© Arno Rafael Minkkinen_1990 Fosters Pond
Galerie Valérie Bach 6 Rue Fayder 61050 Ixelles Belgique
Cube de glace imaginaire
En anglais, le mot volume peut avoir plusieurs significations. On parle de volume du trafic sur une autoroute ; c’est-à-dire du nombre de voitures qui tentent de traverser le pont George Washington. Ou bien cela peut être le volume d’un klaxon tentant de mettre en garde un lambin pendu à son téléphone portable, ou encore, l’augmentation du volume de Alina d’Arvo Pärt, ce qui dans un embouteillage peut être un must. On peut parler de « volume d’éloges » d’une photographie à un groupe de collectionneurs de peinture ou de « volume discounts », ce qui correspond à l’octroi d’une remise pour la personne qui acquiert plusieurs oeuvres.
Mais je voudrais parler de volume à propos d’un cube de glace qui a déjà fondu, et abandonne derrière lui le volume géométrique solide d’origine qu’il possédait. En plus de ses quatre faces, Est, Ouest , Nord et Sud, il a une face supérieure (que l’on pourrait apparenter au ciel), une face inférieure (il pourrait s’agir de l’eau), et un arrière plan (qui pourrait être le mur derrière ce cube de glace).
Vu sous cet angle, vous pouvez avoir une idée de la manière dont je travaille en photographie : il s’agit de faire converger la bidimensionnalité du viseur et la tridimensionnalité de la réalité. Cette convergence m’inspire et m’incite à étudier des possibilités que je ne pourrais pas envisager autrement.
Deux mains se tiennent hors de l’eau de façon à ce que chacune d’elles s’y reflète. Mes mains semblent suspendues dans l’espace, tenues par un rocher, elles entrent dans l’image par le haut du cube de glace au moins à trente centimètres plus près de l’objectif de l’appareil photo que le rocher.
Les choses s’inversent dans Oulujärvi, Paltaniemi, Finlande, 2009. Ici, tout se passe dans le centre du cube de glace, je pourrais dire aussi dans le centre de la terre. La planéité du corps (qui est toujours le mien) se confronte à la tridimensionnalité des nuages et à la ligne d’horizon au loin. Mon but en faisant cette image était de déterminer comment me positionner de telle sorte que chaque partie de mon torse — à part celle que vous voyez — disparaisse. La mouche qui a choisi d’atterrir sur mon dos pendant le temps de pose atteste de la réalité de la scène, de la tridimensionnalité de mon corps.
Je transforme le viseur en boîte — mon cube de glace imaginaire. J’espère continuer ces jeux d’esprit visuels, capturer les illusions d’échelle imprévisibles de la nature — avant que mon temps sur terre ne commence à fondre.
Arno Rafael Minkkinen, Fosters Pond, 2013
© Niko Luoma-Spira #1, 2010, c-print, Diasec, 140 x 170 cm
Les dessins au trait de Niko Luoma
Niko Luoma s’est tout d’abord mis à la photographie argentique pour créer des images abstraites avec un appareil photo ; pas des images qui utilisent le flou de bougé ou le flou artistique pour faire basculer son sujet dans le domaine de l’abstraction , mais des images qui n’ont « aucune connection directe avec le monde visible qui nous entoure ». Il explique qu’il voulait savoir si une telle image « était vraiment réalisable en photographie ».
Luoma a puisé son inspiration dans les oeuvres de compositeurs de musique minimaliste comme Eliane Radigue, Steve Reich, Tony Conrad, Alvin Lucier et Philip Glass, dont il considère le travail comme étant « très sculptural et visuel » , et pour qui les systèmes et le processus sont des éléments importants dans la composition. Il a entrepris un processus de création d’images qui lui permet d’explorer « le temps , la lumière comme matière, l’espace et le hasard ».
(...) S’intéressant aux mathématiques et à la géométrie, en particulier aux notions de symétrie, Luoma a commencé à élaborer des œuvres qu’il pouvait créer directement sur un négatif, en utilisant des expositions multiples pour capter l’empreinte des lignes de lumière . « Tout commence par le dessin », explique-t-il . « La photographie traite de mathématiques et de nombres, de temps et de distance. Elle est aussi régulée par différentes règles spatiales comme : 4 x 5, 8 x 10, 35 mm ... formes et géométrie. Je crée simplement des équations en utilisant ces règles agrémentées de différentes idées de systèmes, mais aussi le hasard, la vitesse d’obturation et l’ouverture de diaphragme. De la pure expérimentation ».
Modulant la lumière en studio avec des matériaux tels que le papier, le verre, le métal ou le cuir, Luoma crée des lignes de lumière sur un négatif 4 x 5 inches, par des expositions multiples - des milliers, dans certains cas - pour construire une image sur son négatif. Luoma colore la lumière ou utilise des filtres, et expérimente aussi différents types de pellicules, qui affectent l’aspect général de ses images. L’image finale rend visible le processus de création de Luoma, ainsi que l’espace et le passage du temps, nous permettant de comprendre la relation que la photographie entretient entre ces deux notions.
Extrait d’un texte de Conor Risch