
Égarement © Cerise Doucède
Le Prix HSBC pour la Photographie, créé en avril 1995, sous l’égide de la Fondation de France, a pour mission d’aider et de promouvoir de façon durable la génération émergente de la photographie. Christine Raoult en est la Déléguée Générale.
Un concours annuel est ouvert de septembre à novembre à tout photographe n’ayant jamais édité de monographie, sans critère d’âge ni de nationalité.
Chaque année, un conseiller artistique, désigné pour apporter un nouveau regard, présélectionne une dizaine de candidats. Il présente alors ses choix au Comité exécutif qui élit les deux lauréats.
Depuis sa création, le Prix HSBC pour la Photographie n’a cessé de voir sa réputation grandir, ne serait-ce que par la carrière réalisée par ses lauréats (Valérie Belin, Laurence Demaison, Clark & Pougnault, Eric Baudelaire...). Cela explique sans nul doute son succès croissant auprès des artistes : plus de 780 dossiers ont été examinés cette année, contre 500 l’année dernière. Certains choix ont donc été difficiles à réaliser...
Parmi les nombreux prix existant aujourd’hui, certains sont spécialisés dans le reportage, la photographie culinaire ou animalière... Les photographes professionnels, chacun dans leur “catégorie”, peuvent donc concourir tous les ans ici ou là. Le Prix HSBC, quant à lui, occupe une place particulière puisqu’il récompense et soutient la création contemporaine dans son ensemble, sans restriction de thème, d’âge ou de nationalité. On peut y découvrir des photographes “en herbe”, des amateurs éclairés, des
professionnels confirmés, ou de jeunes artistes à peine sortis de l’Ecole des Beaux-arts : ce prix est donc particulièrement représentatif de ce qui constitue la richesse de la photographie actuelle. Avec l’incomparable avantage d’attirer des artistes du monde entier, élargissant dès lors ce point de vue à la création internationale.
L’examen de l’ensemble des dossiers reçus cette année a permis de noter l’intérêt toujours aussi vivace des photographes pour les genres classiques du portrait, du paysage ou de la nature morte. Par ailleurs, l’impact de la technique est de plus en plus significatif, avec par exemple le développement de Photoshop, qui permet de prolonger le questionnement de la représentation du réel, caractéristique du médium dès ses origines. On remarque d’autre part la recrudescence des travaux mêlant installation et photographie, et qui rend plus évident encore le mélange des genres propre à l’art contemporain. Enfin, la poésie, le merveilleux, l’enfance, la mémoire et l’intime sont également des thèmes récurrents dans la photographie “plasticienne”, tout comme les réalités sociales, les catastrophes naturelles et les guerres le sont dans le domaine documentaire.
Les candidats les plus convaincants sont ceux qui soumettent un dossier dans lequel le propos et l’œuvre forment un ensemble réfléchi, cohérent et de qualité. Les critères de sélection peuvent paraître subjectifs, tant il est vrai qu’ils appartiennent au seul conseiller artistique. Cependant, c’est avec une volonté d’équilibre entre les différentes tendances de la photographie que la sélection des dix finalistes a été opérée.
Emmanuelle de l'Escortais , Historienne de l’art, responsable de la collection photographique du musée d’Art Moderne de la ville de Paris, avait proposé 10 nominés. Elle dit des deux lauréates:
“Cerise Doucède conçoit des installations avant de prendre en photographie ses modèles : elle crée des environnements qui foisonnent d’objets suspendus dans l’espace, comme autant de pensées virevoltantes, propres à exprimer une part de la personnalité de chacun.”
Egarement © Cerise Doucède
et
“Noémie Goudal invente des installations à l’aide de matériaux industriels (plastique, papier, cartons, tissus) en pleine nature, rendant l’espace irréel. Dans certains lieux fermés, comme des grottes ou des usines désaffectées, elle crée - à l’aide de photographies imprimées - des fenêtres étranges et morcelées, ouvertes sur un extérieur fabriqué.Tous ces lieux fictifs se proposent d’héberger l’imaginaire de chacun.”
Cascade © Noémie Goudal
Cerise Doucède:
“Mes photographies sont le théâtre de mes fantasmes, révélant l’intimité de ma propre histoire, elles correspondent à mon monde, celui que j’entrevois quand j’observe le réel. Elles sont parfois la dernière étape d’une lente réflexion qui peut m’habiter des jours et des nuits jusqu’à La solution !”
C’est ainsi que Cerise Doucède décrit ses photographies. Avec application, précision et humour, elle crée des installations qui reflètent les rêves ou les obsessions (Egarements), voire les peurs de chacun (Les Attachés). En donnant forme à ses propres visions, elle retranscrit sa version du réel et sublime les moments les plus ordinaires. Les objets prennent alors vie autour d’un ou plusieurs personnages, dans des lieux intimes, à des moments clés de la vie de tous les jours, comme les repas par exemple. Elle réinvente ainsi l’art du portrait, en concevant des environnements qui foisonnent d’objets suspendus dans l’espace, comme autant de pensées virevoltantes, propres à exprimer une part de la personnalité de chacun.
Noémie Goudal:
Noémie Goudal construit des installations dans des lieux ouverts ou clos, mais toujours privés de perspective, à l’aide de matériaux industriels (plastique, papier, cartons, tissus) ou de photographies imprimées sur des laies et suspendues dans l’espace. Elle transforme ainsi grottes, usines désaffectées, forêts et mer sans fin, en scènes de théâtre étranges, où tout peut se jouer, y compris les scènes les plus absurdes. Elle crée des fenêtres morcelées qui ouvrent sur un extérieur qui apparaît dès lors comme fabriqué et fragile, susceptible de disparaître au moindre souffle du vent. Tous ces lieux fictifs proposent plusieurs niveaux de lecture : rapports de l’homme à la nature et au monde organique, fragilité de l’un et de l’autre, impact de l’un sur l’autre etc. Le regardeur est ainsi amené à investir ces espaces et à se projeter dans une histoire (comme dans Promenade, les amoureux peuvent échapper à l’enfermement de la grange en empruntant ce pont), chaque image proposant d’héberger l’imaginaire de chacun.
Well © Noémie Goudal