Désormais membre de la belle et célèbre agence Magnum (depuis 2011), Alessandra Sanguinetti est née à New-York, mais demeure en Argentine jusqu'à ses trente ans. A partir de cet âge, la jeune femme qu'elle est s'installera de nouveau aux Etats-Unis.
Depuis l'enfance, photographier est pour Alessandra Sanguinetti un moyen de fixer. Une façon de rendre les personnes, objets, évènements et situations « indélébiles » selon les mots de l'artiste.
Son premier projet a donc vu le jour en Argentine. Il prend racine à travers un espace typique, et s'inspire de paysages de nombreuses fois mis en image déjà : Le sixième jour respire l'air des Pampa, ces immenses prairies espagnoles qui recouvrent une large partie des terres, non loin de Buenos Aires.
La jeune-femme s'intéresse à la vie agricole là-bas, à la relation particulière entre ces humains qui vivent avec des animaux, qu'ils finiront par abattre. Partant d'un projet subjectif et qui lui tenait à cœur , dans lequel il était question de soulever des regards un tant soit peu critiques, Alessandra Sanguinetti termine en fait Le sixième jour avec moins de sentiments et d’opiniâtreté qu'elle ne le commence, d'une façon plus neutre et objective.
De cette même série naîtra son œuvre la plus connue, The adventures of Gulli and Belinda, un conte merveilleux pourtant représentant d'une réalité palpable.
Le titre éponyme de cette longue série retrace l'enfance de deux cousines à travers l'enfance à l'âge adulte.
C'est dans un milieu bien familier et de nombreuses fois arpenté que Alessandra Sanguinetti réalisera ses clichés.
En parcourant les fermes familiales, la photographe sera un œil discret, secret, presque mystique. En effet, la symbolique qui attache le spectateur à ses images est difficile à saisir précisément, mais quelques éléments sont néanmoins identifiables : la relation des corps que connaissent les fillettes, l’appréhension de l'espace par l'enfant, la relation des corps à la matière dans une zone rurale, puis la façon dont le temps agit, dont la perception mute....Surtout, il est question d'identifier les minces frontières entre fiction et réalité, puisque la photographe se concentre ici sur le rêve, sur la façon dont la liberté, l'espace imaginaire des deux enfants disparaît rapidement alors qu'elles grandissent.
Autant de façons d'étudier comment le rêve fusionne avec la vie quotidienne et réel de l'enfant, jusqu'à un certain temps bien sûr.
Les photographies de Gulli et Belinda sont la beauté désarmante de leur relation, elles déploient des trésors de sensibilité.
Ces problématiques sont prédominantes chez Alessandra Sanguinetti et, lorsque que l'artiste se concentre plus tard sur la Palestine (un format qui tient cette fois plus du reportage que du documentaire), elle sera l'auteur de clichés qui seront un nouveau miroir de l'enfance, le reflet d'une société qui leur impose mode de vie et quotidien.
Sorry Welcome et Sweet expectations sont deux autres séries dans lesquelles l'enfance joue un rôle prépondérant. Ce thème est tout simplement le point de fuite de ce qui doit graviter autour dans les photographies d'Alessandra Sanguinetti.
Des relations mystérieuses dont le spectateur ignore tout, des visages d'enfants et des situations quotidiennes, mais à haut potentiel dramatique et qui fascinent.
Charlotte Courtois