
Série " Papiers chinés " © Philippe Brunier
Un samedi par mois, le Centre Iris pour la photographie organise le CAFéFOTO, lectures gratuites de portfolios par des professionnels de la photographie. Un «lecteur» et plusieurs «lus» (trois à cinq) autour de chaque table pour une lecture commune, détendue et constructive.
A l’issue de chaque saison, le Prix CAFéFOTO est attribué à l’un des photographes lus, et une exposition lui est consacrée dans la Galerie du Centre Iris.
Pour l’année 2013, le Prix CAFéFOTO a été attribué à Philippe Brunier et Olivier Crusells.
Philippe Brunier
«Papiers chinés»
Une multitude d’énigmes, de mystères et d’interrogations traversent notre esprit à la vision des images de Philippe Brunier. Différents niveaux de lecture se chevauchent, se croisent, se nourrissent et se font écho. Le rêve, la mémoire se déploient et circulent dans cette collection d’images uniques.
C’est sur des papiers glanés au gré de brocantes et de vide-greniers que Philippe Brunier se livre à un inventaire surréaliste. Son terrain de jeu visuel est aussi son terrain de «chine». En fréquentant les stands des camelots, des ferrailleurs, des antiquaires, il capture dans son objectif des images oniriques, en même temps qu’il cherche les supports papiers sur lesquels il couchera celles-ci. Il joue - car sa démarche est aussi ludique - avec le fond et la forme, le mental et le tangible.
Son regard met en scène des objets disparates sans jamais intervenir physiquement dans leur installation. Il les choisit dans cette juxtaposition et s’attache ainsi aux relations qui naissent entre eux. Il compose un recueil d’images, et écrit une poésie narrative ou absurde qui navigue entre sourire et inquiétude.
Tous les papiers sur lesquels Philippe Brunier tire ses photographies ont déjà eu un cheminement, une histoire et une vie antérieure. Plans d’architecte, lettres et correspondances, feuilles d’esquisses et de dessins, tous portent des traces, des signes, des ratures, parfois même des déchirures qui construisent leur mémoire propre.
C’est cette archéologie inscrite sur le support qui s’ajoute alors à l’image, la perturbe et la bouscule pour faire naître sinon une nouvelle histoire, tout au moins une nouvelle émotion.
Les «Papiers chinés» de Philippe Brunier nous invitent sur le plateau d’un «théâtre» en attente. Les objets qu’il capture lors de ses visites dans les brocantes semblent avoir tant à raconter, c’est pourtant le silence qui s’impose à nous dans leur perception. Il nous ouvre une porte sur un imaginaire dans lequel nous pouvons voyager, sonder nos propres sentiments et notre histoire.
Philppe Brunier est un passeur d’images et de rêves, réunis dans une collection qu’il nous ouvre aujourd’hui. A notre tour, soyons-en les «chineurs» pour peut-être y retrouver ou y découvrir nos propres souvenirs.
Série « Papiers chinés », © Philippe Brunier
Olivier Crusells
«Sombre» «Apparition» «Disparition»
La figure humaine est centrale dans le travail d’Olivier Crusells. Mais cela ne fait pas de lui seulement un portraitiste. Au sens premier du terme. Dans les différentes séries qu’il consacre à cette représentation, il met en place un processus de déconstruction et de reconstruction de l’image. Il interroge en cela les mouvements d’oubli et de persistance de la photographie.
En s’éloignant d’une réalité objective, Olivier Crusells ouvre des pistes multiples. La variété des procédés qu’il utilise nécessite une grande maîtrise technique et une très grande rigueur. Du temps et de la concentration.
En s’emparant de ces processus de fabrication élaborés, il s’oblige à la lenteur, à la réflexion. C’est donc aussi un moment de méditation qu’il se donne et qu’il offre à ses modèles et à ceux qui s’arrêtent sur ses images.
«Sombre» propose une série de portraits photographiques, dont la technique dialogue avec la peinture, la gravure. La matière et les altérations perturbent la lisibilité et la perception de ces images. Sous nos yeux ces visages mystérieux et parfois inquiétants deviennent des souvenirs. Ils sont les trames d’une mémoire qui s’estompe, puis réapparaît de manière physique, dans une matérialité. Ils incarnent le refus de la disparition, la perception d’une âme derrière l’image photographique.
La série «Disparition» questionne également la représentation humaine, en même temps que la photographie. Ce n’est plus seulement le visage qui fait l’objet d’une capture photographique, mais le corps dans son entier. Les modèles d’Olivier Crusells sont en lévitation, en partance pour un au-delà, dans l’attente d’une dématérialisation, d’une sublimation. Le photographe pousse les limites de la photographie et interroge d’une autre manière la disparition de l’image. A l’inverse, dans la série «Apparition», les visages se matérialisent progressivement. Une accommodation progressive des yeux nous les révèlent. Ils semblent sortir peu à peu de l’obscurité et s’imposer à la vision comme des présences fantomatiques mouvantes. Elles prennent consistance au fur et à mesure de la persistance de notre regard.
Dans une recherche formelle qui s’émancipe de la tradition du portrait, Olivier Crusells questionne la représentation humaine autant que la photographie en elle-même. Entre révélation et effacement, ses images s’écartent du réel et ouvrent une large fenêtre sur l’imagination et l’introspection.
Série « Sombre », © Olivier Crusells
Philippe Brunier est né en 1971. Il pratique la photographie en amateur depuis son adolescence, lorsque, frustré par les résultats obtenus avec l’appareil compact de ses parents, il découvre la photographie noir et blanc et le tirage en laboratoire. Il explore ensuite de très nombreux sujets et procédés différents, avec une prédilection, toutefois, pour la nature morte et les procédés alternatifs. Les ateliers «Nocturnes» de Sabrina Biancuzzi, qu’il suit sur plusieurs mois, l’aident à mettre de l’ordre dans ce foisonnement d’images et à construire des séries cohérentes, qu’il commence à exposer à partir de 2011. En 2013, avec quatre autres photographes, il fonde le collectif Studio Dazzle.
Expositions récentes
2013 Exposition avec le Studio Dazzle, Paris, France
2012 Festival PHOTOcollection #3, Paris, France
2011 Portes ouvertes des Ateliers de Belleville, Paris, France
www.philippebrunier.com
www.studio-dazzle.com
Olivier Crusells est né en 1969 à Clermont-Ferrand. Restaurateur de peintures murales pour les Bâtiments de France, il développe également depuis 1993 une expression artistique personnelle dans le dessin et la peinture. En 1995, il rencontre le sculpteur japonais Saturo Sato et dirige alors ses recherches vers la sculpture monumentale. Installé à Berlin de 2002 à 2005, il s’implique dans la vidéo et les installations. Il y rencontre également des artistes photographes et se rapproche du médium photographique. Il expérimente de nombreux procédés qu’il combine ensemble pour une vision plus subjective et sensorielle.
Expositions récentes
2013 Galerie Black Box, Arles, France
2012 Galerie 51 bis, Nîmes, France
2010 Galerie Suty, Paris, France (coll.) Galerie Mazel, Bruxelles, Belgique (coll.)
www.oliviercrusells.com