© Alexandre Christiaens
Ces mers houleuses enveloppées de ténèbres révèlent et exultent d’abord une passion : celle que Alexandre Christiaens nourrit pour le noir, ce noir « antérieur à la vie et à la couleur » : un noir intense et tranché, comme dans ces langueurs océanes qui déclinent toutes les nuances du sombre au cœur de la nuit atlantique ; un noir plus tendre, quand il s’effiloche dans le ciel immense. Longuement retravaillée dans l’antre du laboratoire argentique, cette œuvre au noir sollicite l’imaginaire et invite au voyage, au cœur de la matière vibrante et fuyante de l’eau.
Ces images de haute mer ont ensuite en commun que le visible y est saisi comme une matière brute à laquelle donner forme : ce sont là autant de portraits organiques, physiques et viscéraux qui, de la surface mouvementée de l’océan aux éblouissements furtifs du ciel, plongent le regardeur dans l’épaisseur abyssale du vivant, capturé en de fragiles mais puissantes esquisses.
© Alexandre Christiaens
Enfin, elles partagent encore une même tension vers une abstraction formelle – celle qui surgit des plongées du photographe argentique dans sa chambre noire, des manipulations auxquelles il se livre dans les bains où trempent et se modulent les humeurs lumineuses et maniéristes du ciel et de l’eau : à l’horizon de ces marines capturées entre chien et loup, dans la dilatation du temps cosmique sous la voûte céleste, il s’agit pour le photographe de « saisir, de l’un à l’autre, cette ambiguïté, ce mince tremblement de la vie dans l’inerte, cette profondeur voilée dans les arcanes du temps – des lambeaux de nuit au cœur même du jour. »
François de Coninck,
© Alexandre Christiaens