© Gabriel Figueroa Flores
Instituto Cultural de México 119, rue Vieille du Temple 75003 Paris France
« Dans son livre "Le paysage et la mémoire", Simon Schama avance que tous les peuples entretiennent une relation émotionnelle et spirituelle avec le paysage ou le lieu auquel ils sont historiquement liés. Toutefois, cette relation ne s’établit pas autant avec l’environnement immédiat qu’avec l’idée d’un paysage original ou mythique, un lieu offrant un refuge, une confirmation de l’identité nationale ou une fuite de la réalité immédiate.
Actuellement, rares sont les artistes qui considèrent le paysage mexicain comme source d’inspiration. Peut-être est-ce parce que nous n’avons pas encore suffisamment mûri notre réflexion sur l’essence même et la signification de notre environnement. Sans doute la mondialisation nous a-t-elle amenés à considérer le paysage du monde comme notre environnement naturel, au-delà des limites de l’espace national.
C’est le cas des photographies de Gabriel Figueroa qui à la fois nous invitent à réfléchir et à apprécier notre territoire afin qu’il se réapproprie une partie de notre rêve collectif, et nous transporte vers d’autres contrées où sa vision plastique parvient à capter son regard et le nôtre. Dans son voyage spirituel et émotionnel à travers le paysage, Gabriel se sent chez lui dans le jardin global et nous ouvre à l’expérience d’un temps vivant lié à l’eau, à l’air, aux plantes et aux minéraux. Ses photographies donnent au paysage une tension esthétique et dynamique, une distance subtile qui pose la question de ces retrouvailles.
Ces retrouvailles masquent un devoir, celui de reconstruire notre relation avec le paysage dans une atemporalité où la présence de l’homme serait, pourquoi pas, un incident. Il s’agit également d’entrevoir une beauté originelle qui devra être comparée à la vérité. Gabriel ne se laisse pas séduire par la beauté tragique du désastre écologique ou la pureté perdue d’un monde idéalisé. Ses paysages nous invitent à repenser le mythe de la création, un paradis certes, mais imparfait, vivace, ici et maintenant, en constante transformation, avec ou sans la présence de l’être humain dont la vérité est suspendue à la possibilité d’habiter de nouveau, de fouler la terre de ses pieds nus.
Le paysage pour Figueroa n’est pas une construction, une idée, un simulacre, un prétexte pour l’interprétation, un lieu d’harmonie illusoire ou une fiction. C’est peut-être le lieu de l’attente et du questionnement ; son regard est celui d’un nomade. Il ne prétend pas marquer le paysage de son empreinte – les images sont l’empreinte – mais se livre à une espèce de méditation, tel un témoin invitant à observer le silence afin de pouvoir reconnaître en tout lieu le centre du monde, où peut naître le sentiment d’être chez soi. » - Margarita Mansilla
© Gabriel Figueroa Flores
Approche du paysage en tant que genre photographique
« Le paysage reflète à mes yeux la vision d’un monde que je peux m’approprier à travers la métaphore photographique. Le paysage me confronte au mystère, sans doute celui de la création, mais il me confronte aussi à moi-même, car il fait de moi le reflet de cette même création. Regarder le paysage est également une manière de réfléchir sur l’échelle entre l’humain et le reste, l’en dehors, le lointain. Cette confrontation d’échelles m’apparait comme un miroir distant et altéré de ce que l’on croit voir, une fiction qui traduit mon désir et me renvoie à un « autre » paysage, sur papier, qu’il m’appartient de réinterpréter dans mes propres termes de réalité photographique.
Je pense que ce processus se répète invariablement dans l’œuvre de tout photographe de paysage. En ce sens, ce genre photographique a évolué en fonction des manières de voir ou des styles des différents mouvements artistiques. Ce point de vue subjectif s’est affiné conformément à la relation que le moment historique a établie avec la nature. Les premières photographies de paysages révèlent de magnifiques décors naturels où l’homme n’est qu’un petit point sur le plan divin de la création. Il convient ici de citer des photographes comme Alvin Langdon Coburn ou Ansel Adams qui ont insufflé à la grandeur du paysage une sensation d’angoisse existentielle face au mystère de notre présence sur cette terre.
Sans doute est-ce précisément Ansel Adams, l’un de mes maîtres, qui a probablement éveillé en moi le goût du paysage. Il a influencé mon style de manière décisive et suscité l’admiration que je voue aux espaces ouverts. Cette admiration se traduit par un désir ardent de perfection du processus photographique, à tendance plus orthodoxe, où ce même processus s’entend comme quelque chose de « pur ».
© Gabriel Figueroa Flores
Une autre manière d'appréhender la nature a été d’observer la main de l’homme et les transformations qui en ont découlé. Ici le photographe se situe comme le témoin d’un fait dont le processus photographique a pour exigence « l’exactitude ». Au Mexique, cette manière d’apprécier et d’utiliser la photographie a jusqu’ici été somme toute assez banale. Il suffit de consulter le catalogue de progrès de l’ère porfirienne, qui nous a légué quantité de documents graphiques de ponts, d’usines, de gares ferroviaires ou d’avenues arborées.
Il a également été important de voir le paysage comme symbole, dans lequel le photographe utilise les formes de la nature pour exprimer des états d’âme comme la contemplation ou la mélancolie, en lien avec le monde poétique et plus particulièrement lyrique. De nombreux recours tels que les filtres diffuseurs, les vernis et autres processus photographiques, sont utilisés pour exalter la photographie « comme processus artistique ». - Gabriel Figueroa Flores
© Gabriel Figueroa Flores
Vignette et photographies © Gabriel Figueroa Flores