© André Morain
Du 17 avril au 16 juin, la Maison Européenne de la Photographie propose 7 nouvelles expositions. Claude Lévêque, Philippe Favier, André Morain, Michael Ackerman, Pascal Dusapin et Alain Fleischer, Gustavo Speridiao, Atsunobu Kohira, et Stéphane Hette.
Voici donc un petit récapitulatif des expositions.
Claude Lévêque, "Un instant de rêve"
Claude lévêque n’est pas un photographe, ni même un peintre- photographe comme boltanski, Gette, annette messager ou le Gac le furent dans les années 1970, mais un artiste qui photographie tout le temps, plus que les photographes peut-être, plus que les peintres-photographes certainement.
Ce qu’il enregistre est à la fois drôle et terrible, aigu et poétique. Constat parfois et parfois pas de côté dans le réel, en écho à l’oeuvre, faite, comme on le sait, de tensions entre des pôles contraires, où se mêlent et s’opposent violence et douceur, tendresse et terreur. avec l’humour, des éclats de rires sonores et même la gaminerie qui enchante tout cela et peut en bouleverser, parfois, la compréhension. Car si Claude lévêque donne à voir notre univers dans son aspect sinistre, impitoyable, en même temps l’enfance, ses rêves et ses peurs, hante cet univers heurté, aussi noir et doré que le sont les contes d’ogres et de fées.
© Claude Lévêque
Connaissant ces photographies depuis longtemps, j’ai proposé à Jean-Luc Monterosso de les exposer : il avait déjà acquis de Claude Lévêque, pour la MEP, une vidéo qui sera projetée dans l’exposition. On n’y montrera aucun tirage encadré mais des images projetées selon différents rythmes, différents formats, accompagnées de deux néons, dans un dispositif intime cherchant à garder à ces images le statut qui est le leur: repérage, exploration, observation, recherche. Il s’agit là d’un voyage en images dans l’univers d’un artiste. D'un artiste majeur, en France, aujourd’hui. D’un artiste qui nous livre ici en somme son "journal" ou son carnet de croquis.
Michel Nuridsany
© Claude Lévêque
Exposition organisée avec le soutien de l'institut culturel Bernard Magrez, Janvier Digital Lab, le Groupe Galeries Lafayette et Kamel mennour
Philippe Favier "Noire…"
Philippe favier n’est pas photographe, mais parmi la trentaine de séries qui compose son œuvre, plusieurs d’entre elles appréhendent la photographie, l’utilisant comme support, peint, découpé, toujours détourné...
Pour celui que l’on classe trop facilement au “rayon peinture”, ce n’est pas sans une certaine espièglerie que Philippe favier présente pour la première fois réunis ses travaux “photographiques”.
© Philippe Favier
L’exposition à la maison européenne de la Photographie présente une sélection d’environ 150 œuvres de moyen format et est accompagnée d’un livre publié aux éditions bernard chauveau.
© Philippe Favier
Exposition organisée avec le soutien de l'Association des Amis de la MEP
André Morain, "Photographies 1961-2012"
Couvrant plus de quarante ans de vie artistique parisienne, l’œuvre d’André Morain s’offre comme une chronique photographique et historique irremplaçable. Devant son objectif ont défilé tout ce que l’Art compte de personnalités : galeristes, critiques, collectionneurs, conservateurs, politiques, artistes...
Saga singulière dans laquelle les Nouveaux réalistes côtoient les peintres de la Figuration Narrative, et où l’on retrouve Jacques Chirac aux côtés de louis cane, tandis qu’à l’abri des regards, Denise René converse avec Jean Arp et qu’Annette messager et Christian Boltanski s’échappent d’une monumentale sculpture de richard serra. typologie qu’on pourrait interpréter aussi comme une étude de caractères.
© André Morain
Mais qu’on ne s’y trompe point, si André Morain est au service de l’art, il est aussi et surtout au service de la photographie. Son œil aux aguets, furtif et incisif, saisit à la volée, à la manière d’un cartier-Bresson, les moments forts d’une scène artistique qu’il immortalise et nous restitue dans sa fraîcheur et sa spontanéité.
Il s’inscrit assurément dans la lignée d’un Ugo Mulas, d’un Harry Shunk ou d’un Claudio Abate, mais il s’en distingue cependant par quelques pas de côté : ceux d’un photoreporter rarement pris au dépourvu.
André morain, c’est la mémoire virevoltante d’une époque à laquelle l’humour et parfois l’impertinence donnent le « la ».
L’exposition à la MEP présente une sélection d’une centaine de photographies et est accompagnée d’un livre publié aux éditions Nicolas Chaudun.
© André Morain
Exposition organisée en collaboration avec la Villa Tamaris
Image et Musique
Une collection d'actes sud photographies de Michael Ackerman, Pascal Dusapin et Alain Fleischer
Depuis trente ans, la musique et la photographie sont au cœur des publications des éditions Actes Sud. leur réunion au sein d’une même collection s’est donc imposée naturellement. les nombreux liens entretenus par Actes Sud avec ces deux formes d’art, si complémentaires, peuvent ainsi se rencontrer.
les ouvrages de la série « Images et musique » prennent la forme de disques-livres réunissant le cd de l’œuvre musicale et un livret présentant un album photographique accompagné de textes relatifs à l’interprétation de l’œuvre et à la présentation du compositeur. Tous les volumes sont enrichis d’un appareil critique comprenant une analyse de l’œuvre, une biographie, une bibliographie et/ou une discographie des artistes.
© Alain Fleischer
Dans le prolongement de cette démarche, l’exposition à la Maison Européenne de la photographie montre, en parallèle, les œuvres musicales et photographiques de trois ouvrages de la série. En regard : les photographies de Michael Ackerman, pascal dusapin et Alain fleischer.
En écoute : les œuvres musicales de Berg / Schoenberg / Webern, pascal dusapin et Britten / Quilter / Warlock. cette rencontre en sons et en images offre ainsi au visiteur la possibilité de découvrir une œuvre musicale, un compositeur, par le vecteur de l’image, ou à l’inverse un travail photographique par le biais d’une œuvre musicale.
Gustavo Speridiao "Géométrie. Montage. Equilibrage. Photos et vidéos"
Images de l’histoire. Histoire des images. Pour Gustavo Speridião, ces deux mots n’en font qu’un. Bien sûr, tout appartient soit au domaine des images, soit à l’histoire. On sait encore que l’une est toujours le produit (ou l’invention) de l’autre — et qu’elles servent toujours à quelqu’un. Mais pour Speridião il se pose au cœur de cette relation une autre question, à savoir, ce que nous faisons d’elles.
Par un procédé d’“assemblage” et de remise en scène des images, Speridião crée des fictions réelles de la vie post-moderne (il faut ajouter combien la dimension spectaculaire de la politique, du quotidien, de l’intimité inventée par les communautés virtuelles tels que Facebook, devient le problème-clé de la culture contemporaine). L’approche de Speridião se pose dans les mêmes termes que ceux que le critique américain arthur danto proposait dans son approche de l’art post-historique, à savoir résoudre la problématique : “que faire après tout ?”
© Gustavo Speridião
Speridião nous met face à cette grande archive globale qu’est le monde. Ses images captées et mêlées dans un processus d’édition inspiré du kinoglaz des avant-gardes russes (ce qui nous fait considérer que non seulement les images, mais leurs processus de présentation subissent aussi une histoire) font le portrait de ce monde où partout se mêlent le désir (désir au sens strict, mais aussi désir de changement, d’affirmation), le vertige, la frustration, l’enthousiasme, en un mot, tous nos sentiments cachés par les grands médias et par leur stratégie de construction d’un bonheur artificiel.
Différemment de la devise moderne et emblématique de rimbaud (“il faut être absolument moderne”), les œuvres de speridião proposent un petit plus et un jeu de mot : il faut être absolument, il faut absolument être... une politique des images à travers des images politiques.
© Gustavo Speridião
Atsunobu Kohira, "Ouverture de Bombyx Mori"
Les parois de l’installation d’Atsunobu kohira, recouvertes de coussins blancs rappelant la forme des cocons, transforment totalement l’espace de l’exposition. Cette enveloppe d’aspect soyeux est traversée par l’arrière d’une lumière blanche. Le spectateur une fois à l’intérieur se trouve englobé par l’installation, où une immersion sensorielle est privilégiée. L’œuvre le sollicite physiquement (vue, ouïe, toucher...) et psychologiquement. Les bruits de l’extérieur sont tamisés, laissant place à un silence absorbé.
© Atsunobu Kohira
Le spectateur est ensuite attiré par un globe en verre placé à environ un mètre du sol au centre de l’installation. De légers sons s’en échappent, proches de ceux de battements d’ailes de papillon. il s’agit en fait de la vibration des cocons disposés sous cette cloche en verre. Les mouvements fébriles de ces cocons contrastent délicatement avec cette ambiance feutrée. Cette installation dégage une impression de fragilité ainsi que de préciosité. à l’instar de Infravoice ou City Sound, Atsunobu Kohira matérialise ici le son. Il crée un “corps spatial” invitant à la contemplation et à laisser libre cours à nos sens.
Stéphane Hette, "Art of Butterfly"
Stéphane Hette, avec l'ensemble photographique “Art of butterfly”, réalise l'enregistrement d'un moment présent. en effet, le photographe saisit ici l'instantanéité de la pause du papillon, la brièveté de cette halte.
Par un jeu de lumière il fait disparaître le fond, présentant ain- si le papillon en suspension dans un espace vide d'une blancheur immaculée. Cet intervalle flottant serait l'environnement idéal que l'on ne pourrait obtenir à l'œil nu. un idéal de pureté propice à l'obser- vation de ce papillon.
© Stéphane Hette
Ce rendu photographique pourrait laisser penser qu'il s'agit d'un désir de se rapprocher d'un traité scientifique, d'une histoire naturelle des papillons. or la légende ne nous donne aucune indi- cation de cet ordre et les quelques brins de nature se rapprochent plus de l'Ikebana, art de l'arrangement floral japonais.
Cette esthétique soignée invite donc plus à la contemplation et à l'émerveillement de la nature. “art of butterfly” synthétise la préciosité du papillon ainsi que celle de la brièveté d'un instant. une tension délicate se dégage entre la capture d'un moment éphémère et l'infini beauté de la nature.
© Stéphane Hette