© Oumar Ly / Marie-Louise & Fils
Comptoir Général 80 quai de Jemmapes F-75010 Paris France
Le Comptoir Général est un musée dédié à l’art du ghetto : c’est ainsi qu’il a choisi de désigner les cultures marginalisées, méconnues, exotiques et dépourvues de moyens pour se faire connaître. Elles fleurissent aux quatre coins de notre planète, et tout particulièrement sur le continent africain.
Avec l’exposition Oumar Ly, Portraits de brousse, le musée inaugure son nouveau département, le Studio Photo, entièrement dédié à la promotion de la photographie de studio en Afrique.
Le photographe sénégalais découvert par l’association Marie-Louise & Fils a été exposé aux Rencontres de Bamako (2009), au Musée africain à Lyon (2010), au festival de Brighton (GB), (2011) et par la galerie des Filles du calvaire à Paris-Photo (2011) . Et cette même année pour la première fois, chez lui, au Sénégal. Aujourd’hui, invité à exposer ses images au Comptoir Général, Oumar Ly reproduira aussi le geste traditionnel de la prise de vue photographique en tirant le portrait des visiteurs au "studioThioffy", une reconstitution de son propre studio de Podor, la ville où il vit, au nord du Sénégal.
Ainsi dans cet aller-retour, entre Oumar Ly et le public français, le Comptoir Général rend hommage à cette culture du portrait studio : exotique, fantasmatique, joyeuse, colorée, avec ses défilés de familles en grandes tenues, ses décors en trompe-l’œil et toute sa panoplie d’accessoires. Il s’agit aussi de célébrer la défunte photo argentique, son grain, ses matières, ses gestes, sa lenteur, sa chimie, et sa technique.
© Oumar Ly / Marie-Louise & Fils
L’histoire d’Oumar Ly et du Studio Thioffy à Podor, Sénégal
Dans la rue centrale, face au marché et jouxtant l’échoppe du vétérinaire, l’enseigne Kodak signale le studio d’Oumar Ly. Deux larges battants de porte, tenus de chaque côté par une pierre, laissent entrevoir à l’intérieur du studio un banc et une vitrine grillagée où sont épinglées des photos anciennes en noir et blanc. Oumar Ly, photographe et maître des lieux, se tient là le matin et prépare le thé pour ses amis d’enfance aujourd’hui retraités. Ensemble, ils plaisantent et palabrent, avant que l’heure du déjeuner ne les sépare. Monsieur Ly ferme alors la boutique pour retourner vers le quartier Thioffy, où se trouve sa maison.
À sa naissance, en 1943, la concession - une grande cour entourée de maisons basses - était encore une école coranique que dirigeait son père, marabout. Elle cessa de l’être quand, au milieu des années 1940, ce dernier devint, grâce à sa maîtrise de la langue française et de l’arabe, employé de la maison de commerce Guillaume Foy. Le jeune Ly n’apprit jamais à lire ni à écrire. Il fut, comme le voulait la tradition, confié à un marabout pour parfaire son éducation religieuse. L’année de ses 14 ans, son frère aîné vint le chercher pour qu’il cultive le lopin de terre familial. Un dimanche, au fort de Podor, Oumar Ly, venu livrer des légumes, raconte avoir été fasciné par un homme qui tenait un appareil photo. Il le regarde faire. L’homme le photographie.
Et, lorsque le jeune Ly revient quelques jours plus tard au fort récupérer son portrait, c’est un véritable choc. Dès lors il rêve d’acquérir un appareil. C’est sur le quai, à la boutique Morel et Prom, voisine de celle que tient son père, qu’il trouve un Kodak Brownie flash, pour 1 500 francs CFA. Demba Assane Sy, bourgeois amateur de photographie, initiera le jeune Oumar à la prise de vue et au travail de laboratoire. En 1963, Oumar Ly ouvre le premier studio photo de la ville. La photo est à la mode, on se presse au Thioffy studio.
Et c’est avec son Rolleiflex dans une petite valise, que le photographe part sillonner les villages pour la campagne de recensement. Avec une économie de moyens Oumar Ly réalise des portraits d’une élégance singulière... Des images justes, simplement justes et libres.
De villages en villages, ce sont : une natte de paille tressée, un homme les bras tendus déployant son large boubou, ou encore le blanc de la portière de la 2CV du photographe... qui composent les mises en scène bricolées par Oumar Ly lors de ses déplacements dans les villages. Il commence par faire de simples clichés d’identité. Puis, les villageois de cette région du nord Sénégal, qui découvrent en ce début des années 60 la photographie, l’invite à venir réaliser les portraits de famille.
La "natte" permet, ainsi, d’isoler ce qui paraît ingérable dans le cadre : l’extérieur insignifiant et superflu. Instinctivement, donc, à la manière de certaines représentations de Madone de la Renaissance, le photographe rompt la perspective faisant se tenir le sujet principal devant un fond tendu entre le paysage et l’objectif.
Les modestes accessoires, un tabouret, un seau de plastique ou le grain d’un mur de pisé, finissent d’accomplir le portrait de la famille et du village tout entier. On les imagine, plusieurs derrière le photographe, venu au spectacle de la séance de photographie.
© Oumar Ly / Marie-Louise & Fils
Le Studio Thioffy au Comptoir Général
Les prises de vue se dérouleront le 2, 3, 4 octobre de 15h à 18h. Réservation obligatoire dans la limite des places disponibles : studiothioffy@lecomptoirgeneral.com
Les tirages photos de ces portraits seront en vente au prix de 25 euros.
Photographies et vignette © Oumar Ly / Marie-Louise & Fils