Robert Doisneau, Carrefour Saint-Germain, Paris, 1945 © Robert Doisneau-Atelier Doisneau
CAMPREDON – Centre d'art 20 Rue du Docteur Taillet 84800 L'Isle-sur-la-Sorgue France
La ville de l’Isle-sur-la-Sorgue présente une double exposition du photographe Robert Doisneau qui « toute sa vie s’est amusé, s’est fabriqué son petit théâtre », en mêlant intimement poésie et réalisme. Aux côtés des photographies noir et blanc prises à Paris et autour de la petite ceinture, l’exposition réunit des clichés en couleur moins connus, réalisés à Palm Springs en 1960.
Avec « Robert Doisneau : Du métier à l’œuvre / Palm Springs, 1960 », CAMPREDON Centre d’art propose un autre regard sur l’œuvre d’une des grandes figures de la photographie française. Effet de contraste garanti !
« C’est toujours à l’imparfait de l’objectif que tu conjugues le verbe photographier » Jacques Prévert, 1957 ***
Robert Doisneau, « du métier à l’œuvre »
La série intitulée « Du métier à l’œuvre » propose une centaine d’épreuves originales noir et blanc réalisées entre 1930 et 1966. En 2010, la Fondation Henri Cartier Bresson les exposait pour la première fois sous le commissariat d’Agnès Sire ; « longtemps Robert Doisneau a été perçu comme le chantre du pittoresque parisien. Illustrateur de génie, il a su comme personne saisir l’image agréable, l’anecdote inattendue: on a reconnu en lui le professionnalisme et la poésie simple de l’instantané. Mais l’œuvre de Robert Doisneau est infiniment plus complexe », explique-t-elle.
A partir du 26 octobre 2013, CAMPREDON Centre d’art nous fait (re)découvrir des clichés légendaires pris aux Halles de Paris, au Pavillon de la viande en 1955, ou ceux du Bal du 14 juillet de la Bastille ainsi qu'une sélection de portraits d'enfants et de personnalités emblématiques, que le photographe a rencontrés, au gré de ses pérégrinations, dans les rues de Paris et de sa banlieue.
Cette première partie de l’exposition souligne comment Robert Doisneau est passé, comme le dit le critique d’art Jean-François Chevrier « du métier à l'œuvre », en inscrivant sur la pellicule un monde dont il voulait révéler l'existence.
un témoignage empreint de tendresse sur un
monde plus sombre.
Les instantanés du « photographe du dimanche », selon sa propre expression, laissent place à un témoignage empreint de tendresse sur un monde plus sombre.
Comme tous les familiers de la rue, Doisneau a su fixer cette gravité rayonnante qui isole un être humain de la foule, ces moments de grâce qui rassemblent des passants dans « l'illusion d'un instant » comme dans une géométrie de rêve" explique Jean-François Chevrier.
Robert Doisneau, La voiture fondue, 1944 © Robert Doisneau-Atelier Doisneau
« Palm Springs, 1960 » ; au soleil de la côte ouest
En 1960, le magazine Fortune envoie Robert Doisneau aux Etats-Unis. Destination : Palm Springs, refuge des riches retraités américains, pour un reportage sur la vie sociale et l’émergence des golfs en plein cœur du désert du Colorado.
« Pourquoi m’a-t-on expédié à Palm Springs, Californie ? Pour faire des photos de golf. Je sais tout juste qu’il faut envoyer très loin, sur un gazon vert, une petite balle blanche dans un trou à peine assez grand pour la recevoir. On vient ici de très loin, même les palmiers sont venus du Mexique par la route, et les graines de gazon, qui avaient tendance à s’envoler au vent de la nuit, ont été fixées au sol grâce à une pluie de colle tombée des hélicoptères » révèle le photographe français à peine débarqué dans ce paysage artificiel.
Mais Robert Doisneau s’intéresse rapidement à cette oasis peuplée de milliardaires. Il nous montre des files de Cadillac alignées dans les rues, devant l’exubérance de ces dames aux bigoudis ou couvertes de fourrures en plein désert, et parvient à saisir, au fil de ses photographies, l’atmosphère démesurée de ce coin de paradis.
A cette occasion, il utilise pour la première fois la photographie couleur dans une nouvelle perspective esthétique dresse ainsi le portrait amusé d’un univers surfait, vitrine de l’American way of luxury life des années 1960.
« Alors, dans ce désert, devant cette étrange et fascinante pluie d'images venue du temps de nos pères, on est parfois en droit de se demander si cette ville-là, ce fantasme racial, cette composition ethnique et clinique a, au fond, jamais existé ? Doisneau a-t-il photographié un mirage ? » questionne Jean- Paul Dubois dans la préface du livre « Palm Springs, 1960 de Robert Doisneau » (édition Flammarion, 2010).
En présentant une trentaine de tirages de la série « Palm Springs, 1960 », réalisés sous diasec ou contrecollés sur dibon à la manière de la photographie la plus contemporaine, CAMPREDON Centre d’Art souligne le talent, la curiosité et la démarche d’exploration du photographe.
L’exposition est complétée par des documents d’époque, des épreuves vintage et un tirage moderne du « Baiser de l’hôtel de Ville », devenu l’image iconique de ce photographe français connu internationalement.
Robert Doisneau, Voiture Blanche et pinceau, 1960 © Robert Doisneau-Atelier Doisneau
Robert Doisneau en quelques mots
Né en 1912 à Gentilly, Robert Doisneau grandit dans un monde petit bourgeois qui ne lui correspond pas. Il apprend à 15 ans le métier de graveur lithographe à l'école Estienne et entre dans la vie active en dessinant des étiquettes pharmaceutiques. C'est chez André Vigneau, dont il devient le jeune opérateur en 1931, qu'il découvre le monde de la création artistique qui l'animera désormais. Quatre années au service publicité des usines Renault soldées par un licenciement, lui permettent d'accéder au statut de photographe indépendant.
Dans les années d'après-guerre, il accumule les images qui feront son succès, circulant obstinément « là où il n'y a rien à voir », privilégiant les moments furtifs, les bonheurs minuscules éclairés par les rayons du soleil sur le bitume des villes, il fut l’un des pionniers de la photographie humaniste en France.
Photos et vignette © Robert Doisneau-Atelier Doisneau