© Claudine Doury
Forum Meyrin 1 place des Cinq-Continents 1217 Meyrin Suisse
« PASSAGE », Des photographes interrogent la frontière entre l’enfance et l’âge adulte
« Passage », vu par Claudine Doury
L’exposition Passage propose des visions d’artistes qui interrogent la frontière entre l’enfance et l’âge adulte. A cette occasion, Thierry Ruffieux m’a conviée, à la fois en tant que photographe et commissaire d’exposition, à réunir et confronter différents regards sur cet âge intermédiaire qu’est l’adolescence.
« L’adolescence est un royaume d’anges déchus ou sur le point de l’être, mais c’est encore un royaume » écrit James Agee dans le livre A way of seeing à propos des photos d’Helen Levitt. C’est cet encore, ce moment suspendu, carrefour de tous les possibles et de toutes les nostalgies que je tente d’explorer dans mon travail, cette période où l’identité est indéfinie, ni enfant ni adulte, ni homme ni femme, où la réalité et l’imaginaire se confondent encore.
Je présente deux séries : Artek (1994-2003) et Sasha (2007-2010). Artek est un travail réalisé dans une colonie de vacances en Crimée. C’était le plus grand camp de pionniers d’Union soviétique et je souhaitais documenter les changements conjoints d’une société russe en plein bouleversement et les métamorphoses des adolescents le temps d’un été. Sasha est une exploration de mes propres souvenirs d’enfance, où j’ai revisité les espaces secrets qui échappent au monde adulte, dans un environnement où le réel rejoint le fantastique.
La figure de l’adolescent est le sujet dans lequel je peux revenir indéfiniment puiser. Car s’il permet de documenter cet âge particulier, il agit aussi comme un miroir. En questionnant la transition adolescente, je peux redéfinir le contour de ma propre identité. La carte blanche qui m’est offerte me permet d’élargir cette vision et d’inviter 10 artistes qui proposent des regards très divers sur l’adolescence.
Paul Graham est une figure majeure de la scène photographique britannique contemporaine. Avec sa série End of an Age, Graham capture les moments de transition à la fin de l’adolescence. Le petit laps de temps entre la jeunesse insouciante et le début de prise de conscience des responsabilités adultes.
Alessandra Sanguinetti photographe argentino-américaine, dépeint, dans Les Aventures de Guille et Belinda, la vie, les rêves intimes et l’imagination débordante de deux cousines dans la pampa argentine. Avec The life that came, elle nous fait entrer dans une nouvelle période de la vie de Guille et Belinda, au seuil de cet âge adulte qu’elles avaient imaginé. Un film et des photographies de ce projet sont présentés simultanément.
© Claudine Doury
Nicolas Savary (Suisse) est photographe et plasticien. Avec sa série l’Age Critique, il s’attache à décrire comment l’institution scolaire est un espace pensé pour contenir les mouvements des adolescents, vus comme éléments perturbateurs. Nicolas Faure est considéré comme « le nouveau topographe suisse ». Il expose pour la première fois au public quelques photographies de sa nouvelle série Heavenwards. En immergeant sa famille immédiate dans la nature, Nicolas Faure teinte ses nouveaux paysages d’une inquiétante étrangeté. Martin Bogren (Suède) est un photographe issu de la tradition documentaire. Avec sa dernière série Tractor boys, Bogren suit un groupe de jeunes Suédois désœuvrés dans leurs parties de voitures-rodéo et revisite avec eux une nouvelle fureur de vivre.
Steeve Iuncker (Suisse) est un photographe issu de la presse qui questionne des sujets tabous comme la mort. Il expose pour la première fois le début de sa nouvelle série Rites de passage et explore les dérives adolescentes de groupes de jeunes lors de fêtes et rassemblements. Laure Donzé, jeune artiste plasticienne suisse réalise pour Meyrin une œuvre originale sous la forme d’une fresque picturale et photographique, une sorte de journal intime visuel à la mémoire fragmentée entre autobiographie et autofiction, intégrant des images de sa famille, de ses amis, de son adolescence. Laura Pannack (Angleterre), dans une approche très intimiste, dresse un portrait de la jeunesse anglaise. Avec sa série Young Love, elle place le premier amour au cœur de la construction identitaire. Sabrina Biro (Suisse) est une jeune plasticienne. La série Nothing can stop me now est une sorte d’archéologie du quotidien. Avec la photographie comme instrument de conservation, Sabrina Biro se tourne vers l’inventaire pour se réapproprier une part de son intimité.
© Steeve Iuncker
Alena Zhandarova fait partie de la nouvelle génération des photographes russes. Cornflower tea and concealing chocolate est une série d’autoportraits autour de micro-évènements de la vie de l’artiste. Chaque photo est une pièce du puzzle qui lui permet de définir peu à peu son identité. Le journaliste et critique Christian Caujolle a également collaboré à ce projet en produisant un texte inédit autour de la photographie et de l‘adolescence. Enfin, des extraits du film LES RÊVES DANSANTS, sur les pas de Pina Bausch seront projetés dans l’exposition et la version intégrale le 2 et 16 mai. Ce magnifique film documentaire coréalisé par Anne Linsel & Rainer Hoffmann rend compte de la recréation de Kontakthof, une pièce de 1978 avec des adolescents de la ville.
Pour ces jeunes gens sans aucune expérience de la scène et qui vont passer près d’une année ensemble à répéter la pièce, la découverte de l’univers de Pina Bausch va de pair avec une découverte d’eux-mêmes. Une prise de contrôle de leurs corps mais aussi une exploration de leurs émotions, de leurs désirs et de leurs angoisses. En montrant la mue du processus de la pièce et par là-même de l’adolescence, Les rêves dansants et Pina Bausch résument on ne peut mieux, l’exposition Passage : « Se montrer. Se défendre. Avec ses peurs. Avec ses ardeurs. Déceptions. Désespoirs. Premières expériences. Premières tentatives. De la tendresse, et de ce qu’elle peut faire naître ».