© Julien Clergue / Musee des Tapisseries d'Aix-en-Provence
Musée des Tapisseries Place des martyrs de la Résistance 13100 Aix-en-Provence France
Pour la première fois de ma carrière, je ne suis plus le deus ex machina.
Le patron est le médium et non plus le photographe. Lucien Clergue
D'Arles à Aix, il n'y a qu'un pas et c'est ainsi que le Musée des Tapisseries, inscrit de longue date dans de fructueux échanges autour de la photographie, et la Fondation Saint-John Perse, dont les liens avec le photographe sont anciens, sont honorés d'accueillir cette année le grand photographe Lucien Clergue.
Au musée des Tapisseries sera présenté son travail récent autour des Surimpressions, ainsi que les célèbres Nus zébrés, tandis que la Fondation Saint- John Perse accueillera la correspondance et les échanges entre le photographe et le poète aboutissant à la parution du livre Genèse, on y verra aussi les portraits réalisés entre 1965 et 1974 aux « Vignaux » sur la Presqu’île de Giens.
Si Lucien Clergue est surtout connu pour ses photographies de Gitans, de Nus et de Paysages de Camargue, il est une face de son travail plus récent qui nous emmène sur d'autres chemins passionnants à découvrir : les surimpressions. Très audacieuses et parfois jugées iconoclastes, celles-ci nous invitent à pénétrer dans un monde aussi étrange que fascinant pour des lectures et relectures d'images nées de rencontres improbables : celles de peintures, anciennes, religieuses ou mythologiques, avec les nus ou les taureaux ...
Nouvelles lectures, nouvelles visions fantomatiques, au croisement de plusieurs mondes, techniques et temporalités, du passé au présent.
Les Surimpressions de Lucien CLERGUE
« Dans toute action technique quelque chose se passe en dehors de nous. Heidegger aurait sans doute porté un regard particulier sur les photographies en surimpression de Lucien Clergue car fort d'une technique affirmée rejetant toute compromission avec les nouvelles technologies, il nous livre des images issues d'une double exposition de sa pellicule en des temps séparés parfois de plusieurs mois.
En effet, la technique est simple : Lucien Clergue, sur une plage, au bord d'une rivière, dans un appartement cossu ou délabré photographie son modèle en lumière naturelle. Une fois le film fini, il le rembobine et le met en réserve. Lorsque quelque temps plus tard, il va dans une ville dont le musée des Beaux-Arts offre au regard des visiteurs des toiles du XVIIIème ou du XIXème siècle, il prend une poignée de film pré-exposés dans son sac. Un à un, il les replace dans son appareil comme s'ils étaient neufs, et il photographie alors les fragments de peintures qui ont un sens pour lui.
Jusqu'au jour où le film revient du laboratoire. Avec une ardeur et une impatience enfantine, Lucien Clergue regarde les images qui sont nées du mélange chromatique et lumineux de deux instants si distants l'un de l'autre et découvre ce qui s'est passé hors de lui, mais dans la caméra. » Jean-François Dreuilhe
« On est le premier spectateur, le premier surpris, trompé, troublé, parce que bien souvent les choses vous dépassent et vous ne savez pas pourquoi vous les avez faites. » Lucien Clergue
© Lucien Clergue
Lucien CLERGUE et Saint-John PERSE
Les photographies de Lucien Clergue ont un lien direct avec la démarche poétique dans le sens où ce n'est pas seulement le sujet qui est important mais la vision intérieure qu'il en a, son ressenti, sa perception intime. Jean Cocteau le qualifiait ainsi de « poète de l'image ».
La première rencontre entre Lucien Clergue et Saint-John Perse date de 1965. C'est Jean-Marie Rouquette, conservateur des musées d'Arles, qui signale à Clergue les liens entre l'inspiration du poème Amers et celle de ses photographies. La collaboration se concrétise en 1973 avec la parution de Genèse, qui comporte des extraits d'Amers.
Entre l'été, qui vient de mer ... Il n'est plus femme qu'agréée : semence et sève de douceur, l'acide avec le lait mêlé, le sel avec le sang vif, et l'or et l'iode, et la saveur aussi du cuivre et de son principe d'amertume – toute la mer en moi portée comme dans l'urne maternelle...
In Amers (Strophe – I, Strophe - II)
C’est le 18 août 1965, que Lucien Clergue s’est rendu pour la première fois aux "Vigneaux", propriété de Saint-John Perse à Giens. Lorsque ce dernier lui proposa d’aller visiter son domaine, Lucien Clergue rappela que l’objet de sa visite était de le photographier, près de la mer, à la demande d’un jeune poète qui écrivait un livre sur lui. Il resta perplexe lorsque le poète lui dit qu’il n’avait jamais rencontré ce jeune homme. Passant entre des pins aux troncs tortueux ils arrivèrent à la calanque favorite du poète. Le site était grandiose avec ses pins parasols, les voiliers dans le fond, le soleil bas de six heures qui éclaboussait la mer et évoquait irrésistiblement le souffle du poète. Saint-John Perse accepta la prise de quelques portraits où Lucien Clergue essaya d’intégrer le site qui l’entourait. Le poète confia ne jamais avoir voulu se laisser photographier, n’ayant donné à sa mère qu’une photo agrandie de passeport et ayant même refusé à Cartier-Bresson. C’était donc un privilège qui impressionna le photographe.1
1 In catalogue de l’exposition « Saint-John Perse / Lucien Clergue – Genèse d’une rencontre » exposition du 19 janvier au 23 février 2013 à la Médiathèque Saint-John Perse, Hyères
© Lucien Clergue