En marge de PARIS PHOTO, Brian Elliott ROWE, laisse sa GALERIE BE-ESPACE aux mains expertes de quatre talents coups de cœur : Grégory GAYDU, Alexandra MAS, Alexandra STEFANAKIS et Louis TERAN. Cette exposition déroule, du 12 novembre au 12 décembre 2013, le fil de maîtrises photographiques singulières où chaque auteur s’affranchit des contraintes techniques pour laisser ses images libres d’aventures artistiques et de rencontres humaines.
Grégory GAYDU - NOIR FONCÉ, Chapitre II
La matière se fissure sous les coups de butoir d’émotions trop fortes. Tapies derrière le faux masque d’une apparente sérénité, elles s’affrontent tels des vents contraires : hurlantes du silence qu’elles s’imposent, muettes d’une souffrance, d’un sentiment trop criant. Grégory Gaydu met ses personnages en condition : il plante le décor, choisit l’ambiance musicale, provoque la scène. Et, dans son viseur, attend le moment ultime. Magie, mystère de l’instant où l’impalpable trouve le chemin de la pellicule. Quel que soit le visage que l’on veuille donner à voir, il n’y a de lisses que les vies atones. Les blancs – d’un regard, d’un sourire, d’un ongle - percent le noir, omniprésent, omnipotent. L’œil du spectateur doit s’habituer à la noirceur : il peut alors se faire plus incisif, pour déceler dans ses masques de pierre, ses écrins d’argile, le cœur qui palpite, l’âme qui vacille. Tout simplement l’être humain qui se terre, s’enterre, sans se taire, pour, enfin, rejaillir du cadre tel qu’en lui-même, dans sa vérité la plus crue.
© Grégory Gaydu
Alexandra MAS – MADE IN BEAUTY
Les pictographies d’Alexandra Mas manifestent son désir de représenter le Beau. Un Beau esthétique mais, surtout, connecté aux forces originelles. La plasticienne traduit sa référence aux éléments - la terre, l’eau, l’air, le feu - en matières : or, argent, métal, poudre, pigments... (produits Make Up Forever). Palette chromatique virtuose, elle maquille sans fard. Et pour mieux crier le mal de vivre de la nature, elle lui donne forme humaine. Une métamorphose à l’image d’un être plus apte à se faire entendre, comprendre aussi. L’artiste travaille à même sa muse, l’actrice Aurore Tomé. La photographie, la peint, la sculpte presque. Reconsidère le cliché, élimine ici, découpe là, pour construire, déconstruire, reconstruire son propos, son modèle. Féminité, sensorialité, le corps ne s’offre pas seulement au vu de tout le monde. Comme paré de pierres précieuses, drapé de dentelles imaginaires, auréolé d’un soleil électrique, d’une douceur de lune, il incarne d’un geste, d’un regard, d’un mouvement, le message qu’il défend, le rêve qu’il poursuit. Et en défilant sous nos yeux, les œuvres d’Alexandra Mas braquent le projecteur sur un univers de beauté qu’elles nous intiment de préserver.
© Alexandra Mas
Alexandra STEFANAKIS – COULEURS JAZZ
Poète visuelle, Alexandra Stefanakis fait vibrer les couleurs à l’unisson des musiciens de jazz qu’elle écoute, qu’elle photographie. En réalisant ses œuvres à la gomme bichromatée, tirée sur Velin d’Arches, revisitée en Digigraphie, l’artiste force le grain de ses images et joue sur le velours de ses aplats. Son objectif capte la musique au moment où elle se crée, dans l’interprétation, dans l’émotion de l’instant. Ses tirages retravaillés poussent les notes de l’oreille à l’œil, au-delà de la prise initiale Alors, les sons entrent en résonance avec les images, s’improvisent chromatiques, dans une étonnante partition visuelle. Les dénivelés du saxophone d’Archie Shepp s’offrent les nuances subtiles d’un bleu, d’un blues. La trompette virtuose de Dizzy Gillespie envoie des harmonies originales. Et les couleurs pop rythment rock la guitare de Pat Metheny. Alexandra Stefanakis réussit à mêler différents univers artistiques tout en réinventant sans cesse le sien : photographique contemporain, où la technologie n’évince pas le pictural et la musique donne le tempo.
© Alexandra Stefanakis
Louis TERAN – INTIMITÉ(S)
Dans l’intimité du Je et du jeu, l’art du portrait de Louis Teran s’attaque au plus profond des êtres. Dans la complexité de leurs méandres, âmes sœurs ou ennemies, fusionnelles ou paradoxales. Dans l’omniprésence de leur corps, dont les postures, faussement nonchalantes, les attitudes élégantes sont parfaitement étudiées et mises en scène. Avec un sens aigu du cadre, le photographe projette sa lumière : elle se réfléchit sur les murs, rase les décors, affleure les peaux, nimbe les visages. Pour cerner l’intimité à même l’âme, au plus près des chairs à nu, des costumes revêtus. L’esprit s’échappe des personnages, ludique, poétique, introspectif, toujours libre. Qu’il s’agisse d’une incarnation de soi ou d’un rôle embrassé. L’artiste réussit l’alchimie entre l’expression du corps et celle de la pensée. Pas univoque, pas équivoque. Juste des tonalités, des nuances de langage, pour les subtilités d’une narration visuelle. Funambule, Louis Teran s’avance sur un fil ténu: son art photographique s’épanouit dans les fragilités de sa force, dans l’intensité de fêlures inavouées.
© Louis Teran