© Arnaud Lesage
Une trace est une suite d’empreintes ou de marques que laisse le passage d’un être ou d’un objet : elle implique un déplacement dans l’espace et le temps. La trace est donc ce qui reste de quelque chose qui a été, ce qui subsiste du passé, d’une chose, d’un évènement qui a existé. Elle est éphémère ou durable. Elle n’a jamais cessé de fasciner les artistes. Elle permet le souvenir, l’évocation. La trace atteste de l’existence de quelque chose, d’une présence passée, comme dans cet émouvant empilement de mikados du plasticien Szajner, symbole des débris radioactifs de Fukushima.
La trace est ce qu’on suit (“suivre à la trace”). Les artistes la guettent sans relâche, car elle est le fondement même de la forme. Arnaud Lesage parcourt le monde à la recherche de ces traces inscrites comme des cicatrices universelles dans la terre, les paysages, les villes. A ces analogies de formes, il répond par l’absurde : le projet de « faire la même image n’importe où dans le monde ». Une obstination pleine de poésie. Dans les sculptures de Gabrielle Conilh de Beyssac, les potentialités de la forme sont révélées par le mouvement des œuvres, l’équation de leur trajectoire, leur tracé.
© Arnaud Lesage
La trace, c’est également un outil indispensable au processus de création. La trace formée par l’artiste qui d’une page blanche et vide va créer une œuvre. Mais également celles involontairement issues de son tracé, son hasard, ses ratures, ses tâtonnements et qui sont des œuvres dans les œuvres. C’est ce que l’on retrouve chez les affichistes comme Arthur Aeschbacher. La trace a besoin de respiration. Elle a besoin de se loger dans le contraste, entre blanc et noir, entre silence et mélodie et laisser une marge assez grande pour l’accident ou le hasard. Elle se glisse dans un ordre qui n’est qu’apparent comme dans les dessins de Romano Zanotti.L’essence même de l’art est de laisser une trace, celle de l’œuvre dans l’histoire de l’art. Membre fondateur du mouvement support/surface, Louis Cane répètent de façon neutre le même motif : il tamponne son nom, comme un geste primitif martelé contre l’oubli. Un somptueux travail sur l’empreinte, sur le presque invisible. Affirmer son statut, sa fonction sociale. Laisser une trace. C’est le salut de l’artiste. Il peut même signer une nappe souillée de café et barbouillée d’une fleur, comme un Jeff Koons mimant l’attitude du grand Picasso.
On garde donc une trace pour ne pas oublier ou ne pas être oublié...
© Arnaud Lesage
Photographies et vignette © Arnaud Lesage