© Jean-Christophe Béchet
Galerie Detaille 5-7 rue Marius Jauffret 13008 Marseille France
Marseille, capitale européenne de la culture en 2013, inspire depuis longtemps écrivains, artistes et photographes. Au cœur de la manifestation, Hélène Detaille a invité deux photographes contemporains, le Français Jean-Christophe Béchet et l’Uruguayen Pablo Guidali qui proposent leur vision de la ville méditerranéenne.
Jean-Christophe Béchet porte sur sa ville natale, où il a fait escale après chacun de ses voyages, un regard de photographe qui redécouvre sa ville, sous un angle différent, un peu étranger, un peu d’ici. Il en a une connaissance intime et affective.
Pablo Guidali, avec sa culture sud-américaine, a été attiré par l’énergie particulière de Marseille. Il en explore la tension et les rugosités ; il s’immerge dans la profondeur de la ville et dans la poésie immuable des bords de mer.
© Jean-Christophe Béchet
Jean-Christophe Béchet
« Marseille appartient à qui vient du large »
La lecture de Blaise Cendrars, L’Homme foudroyé,1 après les incitations répétées de Raymond Depardon, a servi de déclencheur. Devenu pendant des années étranger à sa ville, Jean- Christophe Béchet entreprend alors de la redécouvrir. L’exploration commence en 2005. Elle aboutira à la publication d’un livre, Marseille, ville natale (Trans Photographic Press, parution mai 2013) et à l’exposition présentée à la galerie Hélène Detaille.
« J’ai habité la ville jusqu’à l’âge de 21 ans. Depuis 1985, je vis "ailleurs". Mais je reste un Marseillais qui ne se sent pas vraiment marseillais. Dans mon parcours personnel, les racines, origines et traditions ont peu d’importance. A Marseille, je ne suis ni dedans, ni dehors. Ni pour, ni contre. Ni ailleurs... Je m’intéresse au rapport à la mer ; je sens la lumière, le sud. Concevoir ce livre, c’était justement l’occasion de préciser cette non-appartenance. Je devais faire le point, voir si mes images « marseillaises », souvent intimes et personnelles, livraient quelques vérités sur une ville insaisissable.
Marseille est un ensemble de villages, une suite de petites entités. (...) Là où Tokyo, New York, Paris et bien d’autres imposent leur architecture, leur signature visuelle, Marseille s’échappe de tous les côtés. Ici c’est le son, pas seulement l’accent, mais les paroles, le bruit, le vent, qui, avec le soleil, créent l’unité de la ville...
Marseille est d’abord pour moi la ville de mon enfance, de mes souvenirs, de mes premières photos et de mes premières amours, oui c’est une ville sensuelle et distante, chaleureuse et froide, excessive et cachée, inquiétante et débonnaire, vulgaire et enthousiasmante... Je ne photographie pas de la même manière Tokyo et Marseille. Quand on débarque quelque part sans rien connaître, on voit des choses que les habitants du lieu ne voient pas. »
© Jean-Christophe Béchet
A Marseille, Jean-Christophe Béchet n’est pas dans l’état du voyageur. Il raconte sa ville natale comme dans un récit autobiographique, de manière subjective, non exhaustive. Il photographie un paysage habité – les gens sont comme des marqueurs d’espace, avec leur manière de se tenir, de se vêtir... Une robe estivale évoque la sensualité du sud.
« En une heure de bus, je peux passer de l’effervescence du centre Bourse et l’exotisme du marché Noailles à la solitude des calanques, au milieu d’un désert minéral. La ville, le dépaysement, les rochers. L'urbain, l'ailleurs, la pierre. Si j’aime autant les grandes métropoles, les voyages lointains et les montagnes inhospitalières, c’est sans doute a Marseille que je le dois. Les trois fondements de mon parcours photographique sont présents à Marseille. Ils en sont aussi la matrice, les racines. »
« Tu es comme moi, tu ne veux pas être trop conceptuel parce que nous ne sommes pas des photographes abstraits. On est proche des gens, tu es quelqu'un qui est proche d'une sensation, et qui transmet cette sensation. Tu as pris le temps et tu as trouvé la solution. Mais quand on photographie on règle des comptes avec son histoire. Peut-être qu’ici tu règles des comptes avec Marseille, ta ville natale... »
(Extrait d’un entretien avec Raymond Depardon, autour du livre Tokyo Station.)
L’exposition présente une sélection de photographies noir et blanc et couleur. Tirages noir et blanc argentiques (barytés tirés sous l'agrandisseur); tirages couleur numériques (jet d'encre pigmentaire).
1
La citation est extraite de ce livre publié en 1945 par les éditions Denoël.
© Jean-Christophe Béchet
Notes biographiques
Né en 1964 à Marseille, Jean-Christophe Béchet vit et travaille à Paris. Dans chacun de ses projets, il cherche à révéler une spécificité photographique. Son regard, politique et poétique, se construit livre par livre, l’espace de la page imprimée étant son terrain d’expression « naturel». Argentique et numérique, 24x36 ou moyen format : pour chaque projet il cherche l’outil le mieux adapté.
Son travail est actuellement représenté par les Galeries LWS et Les Douches la Galerie, à Paris. Ses travaux personnels ont débouché sur plus de 50 expositions et la publication de 12 monographies.
© Pablo Guidali
Pablo Guidali
Pablo Guidali arpente la ville d’un pas dynamique, aux aguets, à la recherche d’une tension qui le pousse à appuyer sur le déclencheur. Il avance, l’appareil à la main, se laisse prendre par la rue, par les gens qui l’animent. Il cherche « la vraie vie » dans la profondeur de la ville. Une métropole faite d’aspérités et de métissages, de lumière crue, portant la couleur des quartiers populaires.
A Marseille, le photographe uruguayen retrouve un peu Montevideo. Il y a, dit-il, des ressemblances entre ces deux villes bordées par la mer, l’identité portuaire, les goélands, et ces sensations multiples, visuelles ou olfactives qui le ramènent au bord de son estuaire.
La photographie narrative ou documentaire n’est pas son objectif. Il se dit instinctif, toujours en éveil ; il a une approche subjective et aime être surpris. Il veut capter la beauté même dans ses dimensions bizarres ou sombres. L’imagerie de la rue, dans son improvisation, dans sa
complexité, le bouscule et l’attire. La moquerie n’a pas sa place, ni la caricature. Il voit Marseille comme une cité multiple qui n’accorde pas beaucoup d’importance à l’apparence ou à la forme – une ville authentique, non policée, parfois sans cohérence, un formidable terrain d’investigation.
© Pablo Guidali
« Je suis pris par la tension de la ville ; c’est ce qui me permet de me rapprocher de mon propre univers. Ce qui complique ma tâche, c’est qu’elle ne se laisse pas facilement photographier. J’ai conscience du rapport spatial avec les gens que je photographie ; je m’appuie sur le rythme et l’écart de mes pas. Je travaille au plus près des gens, parfois à moins d’un mètre du sujet, ce qui souvent m’empêche de viser. Beaucoup de photos sont faites à bout de bras, en passant.
Ici, plus qu’ailleurs, il arrive que les gens se montrent suspicieux, réticents, agressifs, qu’ils demandent des comptes... Je suis sensible à leurs réactions, je les respecte, mais un minimum d’audace et quelquefois d’irrévérence peut être nécessaire si je veux avancer dans mon cheminement.
Certaines photos sont un défi, elles relèvent presque de la lutte. Je n’ai pas le temps de la réflexion ou de l’hésitation. On ne calcule pas tout. On ne voit pas tout. On fait et on décide après.
Pour d’autres images plus contemplatives, je m’éloigne davantage de mes sujets et j’élargis le cadre. Mais même dans ce type d’images, je réalise qu’il y a une présence humaine ou animale. Presque toujours.»
Pablo Guidali réalise ses prises de vues en argentique et traite ses tirages noir/blanc en impression jet d’encre pigmentaire sur papier Fine Art. A la question des contrastes que l’on peut voir dans ses images, il répond qu’il s’agit surtout d’obtenir des noirs profonds. La part de l’ombre sans doute.
© Pablo Guidali
Notes biographiques
Né en 1976, uruguayen, Pablo Guidali a commencé par faire des études d’économie. Il exerce la photographie depuis quinze ans et obtient en 2010 le diplôme de l’Ecole nationale supérieure de la photographie d’Arles. Il a réalisé plusieurs expositions, individuelles et collectives, en France comme en Uruguay. Actuellement il vit et travaille à Marseille.
Le travail sur Marseille qu’il poursuit depuis deux ans a bénéficié d’une aide à la création de la Région PACA. Les photographies réunies dans cette exposition en font partie.
© Pablo Guidali
Du jeudi 20 juin au samedi 21 septembre 2013
Fermeture estivale de la galerie du 5 au 20 août 2013