Batman, de la série « Toy Story» , 2008 © Oleg Dou
En huit années, Oleg Dou est devenu une des valeurs montantes de la photographie et fait désormais partie de nombreuses collections privées et publiques. La galerie présentera 12 photographies caractéristiques de l'évolution de son travail et 4 sculptures en porcelaine.
Oleg DOU, autodidacte, a pris l’Occident d’assaut en 2007 en séduisant instantanément les collectionneurs, la presse et le grand public. Avec une esthétique reconnaissable entre toutes, Oleg Dou a crée avec le médium photographique un monde à part. Il expérimente également depuis deux ans d'autres médiums comme la porcelaine et la peinture. C’est surtout la porcelaine, pour ses qualités plastiques, qui l’intéresse. « Je ne veux pas m’enfermer dans un seul médium,- dit-t-il, l’artiste contemporain est libre, et je souhaite toucher d’autres matières, les appréhender». Etape importante dans son cheminement, les photographies répondent désormais aux céramiques, ajoutant ainsi une palette, une strate supplémentaire à son univers si particulier. Encore une fois, Oleg Dou nous oblige à réfléchir à notre rapport aux images.
MK 4, de la série « Mushroom Kingdom », 2013 © Oleg Dou
S’agit-il de photographie ou d'autre chose ? Est-elle vivante ou inanimée ? Est-elle authentique ou artificielle ? Même les amateurs d'art les plus spécialisés sont amenés à se poser ces questions lorsqu'ils sont confrontés au travail d'Oleg Dou. Au commencement de chaqu image, il y a la photographie d'un visage "nu", sans la moindre touche de maquillage. Une réalité mise à nu. C'est sur ce substrat que l'auteur exerce progressivement sa magie, en re-façonnant ses modèles en quelque chose de nouveau. En donnant vie à ces étranges créatures androgynes, au sexe et à l’âge indéterminés, Oleg nous révèle tels que nous sommes et rend compte par la même occasion d’une époque malade et chancelante, qui semble avoir perdue ses fondations… L’idée primordiale dans le travail d’Oleg est celle d’une esthétique du temps et d’une recherche de la beauté.
Au cours des dernières décennies, le monde a assisté à l'accumulation d’une masse gigantesque d'images dans le domaine de la publicité, de la mode et des magazines sur papier glacé. Toutes ces représentations d’êtres, à l’intolérable beauté, au corps désirable, à la peau parfaitement lisse, ont trompé plusieurs générations de lecteurs et de téléspectateurs, mais n’agissent plus autant aujourd’hui comme de véritables appâts pour les consommateurs. La nouvelle génération n’est plus aussi dupe des manipulations visuelles contrairement à celle qui l’a précédée. Les gens aujourd’hui connaissent tout de Photoshop ou de la chirurgie plastique. Oleg Dou utilise ainsi les outils séculaires liés à la manipulation d’images pour recréer un monde peuplé de belles personnes, incarnations symboliques d’un système ayant déjà atteint ses limites, à la croisée d’un autre monde. Leurs traits sont formellement beaux, mais leurs yeux et leurs poses transmettent une souffrance. Ces êtres nous fixent intensément du regard, tels des héros dans des affiches de propagande. Ils pénètrent profondément dans nos âmes avec la magie incarnatrice d'une icône. Ils sont le reflet de nous-mêmes, de nos peurs cachées, liées à cette recherche incessante de la beauté extérieure. Nous nous engageons dans cette recherche tout en oubliant une chose plus importante - la paix intérieure, celle qui nous donne la capacité de percevoir la beauté véritable et voir l'essence intérieure plutôt que la couche externe des choses. Dans une de ses premières œuvres, « Hear Yourself » Oleg Dou offre une métaphore intéressante: Une douce créature semble s’écouter elle-même avec effort. Son oreille externe a été aspirée à l'intérieur de son crâne par une force inconnue, et son front blanc marbré est tendu. Oleg Dou suggère ainsi que nous regardions davantage à l’intérieur de nous-mêmes. Il est de ces artistes qui réussissent à combiner l'incongru - il commence par une chose pour en arriver à une autre qui lui est diamétralement opposée.
MK 5, de la série « Mushroom Kingdom », 2013 © Oleg Dou
La série la plus récente d’Oleg Dou, intitulée « Another Face », est un carnaval de masques malheureux. Chaque nouveau visage est couvert de fines bandes de papier, comme s’il était en papier mâché, et illustre les différentes étapes d'une maladie de l'âme. La maladie s'infiltre dans le papier sous forme de fines stries sinueuses au crayon à papier ou en rose, qui se gonflent et s’étendent en taches sphériques. Certains visages semblent évoquer une maladie en phase terminale, d'autres ont malgré tout une lueur d’espoir dans les yeux, et deux des figures de la ont un masque de mort incorporé à leur peau.
La toute dernière série « Mushroom Kingdom », composée des photographies, peintures et sculptures en porcelaine, est une nouvelle page dans l’oeuvre d’Oleg DOU. L’artiste plonge dans les rêves enfantins, ou plutôt des cauchemars, où les personnages voient leurs visages et membres se transformer : les bras s’allongent, les mains se recouvrent de poils, les ongles repoussent et ressemblent à des griffes, les nez deviennent des groins. Ils jouent avec des animaux à des jeux étranges. Cela sent la mort. Ou peut être la vie après la mort ? Le spectateur est rapidement invité à dialoguer avec les portraits de Dou, s’obligeant, ainsi, à se placer sur le même continuum spatio-temporel que les modèles. Et dans la mesure où nous nous cherchons nous-mêmes dans le travail d'Oleg, cette implication personnelle, physique et morale est à la fois fascinante, inquiétante et parfois répulsive. En fin de compte Dou obtient sa récompense ultime car l'intolérable beauté de ses âmes malades éveille un désir en nous…un sentiment, une réflexion, un désir de changer. L'art n'est-il pas après tout aussi fait pour cela ?
Letters, de la série « Papers and Paints » , 2007 © Oleg Dou