© Christian Lutz
En 1514, le Titien réalise un tableau qui suscite depuis longtemps plusieurs interprétations. L’une d’elles, faite au 18e siècle, a donné origine à un intitulé que nous utilisons jusqu’aujourd’hui : L’amour sacré et l’amour profane. Les diverses lectures, approches et commentaires faits sur cette peinture démontrent bien comment une seule image peut être regardée, perçue et interprétée sous des multiples façons. C’est cette « vulnérabilité » de l’image qui a été le point de départ pour la conception de l’exposition ici présentée. Afin d’élargir cette réflexion, nous avons pris le parti d’exposer des œuvres réalisées à partir de deux média : la peinture et la photographie.
En montrant les peintures de Niura Bellavinha et les photographies de Christian Lutz dans une même exposition, il nous est permis non seulement de réfléchir sur les rapports qu’entretiennent ces deux médias, mais il nous est aussi donné l’occasion de questionner comment nous regardons une image. L’idée serait de saisir les enjeux qui rentrent en considération dans un tel acte. Cela va sans dire que nos expériences, nos connaissances, nos particularités jouent un très grand rôle. C’est en effet notre individualité elle-même qui guide notre attitude devant une image. Il est parfois surprenant de constater que dans ce processus certains s’investissent même du rôle de « juges » pour décréter ce qui est « montrable » et sous quelle forme cela devait se passer. Tant les peintures de Bellavinha, réalisées par des jets de pigments, que les photographies de Lutz, captant des moments précis de notre société, peuvent provoquer à la fois l’appréciation et la réprobation.
Comme constate Mircea Eliade dans son ouvrage sur le sacré et le profane, il existe deux modes d’être dans le monde : celui qui a tendance à le sacraliser et celui qui opte pour sa désacralisation. Telle opposition est similaire à celle que nous pouvons adopter devant une image : soit nous la regardons selon de dogmes préétablis, soit dans un esprit libre de découverte.
© Christian Lutz
Niura Bellavinha
Née en 1960, vit et travaille à Belo Horizonte.
Artiste multimédia formée par l’Université de Belo Horizonte à Minas Gerais au Brésil, Bellavinha place au centre de ses recherches les éléments naturels. Qu’elle réalise une performance, une installation ou une peinture, l’artiste ne cesse d’explorer les caractéristiques et les possibilités intrinsèques à l’eau, à la terre, aux météorites etc. Son intérêt pour ces éléments va de pair avec une réflexion particulière sur la manière de donner forme à ses idées. Ayant participé à des expositions au Brésil et à l’extérieur, ses œuvres figurent aujourd’hui dans des collections telles la Collection Gilberto Chateaubriand à Rio de Janeiro, le Musée d’art Moderne à São Paulo et le Centre d’art contemporain Inhotim à Brumadinho, Minas Gerais.
Christian Lutz
Né en 1973, vit et travaille à Genève.
istingué par de nombreux prix, le travail photographique de Christian Lutz (1973) est exposé dans le monde entier et fait régulièrement l’objet de publications. Le photographe, diplômé de l’École supérieure des Arts et de l’Image « le 75 », à Bruxelles, est l’auteur de plusieurs ouvrages. Parmi ceux-ci : Meetings, Aux dépens du réel, Protokoll, Tropical Gift, In Jesus’ Name. Ce dernier — une enquête visuelle au sein d’une communauté évangélique basée à Zurich —, a été interdit par la justice suite à des plaintes au nom du droit à l’image. Le procès est actuellement en cours.
Dans la lignée de la photographie documentaire à ses débuts, Christian Lutz s’en est vite démarqué pour affirmer une mise à distance de la réalité et un point de vue cinématographique sur son environnement. Son observation privilégie les groupes humains et les systèmes, qu’il déconstruit pour en révéler les rouages et la singularité de l’individu dans son fonctionnement collectif. Christian Lutz collabore avec l’agence VU’ à Paris et ses photographies figurent parmi diverses collections, dont celle du Musée de l’Elysée.
© Christian Lutz
Photographies et vignette © Christian Lutz