© Mark Cohen, Bubblegum, Wilkes-Barre, 1975
Mark Cohen est né en 1943 à Wilkes-Barre, petite ville minière de Pennsylvanie. Au début des années 70, tout en s’inscrivant dans la droite ligne de la «Street photography», il invente une écriture singulière marquée par un agencement fulgurant des lignes et, au même moment, une saisie instinctive de la qualité organique, sculpturale des formes. Dans son atelier, se font face deux photo- graphies: l’une d’Henri Cartier-Bresson et l’autre d’Aaron Siskind. On retrouve la géométrie élégante de l’un et la plénitude aride de l’autre dans l’oeuvre de Mark Cohen, exposée par John Szarkowski au MoMA dès 1973.
Arpentant inlassablement depuis 40 ans les rues de sa ville natale et de ses environs, Mark Cohen capture, ou plutôt prélève, des fragments de gestes, postures ou corps. Dans ses images, de nombreux torses sans visage, des enfants souriants, complices mais aussi effroyablement vulnérables, des jambes aux lignes furtives, des manteaux comme des armures. En coupant et sculptant ainsi dans l’épaisseur du monde, la photographie de Mark Cohen impose par touches successives une vision kafkaïenne, impitoyable et poétique, d’un territoire avec lequel il fait corps. Une vision de l’intérieur.
© Mark Cohen, Woman with red lips smoking, 1975 / Courtesy ROSEGALLERY
Cet ensemble remarquable, construit le plus souvent sans viser - l’appareil photo tenu à bout de bras - repose sur des impulsions de quelques fractions de seconde. Parfois éblouies par la lumière artificielle d’un flash, ces visions distillent une inquiétante étran- geté. Les corps semblent mal à l’aise, menacés, perdus, trop hilares ou réduits à leur dimension érotique. Le déclin de la petite ville minière est bien là, dans les arrières-cours, aux arrêts de bus, sous les porches mais la quête de Mark Cohen est dénuée d’intention documentaire. Répétitif jusqu’à l’obsession, il ne sait ni ce qu’il cherche ni pourquoi il est venu, mu par la beauté d’une rencontre fortuite, par les tourments ou délices qu’il devine dans la substance de l’autre. Il y a dans la brutalité de son oeil, une âpreté, une équivoque et une grâce qui font de l’acte de photographier l’expression d’une révélation.
Diane Dufour
© Mark Cohen, Bare thin arms against aluminum siding, 1981
Biographie de Mark Cohen
Mark Cohen est né en 1943 à Wilkes-Barre, Pennsylvanie. En 1969, il participe à l’exposition collective Vision and Expression, présentée à l’International Museum of Photography de Rochester. En 1971, il obtient une bourse du Guggenheim pour poursuivre son travail sur Wilkes-Barre et ses alentours. En résulte Grim Street exposé au Musée d’Art Moderne de New York en 1973. En 1975, William Jenkins lui donne carte blanche pour produire une série de photographies couleur, True Color, exposée à la George Eastman House l’année suivante. En 1975 également, il reçoit une bourse nationale pour les Arts et la photographie et en 1976, pour la seconde fois, la bourse du Guggenheim.
Son travail sera présenté dans de nombreuses institutions telles que la Light Gallery, Castelli Graphics, le Whitney Museum of American Art de New York, la Corcoran Gallery of Art à Washington, l’Art Institute of Chicago et tout récemment le Philadelphia Museum of Art. Trois monographies ont été consacrées à son travail : Grim Street (powerHouse Books, 2005), True Color (powerHouse books, 2007), et Italian Riviera (Punctum Press, 2008).
© Mark Cohen, Torn shirt, Wilkes-Barre, 2012
Photos et vignette © Mark Cohen