Mathieu Pernot, Implosions, Mantes-la-Jolie, 1er juillet 2001 © Courtesy Galerie Eric Dupont, Paris
Galerie Eric Dupont 138 rue du Temple 75003 Paris France
Mathieu Pernot
La ruine des cités idéales
Ces images de citées idéales recèlent les rêves anciens de la Reconstruction. La brutalité de l'association de ces images aux vues d'implosions en noir et blanc est apparue nécessaire à l'artiste pour traduire l'ampleur du choix politique: la destruction des utopies. Reste les hommes, où se cachent-ils? En grossissant la reproduction des cartes postales jusqu'à entrer dans la trame d'impression, des figures ressurgissent, des hommes en marche, des enfants, des femmes, tous pris en image lorsque l'opérateur dans un plan large cherchait à rendre l'immensité des architectures à peine sorties de terre. Fantômes ressurgis du passé, ces habitants de l'utopie ne nous sont pas indifférents: la plupart nous regardent. Étaient-ils conscients alors de la présence de l'opérateur? Simple hasard d'une composition qui englobe à l'échelle de l'immensité de minuscules existences? Peu importe, en revanche ce qu'en fait Mathieu Pernot est là: le peuple des grands ensembles a un visage, et avant qu'il ne soit celui des réprouvés de l'ordre social, il avait les traits des bambins de Doisneau.
L'archéologie visuelle à laquelle convie Pernot va plus loin, il donne aussi à lire les cartes postales, avec leurs textes nés des contraintes du genre: bref, intime, absurdes aussi (les cartes postales servant à répondre aux jeux-concours), vaguement oulipiens – c'est une littérature déstructurée mais étrangement incarnée.
Michel Poivert
© Nicholas Nixon, Courtesy Galerie Eric Dupont, Paris, Fraenkel Gallery, San Francisco, Pace/MacGill Gallery, New York
Nicholas Nixon
City Views, Boston
Ces photos font écho à la première série que l'artiste avait réalisée au milieu des années 70 quand il est arrivé dans la région de Boston. Ces premières oeuvres faisaient une sorte d' état des lieux de la ville. Une partie d'entre elles fut présentée dans l'exposition phare "New topographics: Photographs of a Man-Altered Landscape" (commissaire: William Jenkins) à la George Eastman House de Rochester à côté de Robert Adams, Berndt et Hilla Becher, Stephen Shore...
Dans ses nouvelles photos, prises dans les années 2000, la composition change radicalement; elles ne sont plus des paysages au sens traditionnel du terme. Les éléments naturels du paysage disparaissent au profit de gros plans sur les constructions à plusieurs niveaux des infrastructures de la ville, rappelant les multiples couches de la croûte terrestre.
Nixon profite du chantier communément appelé Big Dig pour réaliser ces photographies et donner une nouvelle image de Boston. Big Dig était un projet autoroutier souterrain visant à alléger la circulation à Boston. Il a été le projet de construction le plus coûteux aux États-Unis, de par son ampleur, les retards et les vices de construction.
Taysir Batniji, GH0809, 2010 © Courtesy Galerie Eric Dupont, Paris
Taysir Batniji
GH0809
Pour réaliser sa série GH0809 (Gaza Houses 2008-2009), Taysir Batniji, qui n'avait pu franchir le blocus imposé à Gaza depuis juin 2006, a dû confier au journaliste Sami al-Ajrami le soin de photographier, selon des contraintes bien précises, les habitations touchées par les bombardements de l'armée israélienne. (Entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009, l’opération militaire « Plomb durci » avait fait plus de mille trois cent victimes – dont soixante-cinq pour cent étaient des civils – et cinq mille quatre cent cinquante blessés). Les images sont sciemment présentées sous forme d’annonces immobilières ordinaires: chaque cliché est accompagné d'un commentaire anodin soigneusement établi sur place auprès du propriétaire décrivant l’habitation (surface, nombre de pièces, nombre d’habitants possibles, etc). Tout comme il l'a fait pour la série Watchtowers (2008) en empruntant le style légendaire des Becher, Taysir Batniji crée un décalage entre un mode de représentation ultra référencé, bien connu du public, et des sujets propres au reportage de guerre, redonnant ainsi corps à ces images.