© RogerLoubon - Courtesy NegPos
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Depuis son origine, la photographie a entretenu avec le voyage des relations aux dynamiques pour le moins éclectiques. Des grandes missions exploratrices et patrimoniales, telle la fameuse Mission Héliographique lancée en France en 1851, aux expéditions coloniales en Afrique et au Moyen-Orient du XIXe siècle ; des photographes itinérants nord-américains qui circulent en nombre avec leur roulotte sur les chemins caillouteux du Far West aux aventures picaresques de Henry de Monfreid (1879-1974) ; de projets anthropologiques douteux aux fascinations esthétiques questionnables de Leni Riefenstahl (1902-2003), des pérégrinations de plusieurs générations de photographes du XXe siècle, dont la liste des noms serait bien trop longue à énumérer, aux dernières expériences de la culture nomade contemporaine, la photographie et le voyage s’accompagnent pour ainsi dire « naturellement ». Cela étant énoncé, si nous observons dans le détail ces diverses relations, elles illustrent individuellement des desseins bien distincts, reliés parfois, il est vrai, par des éléments communs qui appartiennent à des époques différentes, qui s’accumulent ou se dissocient : découverte et recherche, documentation, reportage, trace du parcours, existentialisme romantique, voyage initiatique, etc.
Des missions aux voyages intérieurs
La Mission héliographique commandée par la commission des Monuments historiques, dirigée par Prosper Mérimée, répond à un souhait de l’État français de recenser et d’expertiser le patrimoine monumental de la France. La mission se donne pour but de conserver les traces parfois menacées et précaires du passé afin de pouvoir entreprendre des travaux de rénovation à partir d’un état des lieux. Cette mission vise exclusivement le bâti sans s’attacher aux hommes. Elle rassemble cinq photographes : Édouard Baldus, Gustave Le Gray, Henri Le Secq, Hyppolite Bayard et Auguste Mestral. Envoyés sur les routes de France du sud au nord, de l’est à l’ouest, ils effectuent des périples individualisés et se croisent peu. D’une autre façon, les studio-mobiles nord-américains participent à l’établissement de la légende de l’Ouest. La base documentaire qu’ils fournissent permet à chacun de suivre l’émergence d’une nation. Ils médiatisent l’acte colonisateur en train de se produire, lui conférant une vérité et des justifications jusqu’alors jamais connues. D’autres missions photographiques liées aux processus coloniaux cachent quant à elles des processus directement politiques. Elles participent à la hiérarchisation des territoires et des corps. Elles marquent encore aujourd’hui l’ordre du monde et les imaginaires des masses. La photographie à caractère anthropologique et sociologique qui envisage l’étude des peuples sous les auspices positivistes du XIXe siècle met en place une domination physique et morale qui sert le propos de l’institution colonisatrice. Elle introduit un paradigme, celui qui associe l’observateur scientifique occidental et son sujet d’étude indigène, dans une relation de dominants à dominés.
© Jean-Jacques Salgon - Courtesy NegPos
Il est aujourd’hui intéressant de constater que cette logique s’est reconduite et transformée, ce sont toujours les photographes des pays à l’origine des colonisations qui se rendent dans les pays anciennement colonisés afin de photographier, décrire les mœurs et coutumes, dans une perspective de découverte et anthropologique banalisée, voire « touristisée ». Au fil du XXe siècle, les photographes voyageurs développent néanmoins une conscience avancée répondant à des principes sociaux ou existentialistes qui font évoluer le périple photographié vers d’autres registres plus humanistes, ou encore, intimistes. Parmi eux, des auteurs comme Robert Frank et, plus tard, Bernard Plossu, font apparaître une nouvelle photographie, où le producteur d’images décrit en premier lieu sa relation personnelle aux territoires et aux gens qu’il y croise. Les Américains de Robert Frank, premier grand récit moderne de voyage photographique, à la fois journal intime et documentaire critique, emprunte la route comme fil conducteur. Il répond directement aux expériences de « dérives » poétiques urbaines et routières vécues par les poètes de la Beat Generation, dont Jack Kerouac qui écrira la préface de l’édition française (Édition Robert Delpire, 1960). Ce récit photographique marque une bascule dans l’histoire de la photographie de voyage car il est le premier à poser aussi directement la question de l’autobiographie. Bien d’autres ont suivi depuis…
Aujourd’hui, si le voyage et la photographie conjuguent volontiers la découverte et le désir de montrer, le tourisme et la rencontre avec l’autre, la médiatisation massive du monde et le reportage amateur, le vacancier se transforme en témoin inattendu de catastrophe climatique et humanitaire, comme cela fut par exemple le cas en décembre 2004 dans l’océan Indien.
CALENDRIER
Jean-Jacques SALGON + Jean-Claude WOILLET
À la recherche du Lointain et du Temps perdu + Vallées afghanes, 1972
Du vendredi 19 avril au jeudi 23 mai 2013, vernissage le vendredi 19 avril à 18h30.
Roger LOUBON
Tunisie 1973, un voyage en famille
Du vendredi 3 mai au samedi 31 mai 2013, vernissage le vendredi 3 mai à 18h30.
Cédric CROUZY + Joseph FROC
De l’autre côté du lac… + Very Good Trip !
Du lundi 27 mai au mercredi 26 juin 2013, vernissage le lundi 27 mai à 18h30.
Maya BRACHER
MISOES, la vie sur le fleuve Sénégal, 1958.
Du vendredi 29 juin au mardi 31 juillet 2012, vernissage le vendredi 29 juin à 18h30.