© Dasha Yastrebova, “Diva”, 2013
Pour sa 37eme exposition, la galerie RTR est heureuse de présenter « Am I Beautiful ?», une exposition collective réunissant 30 œuvres de jeunes photographes Russes, pour la plupart inédites, sur le thème de notre rapport à la Beauté.
L'exposition « Am I Beautiful ? » présente sept regards d'artistes contemporains sur leur manière de concevoir la beauté, au temps de Facebook, de Photoshop, du Botox, des films pornos, et de l'inflation des images artificielles dans notre vie quotidienne.
Fidèle à la tradition de la galerie, « Am I Beautiful ? » regroupe des œuvres d'artistes confirmés sur la scène internationale, comme Margo Ovcharenko ou Oleg Dou, qu'elle a découvert et défendu depuis ses débuts, aux côtés de jeunes artistes à la carrière naissante dont certains, comme Maria Yastrebova, exposeront leurs œuvres en Europe pour la première fois.
Pourquoi la Beauté ?
La notion de la beauté, abstraite en soi, est devenue aujourd’hui une monnaie, une devise, un rêve accessible et réalisable. En entrant la question « Am I Beautiful ? » dans un moteur de recherche, on se retrouve en face de tests un peu primaires (Etes vous grande ? Mince ? Souriante?), mais non dépourvus de sens car de nos jours la beauté est mesurée, pesée, jugée, valorisée selon des normes établies par les canons du marketing et popularisées à l'échelle de la planète par les directeurs artistiques des campagnes publicitaires.
Si certaines périodes de notre histoire ont portés l’intellect, le savoir, la science, l’intelligence à égalité avec notre amour du beau, notre époque semble avoir cédé le sens à l'apparence en privilégiant une consommation ininterrompue d'images qui défilent aussi rapidement qu'elles sont oubliées. La galerie RTR s’est intéressée à la manière dont les artistes qu’elle défend regardent ce monde à la beauté aussi monnayable qu’interchangeable.
Les jeunes artistes de « Am I beautiful ? » font partie de cette nouvelle génération qui réutilise et réinventent dans leurs créations les codes de langage visuels contemporains. Qu’ils les poussent à leurs extrémités comme Oleg Dou, à leurs origines comme Maria Yastrebova, ou à leur essence esthétique comme Whitesnow, tous, sans s’en rendre compte, remettent l’être humain dans toutes ses différences au centre de leur travail.
Par leur individualité, chacun d’entre eux propose sa propre réponse à ce syndrome de la consommation rapide, frénétique, maladive. Am I Beautiful est ainsi l’occasion de se plonger dans notre rapport au miroir et de découvrir ces artistes russes que défend la galerie RTR depuis 7 ans.
© Dasha Yastrebova, «Madonna», 2013
© Margo Ovcharenko, « Sans titre », de la série « Hermitage», 2011
Margo Ovcharenko travaille sur le mal-être des jeunes. Elle arrive à extérioriser leurs doutes, souffrances, leur questionnement permanent sur eux-mêmes et leur image. Margo « photographie les gens habillés comme s’ils étaient vulnérablement déshabillés, et les gens nus comme protégés et couverts par une sorte de protection personnelle ».
Les recherches artistiques de Sonia & Mark Whitesnow, autodidactes, sont nées comme une forme de résistance, d'échappatoire, tant à leur ville provinciale qu'à un quotidien morne, étouffant et sans futur. Ils mettent en scène des filles reveuses, aux genoux brûlés par le soleil, des gymnastes de salles de sports venus d’ailleurs dans une atmosphère qui se situe entre le rêve éthéré et la réalité, directe des corps. Oleg DOU, muni du scalpel Photoshop, impitoyable, va beaucoup plus loin. Les personnages de « Eyes » et « Hair », sont comme entre deux opérations chirurgicales, et distillent une souffrance muette. La toute nouvelle photographie « Victoria » ressemble elle à une Orphelie moderne, noyée dans le sublime de sa pâleur. Dasha Yastrebova nous livre elle, non sans ironie, une série de portraits – d'images médiatisées de femmes « idéales », devenues culte et modèles à suivre : « Madonne », « Diva » , « Rock Star », « Pin-up », « Lolita ». Les femmes actuelles, nourries par les messages insistants de la presse, adoptent leurs poses et attitudes, leur comportement, en y sacrifiant ainsi leur propre style et leur individualité. Ces masques, qu’on nous propose à porter très tôt, facilitent la tâche de faire ses propres choix et d’y être responsable.
© Maria Yastrevova, « Sans titre », de la série « Mordysh », 2011
© Oleg DOU, « Victoria », 2013
Le récit de Tina Chevalier « Christina », présenté sous forme d’un projet multimédia, est à couper le souffle : l’histoire d’une jeune femme de l’ancienne ville d’Uglitch qui rêve de se marier avec le Prince Harry. Christine a perdu sa mère, elle vit, sans abri, dans un garage sans électricité ni chauffage. Elle crée tous ses vêtements et accessoires excentriques ellemême et, de cela traîne une réputation de paria. Beaucoup de tendresse et d'admiration devant la force mentale et physique de cette femme nous poursuivent après avoir vu la vidéo. Cette résistance active que Christina a choisit pour rester une femme soignée et digne, avec son propre style vestimentaire, l’entraîne vers l’exclusion du système russe qui, cruel, condamne et ridiculise la force des gens comme Christina.
La plus jeunes des 7 artistes, Maria Yastrebova n’a que 19 ans. Maria a fait sa série « Mordysh » (qui n'est pas sans rappeler les anciennes cartes postales) durant l’été 2011 qu’elle a passée avec des enfants de la campagne. A partir de rien, sans outil moderne, elle a décidée de jouer avec eux, de les faire voyager vers un monde d’un conte rêvé, où même la plus pauvre des paysannes peut devenir une princesse. Ces enfants, comme tous les enfants du monde, se sont approprié le jeu. Ils ont fait leurs costumes, construit leur personnage, développé des histoires.
© Sonia & Mark Whitesnow « Olya », de la série « Burnt by The Sun », 2012
© Tina Chevalier
Maria Yastrebova est en quête constante de beauté. Elle est une de rares jeunes photographes qui arrive à magnifier la réalité avec des moyens très simples : un appareil ordinaire, une pellicule périmée et une très grande compréhension de comment lier la composition à l'émotion et au sens.
Malgré son jeune âge, Maria Yastrebova croit fermement qu'il faut redonner un peu de poésie et d'espoir pour le monde connaisse un "better ending".
« Je veux que mes photos soient belles, que les gens dessus soient beaux ». Un programme à contre-courant, qui exigera d'elle une constante force de caractère. En regardant ses images, elle nous convainc jusqu’au présent.