© Jean-pierre Verrue
Galerie Nadar Médiathèque André Malraux, 26 rue Famélart 59200 Tourcoing France
L’Association Hélio est heureuse de présenter les œuvres des trois lauréats de l’édition 2012 de son concours de lecture de portfolios, qui s’est déroulé lors des Rencontres du Livre et de la Photographie à Tourcoing. Trois artistes, trois visions différentes, mais qui s’attachent toutes à interroger notre perception habituelle de l’image, notre compréhension du corps et du monde qui nous entoure.
Première lauréate de l’édition 2012 du concours de portfolio organisé par Hélio, Annabel Aoun Bianco est diplômée de l’Ecole Supérieure d’Art de Bretagne (Rennes). La jeune artiste se consacre à « un travail de recherche sur le rapport critique qu’entretient la représentation des visages et des corps, avec les identités qui les habitent ». Selon la photographe « tout processus de création plastique appliqué à la personne humaine tend vers une forme de séduction générant des «apparences», lesquelles voilent, sinon se substituent à, la réalité intrinsèque des êtres qu’elles représentent ». Annabel Aoun cherche dès lors à « explorer l’apparence de la figure humaine en la soumettant à différentes contraintes, qui déforment ou fragmentent son intégrité, tout en révélant certains aspects troublants de sa représentation ». Les procédures mises en place par l’artiste prolongent le temps de lecture habituellement nécessaire au décodage de l’image, afin de permettre une double découverte progressive : d’abord celle du corps, puis celle du dispositif qui l’enserre ou le déforme. Ainsi, les images ne révèlent pleinement leur sens, leur spécificité, qu’une fois le procédé « d’illusion » clairement identifié. Dans la série présentée lors de cette exposition, « la surface lisse du support photographique se combine à la surface d'un fluide gelé par la vitesse de déclenchement. L’élément liquide agit comme un fond d’exposition, devant lequel serait « posé » le sujet, redoublant ainsi le rendu uni et lustré de la surface photographique. Les sujets sont prisonniers d’une surface qui semble se confondre avec la paroi (du lieu d’exposition) sur laquelle les corps sont présentés. Le liquide opaque devient une matière solide sur laquelle des morceaux de corps semblent avoir été « posés » selon une organisation aléatoire. La gestuelle de la personne, son rendu dynamique, ne sont plus de ce fait que motifs à spéculation. Si l’oeil se satisfait des parties affleurantes, l’ imaginaire ne peut s’empêcher de reconstituer par-delà l’ écran liquide l’intégrité du corps que le fluide a dérobé. Emergés ou immergés dans une profondeur opaque, ces corps, pourtant bien vivants, proposent une autre lecture de notre réalité physique ».
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© Louise Narbo
Née en Algérie, Louise Narbo s’installe à Paris en 1962, après la guerre d’indépendance. Elle termine ses études dans la capitale française, et son chemin artistique s’enrichit d’importantes rencontres comme celles de Bernard Plossu, Mark Power, Machiel Botmann ou Arno Minkinnen…. La photographe est également une avide lectrice, et son expression photographique mêle volontiers à ses images des textes ou parfois quelques mots. L’œuvre devient alors un journal photographique, une fiction autobiographique.
Le travail de Louise Narbo a été largement exposé, tant en France qu’à l’étranger, notamment à Liège lors de la Biennale Internationale de la Photographie, Londres (Salon des Arts, Kensington), Paris (La Terrasse Rambuteau, Galerie Jean-Pierre Lambert, Galerie Claire Corcia), Marseille (Galerie La Traverse), Arles (Revue des Portfolios), ou même au Musée des Beaux Arts de Houston (USA). Les photographies de l’artiste figurent dans les fonds de la Société Française de Photographie et de la Bibliothèque Nationale de France et Louise Narbo est représentée en Belgique par la Galerie Saint-Rémy (Liège). L’artiste a participé à plusieurs lectures de portfolio, remportant notamment le deuxième prix du concours organisé en 2012 par Hélio lors des Rencontres du Livre et de la Photographie. Lors des Rencontres, l’artiste avait présenté son ouvrage Coupe sombre, édité chez Yellow Now et préfacé par Emmanuel d'Autreppe, qui a lui-même exposé dernièrement ses travaux sur les cimaises de l’association. Après l’ouvrage de jeunesse que constituait Coupe Sombre, l’artiste va présenter, lors de cette nouvelle exposition, son tout dernier travail, La vision fantôme, qui sera également exposé à Liège du 1er juin au 6 juillet à la Galerie Saint Rémy.
Louise Narbo décrit ainsi ce travail inédit : « au départ, j’envisageais une série d’autoportraits avec l’idée d’un travail sur le temps et son inéluctable cheminement. Mais, face aux premières épreuves imprimées, des perspectives nouvelles, bien différentes me sont apparues. Une photographie plus ancienne m’est alors revenue en mémoire. Elle représentait mon ombre portée. Cette ombre, ce fantôme, je l’ai réalisé ensuite, correspondait à ce que mon père voyait du monde. À la suite d’un accident dans son enfance, sa vue devint floue et voilée, s’assombrissant irrémédiablement avec l’âge. Sa malvoyance a fondé, je crois, mon désir de devenir photographe et en a induit l’écriture. Une sorte d’image intérieure partielle et partiale, représentation tronquée, percée de trous et de mots. Ce travail fut une révélation, celle du regard de mon père tapi dans l’ombre du mien. Tout dernièrement, j’ai appris que ma découverte fortuite, liée à cette série, pouvait être assimilée à un processus portant un nom savant, la sérendipité ». La sérendipité (serendipity), concept défini par l’écrivain britannique Horace Walpole au XVIIIe siècle est la « découverte de quelque chose par accident et sagacité alors que l'on est à la recherche de quelque chose d'autre ». Très fréquemment utilisé en anglais, le terme évoque donc la capacité à faire une découverte, scientifique notamment, par hasard, un stimulus accidentel déclencheur d’inspiration créative. Nul doute que ce travail saura également éveiller l’émotion et de belles découvertes pour les visiteurs, en écho à leur propre univers personnel.
© Jean-pierre Verrue
Né en 1949 à Hellemmes, Jean-Pierre Verrue a d’abord été photographe professionnel avant de délaisser sa passion première pendant de longues années. La découverte de l’image numérique allait néanmoins lui redonner l’envie de photographier. Comme il l’explique : « La liberté qu'offre le numérique de photographier sans compter a eu un effet imprévu sur moi. En plus des traditionnelles photos de famille et de vacances, j'ai retrouvé le plaisir de produire des images ! Ce fut magique ! Progressivement, tout est revenu ! Tout ces gestes longuement appris à l'école et affûtés en exerçant mon métier sont réapparus : regarder, cadrer, choisir un angle, une focale. Attendre la bonne lumière, imaginer la photo finie, mesurer l'exposition, faire le point, jouer avec la profondeur de champ, sélectionner la bonne image parmi tous les clichés réalisés. Au labo avant, et devant l'écran maintenant, extraire la quintessence d'une photo ... Et puis, l'autre plaisir, celui de manipuler ces objets merveilleux, les appareils photos, les objectifs ; ces concentrés du talent des hommes ».
Les photographies de Jean-Pierre Verrue nous font redécouvrir la nature sous un angle nouveau. Elles mettent en lumière des détails qui passent souvent inaperçus et prennent sous l’œil du photographe une dimension plastique pleine de mystère, parfois à la limite de l’inquiétant. Un univers entre rêve et réalité, une porte ouverte sur des mondes inconnus…