Braamfontein, South Africa, 1997 © Graeme Williams / Galerie VU'
Nous sommes à londres, en 1988... Concert de soutien à Nelson mandela au Wembley Stadium : des rumeurs circulent... On murmure que la libération du leader politique est pour bientôt... Graeme Williams, jeune photographe sud africain, géologue de formation exilé en europe, décide de rentrer au pays pour témoigner des changements qui bouleversent l’Afrique du Sud. C’est ainsi que débute sa carrière de photojournaliste, au cœur de la tourmente et de la violence.
Au début, les gens ne voulaient vraiment pas savoir, les médias ne voulaient pas de ces images dures de cadavres. Puis, il y a eu cinquante morts par jour. et la demande a explosé.
L’avènement de la démocratie en 1994 sera pour Graeme Williams, boule- versé par ces cinq années de violence, à la fois un soulagement et le début d’une remise en question : D’un point de vue strictement photographique, c’était un soulagement de pouvoir supprimer enfin cette ombre accablante qui occultait jusqu’alors ma vision du monde. Je n’avais plus la même obligation morale en terme d’objectif. D’un autre côté, cela m’a laissé avec le sentiment de revenir à la case départ dans la recherche de mes motivations et de mon identité photographique.
Dès lors, libéré de la pression de l’Apartheid, et fasciné par les évolutions que vit son pays, Graeme Williams délaisse la couverture de l’actualité et déve- loppe une œuvre guidée par une obsession : capturer le changement.
L’exposition Frames of Change que propose la Galerie VU’ qui accueille l’artiste pour la première fois, dans le cadre de sa programmation spéciale Afrique du Sud, met en exergue la prégnance de cette obsession. en cinq séries majeures, Graeme Williams nous parle mutations sociales (The Inner City, The Edge of Town et In da City) et structurelles (Marking Time et Painting over the present).
Phutanang township, Kimberley, South Africa, 2011 © Graeme Williams / Galerie VU'
Avec The Inner City (1989-1998), c’est une photographie profondément humaine et teintée d’humour que l’on découvre. encore hanté par les évènements sanglants dont il a été le témoin, le photographe erre dans le centre-ville de Johannesburg et prend le pouls de la population. la transition se fait en douceur : de l’Apartheid à la démocratie, du photojournalisme à la street Photography. les images de Graeme Williams sont celles d’un peuple convalescent mais facétieux, pour lequel l’optimisme est enfin permis.
Dix ans après l’élection du premier président noir d’Afrique du Sud, Graeme Williams initie un projet d’envergure qu’il intitule The Edge of Town (2004- 2007) et qui marque son passage à la couleur. Si son regard se pose à nouveau sur les Sud-Africains, c’est ici la vie dans les townships, à la marge de la société, qui le préoccupe. Durant trois années, il se rend dans plus de 100 villes et villages et y glane des fragments de vie qu’il juxtapose pour constituer une série aux couleurs vibrantes et aux allures de mosaïque. l’approche est frontale, au plus près des modèles, du bruissement de la ville, d’une réalité sociale difficile.
Presque vingt ans après The Inner City, Graeme Williams retourne dans le centre ville de Johannesburg où l’ambiance a résolument changé : les Blancs ont quitté le centre-ville, désormais “occupé” par une population immigrante venue du Nigéria, du Ghana, de Somalie... devenu une zone à risque où pour photographier sans être inquiété, il doit engager un garde du corps. Avec In da City (2012), Graeme Williams nous entraîne dans un tourbillon d’images étourdissantes, souvent floues et sans profondeur de champ. le malaise de l’homme, étranger dans sa propre ville, est palpable. le constat établi par le photographe est sans appel : Johannesburg est une ville unique. elle est un assemblage de communautés séparées qui n’ont pas les mêmes richesses, la même éducation, race et culture. cette ville est le reflet des oppositions sociales qui régissent le pays et qui viennent réfuter le rêve de la nation arc-en-ciel. Par exemple, la plupart des résidents des faubourgs de Johannesburg ne se sont pas aventurés au centre-ville depuis le milieu des années 90 et vice versa.
Near Queenstown, South Africa, 2010 © Graeme Williams / Galerie VU'
Le passage de l’Apartheid à la démocratie a également eu un impact sur le paysage sud-africain. C’est ce que nous montre Graeme Williams avec deux séries : Marking Time et Painting over the present.
Pour Marking Time (2008–2013), comme le ferait un archéologue, le photographe part en quête de vestiges d’une époque révolue. Absurdes constructions sans âge régnant sur un univers silencieux qui mêle structures graphiques et constructions récentes, richesse et du dénuement : métaphore d’une nation en pleine évolution.
Painting over the present (2008–2013) aborde un autre aspect du paysage sud-africain : l'extrême pauvreté des villages où la population rurale vit dans la précarité et attend désespérément une réforme agraire qui tarde à s’appliquer : sauf rares exceptions, les Noirs n’ont pas pu récupérer les terres dont ils avaient été spoliés.
Faites de tôles, branlantes et vétustes, les petites maisons se parent pourtant de couleurs pimpantes. De la couleur comme cache-misère, mais surtout comme symbole de l’espoir d’un peuple désormais maître de son destin et qui croit toujours en l’avenir.
Photos et vignette © Graeme Williams / Galerie VU'