© Géraldine Lay
Centre du Patrimoine de Montauban Ancien collège - 2 rue du Collège 82000 Montauban France
« Géraldine Lay, investit le centre historique de Montauban, dense, bouillonnant de vie. Inlassablement, elle pousse les portes des nombreux hôtels particuliers qui émaillent l’ancienne cité protestante, à la rencontre de ses habitants, des traces de leur présence.
Comment habiter les lieux ? Comment habiter ces lieux, pourrait-on même préciser. Comment vit-on au jour le jour dans des murs chargés d’histoire, qui depuis le 17e et le 18e siècle ont vu tant de visages et résonné de tant de voix, quand ils n’ont pas été le théâtre d’événements dramatiques comme ces tristes jours de juillet 1681 : sur ordre du gouverneur de la ville, les régiments de Dragons s’installent de force chez les familles protestantes, qui n’ont d’autre choix que d’abjurer leur foi ou de quitter la ville. Les plus malheureux d’entre eux seront déportés aux galères pour les hommes, enfermés au grenier du couvent des Clarisses pour les femmes.
© Géraldine Lay
Géraldine Lay a choisi de prendre le temps, de procéder par petites touches, superposant les feuilles pour mieux faire apparaitre les choses, jusqu’à constituer une radiographie impressionniste de ces lieux qui sont l’une des richesses patrimoniales de la ville. Elle aura visité une vingtaine d’hôtels particuliers, rencontré à plusieurs reprises leurs habitants, certaines des entrevues auront duré des heures. Chacune d’entre elle se révèle une double histoire : celle qui lie une famille aux murs qui l’abritent bien sûr, mais aussi celle d’une rencontre entre la photographe et ses modèles, qu’ils soient de brique ou de chair. Certains n’ont pas voulu apparaitre dans les photos, d’autres se sont finalement laissés (doucement) convaincre, à mesure que la confiance s’instaurait. Au final, ils sont peu nombreux à avoir décliné l’invitation et la plupart ont ouvert leurs portes avec une générosité qui confère à ce projet des accents d’aventure humaine.
Loin de toute intention d’illustration patrimoniale, Géraldine Lay entend révéler la manière dont les lieux sont habités. L’architecture s’efface donc au profit des personnes, des objets dont le choix et l’agencement témoignent de ceux qui les ont déposés là : un linteau de cheminée recouvert d’oiseaux de bois, une veste couvrant le dossier d’une chaise, une lampe devant des tableaux de famille, voilà quelques-uns des habitants inanimés qui peuplent les photos, parfois rejoints par le maitre des lieux. Le choix d’un cadrage serré et très précis, la douce lumière indirecte, le goût des mises en abîme et des diagonales participent à instaurer une forte proximité avec les sujets, enveloppés d’une belle délicatesse. Un monde miniature se dévoile ainsi au spectateur, qui n’est pas sans évoquer les peintures flamandes du 15e siècle.
© Géraldine Lay
Ces lieux semblent être le théâtre d’événements qui viennent de se produire ou sont sur le point de surgir ; l’air frémit dans l’instant-charnière du « juste-avant » ou du « juste-après ». Une femme qui regarde par la fenêtre, une autre assise au bord du lit, le temps semble suspendu, comme ces horloges mises sous cloche, ce lavabo recouvert de cartons et de poussière dans lequel l’eau ne coule plus ou ce ventilateur dont les palmes sont à l’arrêt. Les photographies de Géraldine Lay entremêlent des histoires qui ne demandent qu’à gagner l’imaginaire du spectateur. Les portes entrouvertes, les reflets dans les miroirs, les regards portés hors-cadre, les tableaux et les photographies qui ornent les murs sont autant de chemins que chacun se plaira à emprunter à sa guise, une ouverture vers l’ailleurs, une invitation au voyage, qui pourrait n’être qu’intérieur… » Antoine Reipert, directeur du centre du patrimoine de Montauban