© Thibaut Derien
« J'en avais marre de la capitale. Trop de bruit, trop de gens. Et puis je ne supportais plus mes voisins. Je voulais changer d'air, et surtout de vie. » Aussi Thibaut Derien décide-t-il de créer sa ville-fantôme, composée d'une collection photographique de devantures abandonnées, découvertes au cours de ses promenades urbaines. Les clichés rectangulaires de l'artiste-chanteur invitent les spectateurs à une errance poétique, dans des rues désertes aux façades décrépies et aux enseignes désuètes. Présentée à Little Big Galerie, la série J'habite une ville fantôme interroge la place du petit commerce dans la société de consommation.
© Thibaut Derien
Parcours
Thibaut Derien est né en 1974 à Lorient. Auteur, chanteur et photographe à ses heures, ce Breton d'origine est depuis plusieurs années cadreur sur l'émission musicale diffusée sur France 2, CD'aujourd'hui. Auteur et interprète de quatre albums de chansons, il est aussi l'auteur de séries photos, toujours en construction et déjà exposées plusieurs fois, comme « J'habite une ville fantôme » ou « Sur scène dans une minute ! ».
Un beau jour, Thibaut Derien a quitté Paris pour une étrange ville, oubliée du temps et des heures, figées dans ses souvenirs. Les antiques devantures qui s'offrent à la vue du passant ouvrent de grands rectangles cinématographiques vides, palimpsestes sans fond où bougent encore les fantômes de l'histoire et les vies enfouies. L'humour est là aussi, sorte d'attendrissement malicieux devant les grandiloquences désuètes d'un lettrage, d'un jeu de mots, d'une architecture un peu pompeuse, ou face à des enseignes abîmées, synonymes de la banalité devenus textes énigmatiques ou alphabets exotiques sous les assauts du temps. Parfois se confondent une ancienne appellation en voie d'effacement et une famille de tags en voie d'apparition, deux façons d'écrire la ville avec des signes sans usage : une forme de poésie, en somme. Christian Macotta
© Thibaut Derien
Thibaut Derien a fait partie des lauréats de SFR Jeunes talents qui ont eu la chance de participer à Paris Photo en 2013. Sa série J'habite une ville Fantôme a remporté un vif succès.
« Ce pourrait être, pour un de ces films nostalgiques dont un certain cinéma français a le secret, la rue reconstituée en studio d'une petite ville bien de chez nous. Une collection de magasins - de ceux que l'on appelle aujourd'hui « de proximité » - fermés, une collection aussi d'enseignes dont le charme des typographies disparues ne peut faire oublier l'abscence de quelques lettres emportée dans l'abandon, un souvenir dans lequel nous guide un photographe : « Je tue le temps, qui ne passe plus vraiment par ici, en imaginant toutes ces vies passées dérrière ces volets fermés, ces rideaux de fer tirés. Je suis comme perdu sur une île déserte, sauf que je n'ai pas envie que l'on me retrouve. J'habite une ville fantôme ».
Entre propos documentaire au « réalisme » exacerbé par le traitement sur Photoshop et déplacement nostalgique en forme de fuite de la grande ville, les questions de la mémoire, du temps, de la trace, s'imposent dans une frontalité nette et répétée. Un de ces inventaires carrés, qui parce que nous sommes face à des photographies, finissent par devenir des fictions possibles, des questions en tout cas, des doutes, dans une surenchère de la représentation ». Christian Caujolle
© Thibaut Derien