© Gilbert Garcin
Galerie Hélène Detaille Galerie He?le?ne Detaille. 5-7, rue Marius Jauffret 13008 Marseille France
Maître de l’insolite, de l’incertain, de l’absurde, Gilbert Garcin est à la fois le metteur en scène et l’acteur de séquences qui construisent un univers surréaliste absolument singulier. Le travail du photographe joue avec l’illusion, l’humour et la question philosophique.
Né à La Ciotat en 1929, il a fréquenté dès l’enfance l’Eden Cinéma des Frères Lumière dont son grand-père était le gérant. Peut-être faut-il y voir l’origine de sa passion pour l’image, qui s’exprimera dans une seconde vie, celle de photographe, commencée à l’âge de la retraite, il y a plus de vingt ans. Dans l’entre-deux, pendant plusieurs décennies, Gilbert Garcin aura vendu des luminaires.
Son œuvre a été exposée dans de nombreux pays, notamment en Europe et en Amérique. Une rétrospective est organisée par les Rencontres d’Arles 2013.
« Quand j’ai décidé d’être une image, j’avais complètement oublié que je serais accroché au mur. »
« Mon image voyage. Mon image s’amuse. Elle est partout. Même là où je ne serai jamais. Et moi, je broie du noir et du blanc. »
(Aphorismes extraits du journal intime de Gilbert Garcin, cités par Yves Gerbal dans L’homme qui est une image, Ed. Autres Temps / Fondation Regards de Provence)
© Gilbert Garcin
© Gilbert Garcin
Tout commence par des gesticulations et des attitudes théâtrales sur la terrasse de son appartement, studio improvisé où Gilbert Garcin se photographie, seul d’abord, avant d’associer sa femme aux saynètes. Leurs silhouettes, photographiées dans des pauses étudiées, sont ensuite découpées puis intégrées à des décors de sable ou de papiers collés – bricolage de petites mises en scène artisanales alliant des éléments miniaturisés. C’est par l’assemblage ou la juxtaposition d’images et d’accessoires dont l’échelle est tronquée à la prise de vue, que l’artisan métamorphose le monde en créant des tableaux chargés de poésie, d’humour ou de lucidité implacable. Comme souvent chez Magritte – auquel il fait penser -, le titre est une composante de l’œuvre.
Monsieur Garcin endosse volontiers, d’une image à l’autre, le pardessus de Monsieur Hulot, et à l’instar du peintre belge, il ne cesse de s’interroger sur la condition humaine, ce qui l’entraîne sur des chemins forcément hasardeux.
Dans Le choix décisif, l’homme au manteau, tenant sa valise à la main, arrive au bout d’une route qui se sépare en deux rubans – l’un s’élève dans une ample courbe, l’autre amorce une chute vertigineuse. A chacun de donner une issue à la proposition.
L’union montre un couple mains enlacées ; l’homme et la femme sont en déséquilibre au bord d’un gouffre. L’un soutient l’autre comme il peut, pourtant les pieds de chacun menacent de glisser dans le vide.
L’ambitieux saute sur des pieux de plus en plus espacés, sous l’œil impavide de sa femme restée prudemment sur le ponton d’accostage. Jusqu’où l’écart lui permettra-t-il d’arriver ?
© Gilbert Garcin
Un existentialisme photographique
« Dans son appartement du Prado, à Marseille, l’homme tourne autour de son idée, la capture, la tient, lâche les fausses bonnes pistes, cherche les doubles sens, les différents degrés, en dessine les déclinaisons visuelles, en affine les croquis, réfléchit à leur mise en espace, à leur faisabilité, se régale à l’avance d’une économie de moyens qui donne la clef de l’œuvre.
‘Je pars toujours d’une correspondance entre la réalité et une abstraction. Tout fait l’affaire : les nuages dans le ciel, une expression dans un livre, un mythe, une scène sur le Vieux-Port... Après, c’est l’humeur qui décide. Ça coule naturellement, comme l’écriture automatique.’
L’exploit, avec cet humble bricolage, c’est de faire ouvrir les yeux sur le monde, de favoriser une réflexion sur l’humain. Les iconographes ne s’y trompent pas qui s’emparent de ses images pour illustrer des articles du « Monde diplomatique » ou des chapitres de manuels philosophiques sur Kant ou Schopenhauer. Ce qui plaît, chez Garcin, c’est cette métaphore qui se déploie dans un champ narratif, plus philosophique que romanesque. »
Extrait du texte de Magali Jauffret, Tout peut arriver, photographies de Gilbert Garcin, Editions Filigranes.
Gilbert Garcin vit et travaille à Marseille. L’exposition présente des photographies réalisées entre 1993 et 2012. Les tirages barytés sont réalisés sous son contrôle par Bernard Caramante.
Photos et vignette © Gilbert Garcin