Dans les années 1980, il peint des personnages à contre-jour dans des intérieurs de cafés lyonnais où l’on aperçoit, au- delà des vitres, la ville enveloppée de camaïeux de gris. La vitre joue sa fonction d’écran entre l’intérieur et l’extérieur et permet de dédoubler les plans grâce à ses reflets. Aujourd’hui encore, le peintre tente de représenter le monde perceptible, en explorant le thème des fenêtres, véritable métaphore de la peinture.